La beauté au sens propre
Depuis le 1er juillet, une grande majorité d’allégations « sans » sont désormais interdites. Le début d’un retournement de tendance, alors que ces mentions figurent sur quantité de références cosmétiques.
Sans paraben”, “sans conservateur”, “sans silicone”…, les allégations “sans” ont fleuri sur les packagings des références cosmétiques ou autant de claims attestant de l’absence d’ingrédients controversés. Une tendance forte qui touche tous les circuits, jusqu’aux surfaces alimentaires où les produits “sans” (gluten, additifs, colorants, etc) cartonnent. Elle remonterait à 2005, date à laquelle le scandale des parabens, pointés pour leur dangerosité, a éclaté en prenant pour cible différentes marques positionnées sur la naturalité… « C’est à ce moment là que pour se différencier de la cosmétique conventionnelle, les marques de cosmétique bio, émergentes à l’époque, ont eu recours aux allégations “sans” », rappelle Pascale Brousse, fondatrice de la société Trend Sourcing. Au fil du temps, l’argument fait boule de neige et infuse l’univers de la dermocosmétique et, plus particulièrement, la sphère des marques naturelles. Jusqu’à saturer les linéaires et faire perdre leur latin aux consommateurs. C’est en tous cas ce que dénonce l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité française (ARPP) qui a émis des recommandations pour encadrer le recours aux allégations “sans” : jugées faussement rassurantes, elles duperaient les acheteurs en les induisant en erreur (cf encadré : Un bénéfice réel). Une orientation du secteur qui n’est pas sans susciter des polémiques, alors que certains défendent le droit à l’information des consommateurs. Car cette mouvance, aux accents marketing, correspond à une attente des acheteurs de plus en plus suspicieux et avertis : « les listes d’ingrédients sont souvent difficilement compréhensibles ; c’est plus simple de se tourner vers une mention “sans” » qui agit comme un argument rassurant », commente Laurence Wittner, fondatrice de l’Observatoire des cosmétiques.
DU “SANS” au “avec”.
A l’avenir, certaines mentions “sans” seront remplacées par des arguments positifs (“avec tel ingrédient”), afin de « contribuer à une image valorisante des produits cosmétiques », estil écrit sur le site de l’ARPP. Cette nouvelle communication positive suffira-t-elle à répondre à la quête de transparence des consommateurs ? Rappelons que ces derniers utilisent de plus en plus les applications qui décryptent les compositions des produits (Yuka, Inci Beauty, Pharmapocket, Cosmethics, Clean Beauty, etc). Ensuite, la “Clean beauty”, utilisant un registre tout aussi positif et, de surcroît engagé, pourrait bien créer la nouvelle tendance forte du secteur (hormis ses prix encore trop élevés). Cette démarche jusqu’au-boutiste, « en provenance des USA et en France depuis environ cinq ans, fait le pari de formulations poussées sans dommage pour la santé de l’individu et la planète », résume Pascale Brousse. Un mouvement qui pourrait agir comme un nouveau label, même s’il n’existe pas encore de cahier des charges stricte et de définition officielle : il comprend la Clean beauty safety, excluant les ingrédients toxiques, la Slow cosmétique, limitant le nombre d’ingrédients utilisés, et la Clean Beauty écologique qui écarte les composants polluants.
LE “CLEAN label” gagne la distribution.
Un concept décliné, par exemple, par Sephora aux U.S.A. avec son label “Clean at Sephora”, apposé sur une sélection de produits. Et qui commence à intéresser les officines : du 3 juin au 15 juillet dernier, la pharmacie Monge braquait ses projecteurs sur cette nouvelle génération de marques responsables “clean” ou “propres” (soit 7 marques dont les soins visage Exertier, les baumes multi-usages et déodorants des Petits Prödiges, les produits vegan de Cut by Fred…) réunies dans une boutique éphémère, le “French Beauty Lab”. Le test, plus que concluant, va entraîner la création de corners dans toutes les officines du groupe. « De jeunes marques françaises, peu connues, fournissent de gros efforts en matière de formulation. Leur approche est fondamentalement différente en cela qu’elles sont proches de leurs clients et échangent avec eux, en toute transparence et en direct. La relation de confiance vient remplacer les claims », fait remarquer Léa Vignon, pharmacienne, responsable du corner “French Beauty Lab”. Telle la marque Exertier, incluant des soins visage, créée il y a cinq ans et installée sur la Clean Beauty safety et écologique : « Nous fondons notre relation avec nos acheteurs sur un dialogue. Tous les 15 jours, nous organisons des directs sur Instagram sur différents thèmes : les conservateurs, les huiles minérales, les perturbateurs endocriniens, etc. Ces sessions sont animées par une pharmacienne à qui le public peut poser des questions. En officine, nous montrons des ingrédients à l’état brut pour expliquer à quoi ils servent et si nous les utilisons ou pas. Notre objectif est d’inculquer à notre clientèle une culture en cosmétique, afin de lui permettre d’avoir un choix éclairé et autonome », explique Julie Exertier, fondatrice de la marque.
VERS une cosmétique green.
Notons que cette approche exigeante devrait se développer, à l’instar du bio, et prendre des parts de marché, pronostique Léa Vignon. Car, ne l’oublions pas, « il y a une appétence pour ces marques qui montrent un nouveau modèle ne s’arrêtant pas aux seules compositions : le débat migre des formules jusqu’à l’environnement, la biodégradabilité des formules et l’extraction des molécules », confirme Pascale Brousse. Quel impact pour la pharmacie ? « Elle risque d’être touchée car certains produits vendus en officine ne répondent plus à ce que cherche une partie des consommateurs ; certains d’entre eux se détournent de la pharmacie vers d’autres circuits. Plus le pharmacien sera renseigné sur les marques qu’il vend, plus il jouera son rôle de prescripteur. Pour garder la confiance de ses clients, il devra se porter garant des marques qu’il référence », conclut cette dernière. Un virage crucial de la cosmétique à ne pas rater.
LE RÉGIME “SANS”
… Les allégations “sans” représentaient 20 % des mentions cosmétiques en 2016.
(Rapport de la Commission du Parlement européen sur les allégations des produits cosmétiques).
RéglementationUn bénéfice réel
Certaines allégations “sans”, inscrites sur les emballages, sont interdites pour les produits cosmétiques lorsqu’elles n’apportent pas de bénéfice réel au consommateur. L’esprit de cette règlementation : « il ne faut pas que les allégations soient mensongères, induisent le consommateur en erreur ou entraînent une distorsion dans leur perception des produits », commente Laurence Wittner, fondatrice de l’Observatoire des cosmétiques. Par exemple, les allégations “sans paraben”, “sans triclosan”, considérées comme dénigrantes, vont disparaître. A l’inverse, l’allégation “sans alcool” pour un bain de bouche destiné à un emploi familial sera maintenue. Ces nouvelles règles, prévues par le document technique européen sur les allégations cosmétiques et la 8ème Recommandation “Produits cosmétiques” de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), ne s’appliquent qu’aux nouveaux produits commercialisés à compter du 1er juillet 2019.
+2, 3 %
C’est l’augmentation des ventes enregistrée sur les produits (« sans paraben ») en 2017, par rapport à l’année précédente. dans le même temps, les ventes de cosmétiques reculaient de – 0,6
(Rapport de la Commission du Parlement européen sur les allégations des produits cosmétiques).
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