Les pharmacies à la hauteur de l’enjeu

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Publié le 4 juillet 2020
Par Audrey Chaussalet
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Une stratégie omnicanale, une politique de services quasi sur-mesure accompagnée de valeurs humaines fortes apparaissent déjà comme les principaux leviers pour que l’impact de la crise soit modéré dans les officines. Il est tentant d’en tirer déjà des leçons pour le futur.

Mardi 17 mars à 12 h, la France entre en confinement. Les officines gèrent depuis plusieurs jours un afflux massif pour, entre autres, des achats de stockage et doivent en même temps se réorganiser. Tous les groupements de pharmacies se mettent en ordre de marche pour faire face à l’urgence. Leur priorité absolue est de garantir la sécurité. Celle du personnel et des patients/clients. Hygiaphones, masques, gels hydroalcooliques sont envoyés aussi vite que faire se peut aux adhérents. Tandis que l’adhésif de marquage au sol délimite le mètre nécessaire à la distanciation sociale dans une file d’attente, régule les flux à l’intérieur de la pharmacie et délimite un “parcours du covidant”. Une communication sur le respect des gestes barrières et des règles de distanciation prend rapidement place sous forme d’affiches, stickers, leaflets ou via les réseaux sociaux. Les groupements ont également multiplié les prises de paroles didactiques, à l’image de Giphar qui a publié des informations sur “Comment nettoyer son téléphone portable ?”, “Les moustiques peuvent-ils être porteurs du virus ?”… L’aide apportée par les groupements comporte également un décryptage des aides gouvernementales concernant la gestion financière de l’entreprise et du personnel. Après l’effervescence, la fréquentation, vite en berne, les oblige aussi à revoir leurs plans de communication. Bien sûr, il faut continuer à communiquer, mais sur le (s) bon (s) sujet (s). Il ne s’agit donc pas de parler pour parler, mais de coller au mieux aux besoins spécifiques et aux attentes. Et de rassurer des patients apeurés. En sortie de crise, l’enjeu sera également de réinstaurer un sentiment de confiance et de sécurité.

Sortir d’une communication de crise

Le flot continu sur la Covid-communication a, sans surprise, fini par rendre le climat anxiogène. C’est pourquoi le groupement de mégapharmacies, Pharmabest, a diffusé dès le 24 mars, un programme d’activité physique de 30 minutes, accessible chaque jour à 10 heures sur Facebook et en replay sur YouTube. Objectifs : s’appuyer sur les bienfaits du sport pour la prévention et entretenir une relation de proximité avec les patients. Le réseau i-Pharm a utilisé les écrans indoor et outdoor de ses 40 officines, pour diffuser un spot vidéo mettant en scène divers produits, dont l’effet recherché est de booster l’immunité. Face au contexte épidémique, le corps médical s’est très vite alarmé sur la prise en charge des patients chroniques. Le groupement de pharmacies Giropharm a ainsi édité une fiche très incitative : « pendant le confinement, le conseil pharmaceutique continue… même à distance ! » pour Jean-Baptiste de Coutures, président du groupement giphar, « les retards sur la prise en charge des patients sera l’effet indirect du Covid. Il y a aussi un enjeu sur la vaccination des enfants. Le rôle du pharmacien est de remettre la machine en route ! » au lendemain du déconfinement, les pharmacies i-pharm ont déployé en vitrine une affiche géante, avec juste un mot « Merci ». « Simplement pour signaler à la population que nous étions à ses côtés », déclare le directeur des opérations, Philippe Viratelle. Le groupement PharmaVie a, quant à lui, lancé son opération « Décomprimez », décomposée en trois formules (“Renouer avec son équilibre et son bien-être”, “Lutter contre le stress” et “Retrouver une peau douce et saine avec pharmaprix »). « après une expérience commune compliquée, notre ambition est d’être dans une posture d’accompagnement des patients-consommateurs au plus près de leurs besoins », explique Laurence Dubois, la directrice marketing et des services.

Les nouveaux usages du numérique

Pendant le confinement, l’e-ordonnance, le click & collect et la livraison à domicile ont fortement séduit. Ces services se sont révélés pratiques, tout en répondant à la logique sanitaire de limitation de contacts. « Notre philosophie “le digital au service de l’humain”, en temps de crise sanitaire, prend tout son sens ! », résume Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. Ainsi, le service d’envoi d’ordonnances Mypharmactiv, par messagerie sécurisée via l’application ou le site, a été étendu gratuitement à l’ensemble du réseau. En plus d’un covering en vitrines, avec un QR-code et l’adresse du site internet de chaque pharmacie, le groupement i-Pharm a lancé une communication par SMS auprès des détenteurs de la carte de fidélité My Pharm, pour marteler le message sur l’envoi d’ordonnances à distance et la livraison à domicile en moins de 2 heures. Résultat : « Les commandes sur internet ont été multipliées par deux, voire par trois, pendant cette période », affirme Philippe Viratelle. Laurent Keiser, directeur général du réseau Aprium Pharmacie, qui s’est également servi de l’atout que représente la carte de fidélité pour promouvoir ses services, surenchérit : « Le nombre de scan ordonnance a quadruplé et les livraisons de médicaments ont augmenté de 1 000 % ». Le service de livraison à domicile du groupement, en partenariat avec la poste, a en parallèle rencontré un tel succès pendant le confinement, que la décision a été prise de l’étendre à trois nouvelles villes. Le numérique a réussi son coup en conquérant de nouvelles cibles, comme les seniors, clientèle historique et privilégiée des pharmacies. « Toutes nos pharmacies sont en train de basculer sur du click&collect et de la livraison à domicile, car même après le confinement cela continue à bien se développer. Les chiffres ont doublé par rapport à la même période de l’année dernière », confirme Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil. Même tendance chez Giphar : + 54 % sur l’e-ordonnance en mars 2020, par rapport au même mois de l’année précédente. C’est une étape plus qu’encourageante, mais les groupements devront offrir des services toujours plus personnalisés pour espérer capitaliser sur une relation durable.

Quand la téléconsultation fait boom

C’est le pari d’Objectif Pharma, qui s’appuie sur son service existant « Ma pharmacie à la maison », pour le généraliser à la centaine d’officines Wellpharma. Facturé 29 €, il comporte six visites du pharmacien au domicile du patient, qui en plus de lui apporter ses médicaments, s’assure de la conformité de son logement, du suivi de ses traitements…

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Autre phénomène, la pandémie du Covid-19 a littéralement fait exploser le volume des téléconsultations, « ce qui pourrait bien signer le véritable avénement de la téléconsultation en officines », estime Arnault Billy, le directeur général de Maiia, une filiale de Cegedim devenue récemment partenaire du groupement Pharmactiv. Au total, Maiia compte 35 groupements partenaires et a déjà équipé plus de 15 000 pharmacies. Il mise sur un rythme de 400 000 téléconsultations par mois via l’officine, d’ici à la fin de l’année. Un avis également partagé par Hervé Jouves : « la téléconsultation, au même titre que la livraison à domicile et l’e-ordonnance, va s’inscrire durablement dans les habitudes de consommation des français. »

Une nouvelle économie sociale et solidaire

Presque du jour au lendemain, une nouvelle économie s’est imposée. Pour résister à la crise, les initiatives et actions solidaires se sont intensifiées. Et cet élan de solidarité est devenu un argument de vente de poids. Consommer pour une bonne action, voilà qui a du sens ! Quelques semaines avant la pandémie, Objectif Pharma a lancé dans la centaine d’officines que compte son réseau Wellpharma, « L’Armoire à pharmacie solidaire », une opération destinée à recueillir des dons de produits d’hygiène et de première nécessité pour les plus démunis. Clients, pharmaciens, fournisseurs… sont appelés à déposer leurs dons, qui sont ensuite distribués par des associations locales (Restos du cœur, La Croix Rouge…) grâce à un partenariat noué avec le pharmacien. « Avec la crise du Covid-19, nous avons étendu le dispositif aux masques », précise Cynthia Lescure. Généralement investi auprès d’associations actives dans le domaine de la santé et de l’aide à l’enfance, le fonds des pharmacies Pharmodel (FPP) a changé de cap dès le mois de mars, pour soutenir La Croix Rouge, l’Institut Pasteur et la Fondation des Hôpitaux de France & la Fédération Hospitalière de France. Montant de l’investissement : entre 12 000 et 15 000 €. Parallèlement, les pharmacies du réseau (les enseignes Pharmodel et D Docteurs en Pharmacies, NdlR) ont mis en place l’opération « Produits Solidaires », qui consiste à reverser 30 centimes à ces trois associations, pour chaque produit de la marque propre, D Les Essentiels, vendu entre le 1er avril et le 31 décembre 2020. Dès le mois de juin, le groupement PharmaVie a distribué dans ses 600 officines une boîte de 20 pansements Enfants Toudou PharmaPrix. Sur un prix de vente de 2,90 €, 0,30 € sont reversés au projet l’Hôpital de mon Doudou, qui vient en aide au personnel soignant des hôpitaux français pour améliorer l’accueil réservé aux petits patients. « Il y aura un avant et un après C ovid pour le métier de pharmacien. La période accélèrera toutes les transformations nécessaires, en rendant l’officine indispensable dans la vie et le bien-être des citoyens », analyse Jean-Pierre Dosdat, le président d’Objectif Pharma. « Le maillage territorial de la pharmacie a trouvé tout son sens pendant cette crise. Nous pouvons être fiers de ce qui a été mis en place », conclut Jean-Baptiste de Coutures.

Un label pour garantir la sécurité

Le groupement Pharmacie Référence Groupe crée le label « Pharmacien Référent », pour mettre en lumière les efforts des pharmaciens qui se mobilisent au quotidien pour garantir la sécurité de leurs officines et de leurs patients/clients. Pour bénéficier du label, le pharmacien doit répondre à une grille d’évaluation portant sur 27 points prioritaires. « Ce label est l’expression de l’engagement que nos adhérents souhaitent porter et mettre en évidence pour leurs clients et patients. Il est l’expression naturelle de tous les efforts, tous les moyens et toutes les solutions en termes de services et de qualité que nous avons mis en place tout au long de la période Covid. Il en est la continuité logique ! », a déclaré Lucien Bennatan, président de Pharmacie Référence Groupe.