Une patiente débutant une cure de sevrage

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Publié le 22 août 2009
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– Valium 10 mg : prise régulièrement répartie, indépendamment des repas.- Spasmag : par voie intraveineuse.- Bénerva : prise indifférente par rapport aux repas.- Aotal : de préférence en dehors des repas pour optimiser son absorption. – Gaviscon : après les repas ou au moment des douleurs gastriques.

Ce que vous savez de la patiente

– Claudine P., la soixantaine, ne passe pas souvent à l’officine mais l’équipe a néanmoins repéré qu’elle souffre d’une dépendance à l’alcool. Il est arrivé que cette patiente demande un flacon d’alcool à 90°, pour lequel on peut suspecter un usage détourné.

– Aujourd’hui, Hélène, la soeur de Mme P., se présente à l’officine avec une ordonnance.

– Hélène fait immédiatement part de son soulagement : elle a convaincu sa soeur, avec l’aide du médecin généraliste, de démarrer une nouvelle cure de sevrage alcoolique.

Ce que le médecin lui a dit

– L’objectif du traitement est d’éviter l’apparition d’un syndrome de sevrage après l’arrêt brutal de la consommation d’alcool. L’alcoologue revoit Mme P. aux troisième et sixième jours du sevrage. Une infirmière doit passer tous les matins lui faire des piqûres.

– Le médecin lui a donné le nom d’une infirmière faisant partie d’un réseau de prise en charge des patients alcoolodépendants. Elle s’assurera que la patiente prend correctement le traitement prescrit.

La demande spontanée de la soeur de la patiente

– « Ma soeur m’a demandé de surtout bien lui ramener ses piqûres chauffantes qui l’avaient beaucoup aidée lors du premier sevrage. Elle souhaite également un médicament pour soulager des reflux gastriques qui l’indisposent. »

– Hélène précise qu’elle va faire des courses et qu’elle repassera le lendemain matin chercher l’ordonnance.

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Détection des interactions

Il n’y a pas d’interaction significative sur cette ordonnance.

Analyse des posologies

Toutes les posologies de l’ordonnance sont correctes.

Avis pharmaceutique

Objectifs thérapeutiques

– L’ordonnance présentée a pour objectif principal d’assurer un sevrage alcoolique en ambulatoire sous l’action conjointe de plusieurs professionnels de santé : le médecin alcoologue référent, le médecin généraliste, l’infirmière et le pharmacien.

– Certains médicaments prescrits sont d’une utilité évidente, d’autres laissent le pharmacien perplexe quant à leur rôle dans ce contexte.

Etant donné qu’Hélène ne repassera chercher les médicaments de sa soeur que le lendemain, le pharmacien en profite pour effectuer une rapide recherche documentaire sur Internet dans le but d’éclaircir certains points. Il tombe rapidement sur la conférence de consensus de 1999, disponible sur le site de la Haute Autorité de santé.

Choix du prescripteur

– Le diazépam (Valium) est une benzodiazépine prescrite pour atténuer les signes du syndrome de sevrage (anxiété, irritabilité, nervosité…) et pour réduire le risque et la sévérité des convulsions. Une de ses particularités est sa longue demi-vie qui est un avantage dans la prévention des crises convulsives. Le rapport de la conférence de consensus recommande une durée de traitement à dose dégressive ne dépassant pas 7 jours, ce qui est bien le cas ici.

– La vitamine B1 ou thiamine (Bénerva) est souvent associée dans les sevrages ou lors du maintien de l’abstinence à l’alcool. Le sevrage peut en effet décompenser une carence en thiamine se manifestant par des troubles graves neurologiques ou cardiaques. Il est nécessaire d’en administrer à titre préventif 500 mg par jour per os en début de sevrage.

– La prescription d’acamprosate (Aotal) ne pose pas de problème au pharmacien. Le médicament est utile dans le maintien de l’abstinence.

– L’indication du Spasmag par voie parentérale est en revanche plus énigmatique.

– Enfin, le Gaviscon va permettre de soulager la patiente des remontées acides de l’estomac. Le logiciel informatique de la pharmacie attire l’attention du pharmacien sur le fait qu’en cas de substitution générique, tous les médicaments génériques de Gaviscon en solution buvable contiennent dans leurs excipients de l’alcool.

Intervention pharmaceutique

Le pharmacien décide de contacter le médecin alcoologue pour savoir ce que la patiente entend par « piqûre chauffante ».

– Joint au téléphone, le médecin explique qu’il s’agit d’une ancienne technique consistant en l’injection intraveineuse de magnésium hypertonique. L’efficacité de cette méthode dans le sevrage alcoolique n’a jamais été prouvée. Elle constitue surtout un accompagnement symbolique : les patients décrivent une impression de relaxation avec sensation de chaleur. Mme P. l’a ainsi réclamée au médecin alcoologue et ce dernier n’a pas vu d’inconvénients à sa prescription.

– Le pharmacien en profite pour signaler au prescripteur qu’il est préférable, dans ce cas précis, d’indiquer la mention « non substituable » au niveau du Gaviscon car les génériques de ce médicament contiennent de l’alcool (même si la dose est minime).

– Le médecin alcoologue propose au pharmacien de participer à une prochaine réunion de formation organisée par son réseau spécialisé dans le sevrage des patients alcooliques. La pluridisciplinarité est essentielle dans la prise en charge et le suivi de tels patients.

Suivi du traitement

– La durée d’un sevrage alcoolique est brève. Les benzodiazépines sont prescrites pour une durée maximale de 10 jours selon l’AMM (ici 7 jours). Ensuite, madame P. entrera dans le processus de maintien de l’abstinence à l’aide du médicament Aotal et surtout grâce à un accompagnement psychosocial (psychothérapie, rôle important de l’entourage, associations d’anciens buveurs…). L’acamprosate peut être débuté dès le premier jour du sevrage.

– Le sevrage de madame P. sera surveillé d’une part par l’infirmière qui va passer tous les matins à son domicile et, d’autre part grâce aux deux consultations prévues chez l’alcoologue.

L’alcoologue pourra alors évaluer l’état de santé de sa patiente en surveillant certains paramètres cliniques (tels que pression artérielle, rythme cardiaque, hydratation, fièvre…) ainsi que son état psychologique.

– Entre-temps, la patiente peut également joindre à tout moment son médecin traitant informé du démarrage du protocole de sevrage.

Effets indésirables

– Benzodiazépines : somnolence excessive si surdosage. Risque de dépendance si traitement prolongé.

– Acamprosate : troubles digestifs transitoires (notamment diarrhée) et signes cutanés.

Interactions médicamenteuses

Il s’agit de détecter notamment les interactions avec les médicaments contenant de l’alcool. Certains logiciels permettent de prévenir le pharmacien en cas de présence d’éthanol dans les excipients d’un médicament par voie orale (cas des médicaments génériques de Gaviscon).

Conseils à la patiente ou à son entourage

Pendant la phase de sevrage

– Faire noter par la patiente ou par son entourage les difficultés rencontrées : agitation, comportement anormal, sueurs, tachycardie, tremblements… Selon leur importance, contacter immédiatement le médecin ou les lui signaler lors de la prochaine visite.

– Eliminer toute source pouvant contenir de l’alcool ou en dégager l’odeur : boissons alcoolisées, bouteilles d’alcool à 90°, parfums, certains médicaments…

– Encourager l’entourage à surveiller la consommation des médicaments pendant les jours du sevrage et notamment la prise du Valium. Ici ce rôle est confié à l’infirmière.

– Encourager à boire beaucoup d’eau, tisanes, jus de fruits pour lutter contre la déshydratation quasi systématique chez les patients dépendants de l’alcool : au moins deux litres par jour (mais pas d’excès, au risque de provoquer une hyperdilution).

– Dans la mesure du possible, ne pas laisser le patient seul.

– A la fin du sevrage, proposer de ramener les comprimés inutilisés de Valium à la pharmacie.

Pendant le maintien de l’abstinence

– Prévenir l’entourage de la décision de ne plus consommer de l’alcool afin d’éviter les tentations.

– Ne pas rompre les relations avec les différents intervenants de la prise en charge (médecin, psychologue, mouvements d’anciens buveurs…) pour optimiser une abstinence à long terme.

– Développer des activités de loisirs afin de ne pas retrouver les conditions pouvant amener à s’alcooliser seul chez soi.

– Ne jamais croire qu’un verre d’alcool ne fera pas de mal ! Le cas échéant, le pharmacien doit refuser la vente d’alcool à 90°.

– Le rôle du pharmacien dans cette étape est important : la patiente venant chaque mois pour la délivrance de son traitement, il doit être à l’écoute en cas de difficultés. Ne pas hésiter à prendre des nouvelles, à encourager et féliciter. Si, nécessaire, la rediriger vers le médecin traitant ou l’alcoologue.

En cas d’écart ou de rechute

– (Re)prendre contact immédiatement avec un mouvement d’anciens buveurs ou un membre du réseau de soins.

– Ne pas retenter seul un sevrage « sauvage » sans aide médicale avec des médicaments.

Les médicaments prescrits

Valium (diazépam)

Benzodiazépine à demi-vie longue indiquée notamment dans la prévention et le traitement du delirium tremens et des autres manifestations du sevrage alcoolique.

– Posologie dans cette indication : 40 mg par jour en plusieurs prises puis diminution progressive des doses pendant une durée de 10 jours au maximum.

Spasmag injectable (sulfate de magnésium)

Sels de magnésium à 1,2 g/ampoule IV indiqués, entre autres, dans le traitement curatif des torsades de pointes ou des hypokaliémies aiguës associées à une hypomagnésémie.

– Posologie : entre 2 et 8 g par jour selon l’indication et le mode d’administration.

Bénerva (thiamine ou vitamine B1)

Indiqué par voie orale en cas de carence en vitamine B1 (béribéri) et en traitement de l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke (en relais de la forme injectable).

– Posologie : 1 à 2 comprimés par jour.

Aotal (acamprosate)

Analogue structurel de la taurine et de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) indiqué dans le maintien de l’abstinence chez le patient alcoolodépendant.

– Posologie : 4 comprimés par jour (patient de moins de 60 kg) à 6 comprimés par jour (patient de plus de 60 kg).

Gaviscon (alginate et bicarbonate de sodium)

Indiqué dans le traitement symptomatique du reflux gastro-oesophagien.

– Posologie : 2 cuillères à café 3 fois par jour après les 3 principaux repas et éventuellement au coucher. Cette posologie peut être doublée.