Un patient souffrant d’angor passe sous Procoralan

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Publié le 22 août 2009
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– Ténormine, Kardégic, Zocor, Amlor : prise indifférente par rapport aux repas.- Procoralan : prendre le comprimé au cours du repas.Natispray : en cas de crise, ou en prévention avant un effort, s’asseoir et faire une pulvérisation sublinguale.

Ce que vous savez du patient

Monsieur L., 65 ans, ancien fumeur, est traité depuis deux ans pour une hypertension artérielle et un angor d’effort (deux crises mentionnées dans ses antécédents médicaux). Son traitement de fond comporte notamment l’association Amlor (inhibiteur calcique) 5 mg/j et Ténormine (bêtabloquant) 100 mg/j. Avec ce traitement, le patient est bien stabilisé sur le plan cardiaque.

Ce dont le patient se plaint

– Depuis quelque temps monsieur L. se plaint d’une très grande fatigue et d’avoir fréquemment les mains et les pieds froids.

– Aujourd’hui, monsieur L. revient avec une nouvelle ordonnance. Il vous avoue qu’il a parlé à son médecin d’un problème de dysfonction érectile. Il ne supporte plus les effets indésirables qui vont en s’accentuant.

Ce que le médecin lui a dit

– Le cardiologue a expliqué à monsieur L. que les effets indésirables qu’il décrivait étaient dus au bêtabloquant. Le médecin a décidé d’arrêter ce dernier afin de mettre en place un nouveau traitement antiangoreux (Procoralan). Il veut revoir monsieur L. dans un mois afin de vérifier la disparition de la fatigue et d’évaluer l’efficacité du nouveau médicament sur les crises.

La demande spontanée du patient

– Monsieur L. n’a pas compris s’il devait commencer son nouveau médicament tout de suite ou dans 15 jours, après l’arrêt de la Ténormine. Il demande également une boîte de Dolirhume car il est enrhumé depuis la veille.

Détection des interactions

– Procoralan/Ténormine : il n’y a pas d’interaction entre Procoralan et Ténormine mentionnée dans le RCP de ces deux produits.

Toutefois, la fiche de bon usage du médicament de la HAS précise qu’il n’est pas recommandé d’associer l’ivabradine aux bêtabloquants, tous les deux étant bradycardisants.

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– Ténormine/Amlor/Natispray : il s’agit d’une interaction à prendre en compte du fait du risque majoré d’hypotension orthostatique.

Analyse des posologies

– La Ténormine devant être arrêtée, un sevrage progressif sur quinze jours est nécessaire. En effet, il ne faut jamais interrompre brutalement un bêtabloquant, a fortiori chez un patient angoreux, au risque de voir apparaître des effets indésirables graves : troubles du rythme, infarctus du myocarde voire mort subite.

– Les autres posologies des médicaments sont correctes.

Avis pharmaceutique

Objectifs thérapeutiques

Le traitement de fond a pour objectif de diminuer la fréquence et l’intensité des crises et le risque d’apparition d’un infarctus du myocarde. Il consiste également en la prise en charge, par des mesures hygiénodiététiques et thérapeutiques, des facteurs de risque coronariens : hypertension, hyperlipidémies, diabète, tabagisme.

– La bithérapie bêtabloquant-inhibiteur calcique vise à diminuer la tension artérielle et à rééquilibrer les besoins en oxygène du coeur (en augmentant les apports en oxygène et en diminuant la consommation en oxygène du coeur).

– En complément, la prescription d’un antiagrégant plaquettaire (ici l’aspirine) ainsi que celle d’une statine, même si le taux de cholestérol est normal, sont systématiques.

– Le traitement de la crise repose sur la prise de trinitrine.

Choix du prescripteur

– Sous bêtabloquants, les effets indésirables (fatigue, vertiges et dysfonction érectile) peuvent parfois s’intensifier avec le temps. Le patient, soucieux en début de traitement pour sa santé, peut à un moment donné ne plus les accepter. Le médecin décide donc de mettre en place un traitement antiangoreux de deuxième intention, Procoralan. L’ivabradine agit en diminuant la fréquence cardiaque. Ce médicament est indiqué chez les patients présentant une contre-indication ou une intolérance aux bêtabloquants.

– Il est nécessaire de contrôler la fréquence cardiaque au repos. Elle doit être supérieure à 60 battements par minute avant la première prise du médicament.

Intervention pharmaceutique

Appel au prescripteur

– L’ordonnance ne précise pas clairement les modalités de prise de l’ivabradine. Le pharmacien décide donc de joindre le cardiologue. Ce dernier confirme la nécessité d’attendre l’arrêt du bêtabloquant avant de démarrer le Procoralan. Il vous demande de bien réexpliquer au patient qu’il doit se ménager physiquement durant l’arrêt du bêtabloquant pour éviter la survenue de crise d’angor.

– Par ailleurs, il est judicieux de proposer au médecin de mesurer deux fois par semaine la pression artérielle et le pouls du patient à l’officine grâce à un autotensiomètre. Ceci va permettre de suivre l’effet de la baisse des doses de Ténormine sur la tension et le rythme cardiaque (pouls) pour pouvoir débuter dans un second temps le Procoralan (si la fréquence cardiaque est supérieure à 60 battements par minutes). Le médecin accepte.

Demande spontanée

– La spécialité Dolirhume contient un vasoconstricteur, la pseudo-éphédrine, qui est contre-indiqué en cas de pathologie cardiovasculaire (hypertension, troubles du rythme, angor…). Elle ne doit pas être délivrée au patient. De plus, en le questionnant, le pharmacien constate que M. L. est surtout gêné par un écoulement nasal, ce qui n’est pas l’indication de la pseudo-éphédrine dont les propriétés vasoconstrictrices ciblent la congestion nasale (nez bouché). Un médicament per os contre la rhinorrhée à base d’antihistaminique (type Fervex) est également déconseillé chez ce patient en raison du risque de sédation qui s’ajouterait à la fatigue.

– Le pharmacien propose donc un traitement symptomatique plus adapté : instillation d’eau de mer isotonique associée à des gouttes nasales antiseptiques, sans antihistaminique pour ne pas créer de somnolence.

Suivi du traitement

Surveillance clinique et biologique

Le Procoralan nécessite une surveillance régulière de la fréquence cardiaque de repos. Sous traitement, celle-ci doit rester supérieure à 50 battements par minute. Si la fréquence cardiaque de repos est inférieure à 50 ou si le patient ressent des effets liés à une bradycardie excessive (vertiges, hypotension), la posologie pourra être ramenée à 2,5 mg (1/2 comprimé) deux fois par jour.

Effets indésirables

– L’ivabradine peut induire des troubles visuels à type de phénomènes lumineux (phosphènes). Rapportés par environ 15 % des patients, ils sont habituellement provoqués par de brusques variations de l’intensité lumineuse. Les phosphènes apparaissent en général dans les deux premiers mois de traitement puis disparaissent le plus souvent au cours ou à l’arrêt du traitement.

– Une vision trouble, une bradycardie, des palpitations, des céphalées ou des sensations vertigineuses sont également fréquemment rapportées.

Conseils au patient

Se ménager durant le sevrage

Prendre le temps d’expliquer au patient les différentes étapes du traitement pour les jours à venir. Lui proposer un plan de prise sur 15 jours. Bien lui expliquer également qu’il doit se ménager physiquement pendant la diminution des doses du bêtabloquant et en attendant la mise en route du traitement par Procoralan car il n’est plus couvert par le bêtabloquant.

Concernant les effets indésirables

Rappeler que Zocor peut entraîner des douleurs musculaires, contacter le médecin en cas de myalgies diffuses et/ou inexpliquées.

Attention aux interactions !

Procoralan et Zocor étant métabolisés par le cytochrome P450 3A4, éviter la consommation de jus de pamplemousse, inhibiteur enzymatique augmentant l’effet de ces deux médicaments. La prise de spécialités à base de millepertuis (inducteur enzymatique) doit être également évitée.

Concernant Natispray

Vérifier que le patient maîtrise bien l’utilisation du Natispray. Lors de la première manipulation, amorcer la pompe en l’actionnant plusieurs fois.

En cas de crise, tenir le flacon verticalement (tête en haut), s’asseoir et faire une pulvérisation sous la langue. Faire une deuxième pulvérisation au bout de deux à trois minutes si la crise persiste. Rester assis pendant une dizaine de minutes après la deuxième administration. M. L. doit toujours avoir le Natispray sur lui.

Mesures hygiénodiététiques

Respecter les règles hygiénodiététiques préconisées aux patients à haut risque cardiovasculaire : régime méditerranéen hypocholestérolémiant, activité physique conforme aux recommandations du médecin.

Les médicaments prescrits

Ténormine (aténolol)

Bêtabloquant cardiosélectif indiqué notamment dans l’hypertension artérielle et dans le traitement prophylactique des crises d’angor d’effort.

– Posologie : dans la prévention des crises d’angor d’effort, la posologie est de 100 voire 200 mg/jour. Dans l’hypertension artérielle, la posologie est de 100 mg par jour.

Kardégic (acétylsalicylate de lysine)

Antithrombotique-antiagrégant plaquettaire indiqué dans la prévention secondaire des accidents ischémiques dans l’angor stable et instable.

– Posologie : 75 à 300 mg par jour en une prise.

Zocor (simvastatine)

Hypocholestérolémiant-inhibiteur de l’HMG-CoA-réductase indiqué notamment pour réduire le risque cardiovasculaire en cas de pathologie cardiovasculaire d’origine athéroscléreuse avec cholestérol normal ou élevé.

– Posologie dans la prévention cardiovasculaire : 20 à 40 mg par jour.

Amlor (amlodipine)

Inhibiteur calcique dérivé de la dihydropyridine indiqué dans le traitement préventif des crises d’angor d’effort et dans l’hypertension artérielle.

– Posologie : 5 voire 10 mg par jour en une prise.

Procoralan (ivabradine)

Antiangoreux aux propriétés bradycardisantes indiqué dans le traitement symptomatique de l’angor stable chez les patients en rythme sinusal normal présentant une contre-indication ou une intolérance aux bêtabloquants.

– Posologie initiale : 5 mg deux fois par jour. Elle peut être augmentée à 7,5 mg deux fois par jour après 3 à 4 semaines de traitement.

Natispray (trinitrine)

Vasodilatateur dérivé nitré indiqué dans le traitement curatif et préventif à très court terme de la crise d’angor.

– Posologie : pour le dosage à 0,30 mg/dose, 1 pulvérisation sublinguale en cas de crise. A renouveler une fois au bout de deux à trois minutes si la crise persiste.