L’AUTOTEST TRACE SA ROUTE

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Publié le 1 novembre 2021
Par Carole De Landtsheer
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Les autotests sont encore sous-exploités en officine. Mais, l’arrivée des tests antigéniques liés à la pandémie du Covid-19 pourrait bien rebattre les cartes et laisse entrevoir la perspective d’un nouveau rayon qui s’inscrit à la fois dans la prévention et l’expertise santé.

Les autotests sont encore trop peu connus, pourtant, leur avantage en terme de prévention, pour ceux qui veulent avoir une réponse à une suspicion de maladie (cœliaque, tétanos), de grossesse, d’infection (urinaire, Covid-19) ou encore de carence (fer), est réel. Et c’est bien l’argument phare de ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro : détecter rapidement une anomalie qui pourra être soignée diligemment. Soit, une première démarche qui conduira, en cas de résultat positif, à une prise en charge médicale et à des examens poussés en laboratoire de biologie médicale. Mais leurs prix, même accessibles, constituent toujours un frein quand le parcours de soin habituel offre, lui, un remboursement des actes. « Cette pratique n’est pas inscrite dans les habitudes. En France, tout est remboursé et, dès que l’on doit payer de sa poche, cela réduit drastiquement le potentiel client. On s’adresse uniquement à ceux qui en ont les moyens ou à ceux prêts à payer un diagnostic sans être remboursé. Dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Angleterre ou encore la Suisse, les gens ont plus l’habitude de payer », observe Oren Bitton, directeur européen OTC chez Biosynex. Pour preuve, en Allemagne, où tous les circuits distribution ont été mis à contribution (pharmacie, grandes surfaces) lors de la pandémie, « 80 millions d’autotests payants Covid-19 ont été écoulés durant cette période », pointe Edouard Rauline, directeur général de Medisur. « Les autotests que nous fabriquons sont des tests de laboratoires marqués CE dont la fiabilité est assurée, souligne Joseph Coulloc’h, président de AAZ, ajoutant que ce marché décollerait si les autotests étaient remboursés ou si les pharmaciens pouvaient les prescrire à l’instar des médecins, comme cela est en train d’être discuté pour les tests antigéniques, entre syndicats et pouvoirs publics ».

Les tests rapides, mieux connus du grand public.

La crise sanitaire et le recours intensif aux tests nasopharyngés pour détecter le Covid-19, ont-ils changé la donne ? « Depuis la pandémie, les tests rapides sont entrés dans le quotidien des gens. Ces derniers ayant été abreuvés d’informations à leur sujet, ils en connaissent désormais le fonctionnement et l’intérêt. Et les pharmaciens, qui se sont considérablement impliqués durant cette période, sont devenus des acteurs clés dans le dépistage du Covid-19 », explique Oren Bitton. Cette démocratisation des tests rapides pourrait bien rejaillir sur le marché tout entier après son net ralentissement ces deux dernières années causé par la pandémie. « Enormément de pharmaciens nous ont commandé des descentes de différents types d’autotests pour les conseiller », affirme Oren Bitton, tout en précisant que des moyens vont être réunis pour leur bonne délivrance et leur mise en avant (formations, affiches d’officine, flyers grand public).

Toucher le bon public.

« C’est un vrai changement d’habitude qui pourrait être bénéfique à la catégorie des autotests », confirme Edouard Rauline qui pointe l’opportunité pour le pharmacien, en les proposant au comptoir, « de développer son image de conseil ». Comme, par exemple, « en parlant de l’autopalpation qui permet aux femmes de devenir actrices de leur prévention, et pas seulement une fois par an, à l’occasion d’une visite chez le gynécologue », poursuit Edouard Rauline, directeur de la société Medisur qui a lancé ses coussinets d’autopalpation Aware en 2020. L’objectif est d’atteindre un public prêt à payer le prix, ou peu enclin à passer par le parcours de soin (désert médical, délai d’attente avant une prise de rendez-vous…). L’innovation reste le fer de lance du secteur. Annoncé pour décembre prochain, en cours de marquage CE : l’autotest multiplex CovGrip d’AAZ permettra de trancher entre une infection au Covid-19 et une simple grippe. Egalement dans les tuyaux de cette société : un autotest pour détecter l’hépatite C et un autre, qui permettra de déterminer si les anticorps anti-Covid 19 sont protecteurs (ou non) face aux nouvelles souches de Covid (lancements en 2022).

64 M€

C’est le C.A estimé du marché des autotests. Sa progression de + 101 % s’explique par l’avènement des autotests antigéniques.

(fin septembre 2021, source fabricants).

5,7 MILLIONS

C’est le nombre estimé d’autotests antigéniques vendus en pharmacie.

(fin septembre 2021, source fabricants).

UNE FIABILITÉ PROUVÉE

Utile ou pas ? Dans un rapport publié en 2018, l’Académie nationale de pharmacie a passé en revue 13 autotests vendus en officine, dans le but de déterminer ceux qui étaient utiles d’un point de vue clinique (leur fiabilité n’ayant pas été étudiée). Trois répondent à ce critère, en commençant par les autotests VIH qui présentent un réel intérêt de santé publique, à condition qu’ils soient effectués trois mois après le dernier rapport sexuel (d’après les estimations, 25 000 Français ignorent qu’ils sont contaminés). Egalement retenus, les autotests qui recherchent les anticorps antitétaniques afin de s’assurer que l’on est à jour de sa vaccination, en cas de doute, après une blessure occasionnée par une activité de bricolage ou du jardinage. Et, enfin, les tests urinaires qui s’adressent aux patientes qui souffrent de cystites chroniques, afin de rendre leur prise en charge plus rapide.