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Le casse-tête chinois
Entre ponts et jours fériés, les mois de mai et de juin seront l’occasion pour de nombreux salariés d’effectuer des gardes supplémentaires. L’occasion de se pencher sur leur organisation et leur indemnisation. Plongée au coeur d’un casse-tête.
Le régime des gardes est défini par trois textes différents : la convention collective nationale (CCN), l’accord du 23 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail, dit accord de branche, et un décret du 21 mars 2002 relatif à la durée du travail en pharmacie, complétant l’accord de branche et organisant le régime d’heures d’équivalence. Mais ces textes, parfois imprécis, donnent lieu à interprétation. Syndicats d’employeurs et de salariés ne s’en privent pas. Un vrai imbroglio juridique qui mériterait d’être rapidement éclairci par les acteurs de ce dossier pour la tranquillité de tous, employeurs et salariés.
Les gardes à volets ouverts
Le premier alinéa de l’accord du 23 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail spécifie que « les heures de permanence effectuées dans l’officine pendant un service à volets ouverts constituent une période de travail effectif. Elles sont rémunérées comme telle. » Comment interpréter cette dernière phrase ? S’agit-il d’une rémunération en euros ou d’une rémunération sur la base d’un repos compensateur ? Les avis divergent.
Pour les syndicats d’employeurs, si le texte est effectivement interprétable, l’esprit des chambres patronales, lors des négociations ayant conduit à la signature de l’accord de branche, était de ne pas remettre en cause la CCN. Celle-ci stipule que « tout salarié appelé à travailler à l’officine un dimanche de garde bénéficiera d’un repos compensateur d’égale durée à prendre, en accord avec l’employeur, dans la semaine qui précède ou qui suit ». Et qu’en cas de travail un jour férié autre que le 1er Mai, le salarié bénéficie également « d’un repos compensateur de même durée dont les modalités seront définies d’un commun accord entre l’employeur et le salarié ».
Pour l’UNPF, il faut donc, en l’espèce, rester fidèle à la CCN : « Les gardes à volets ouverts du dimanche et des jours fériés donnent lieu à un repos compensateur d’égale durée, nonobstant les bonifications de repos pour heures supplémentaires. » Force Ouvrière ne l’entend pas de cette oreille et demande l’application des deux textes, CCN et accord RTT. « Les gardes à volets ouverts donnent lieu à un repos compensateur d’égale durée en plus d’une rémunération en euros sur la base de 100 % du tarif horaire, estime Patrick Le Métayer, secrétaire fédéral de la branche officine du syndicat. Il n’y aura pas d’heures supplémentaires à régler, même s’il peut y avoir une majoration des heures pour travail effectué après 20 heures. »
Les gardes à volets fermés
Il faut distinguer ici ce que les textes appellent l’urgence et les gardes. On parle d’urgence lorsque l’officine est ouverte en dehors des heures d’ouverture habituelles, donc la nuit. Quant aux gardes, elles se déroulent en dehors des jours habituels d’ouverture, les dimanches et jours fériés. Outre l’attribution « d’une indemnité spéciale pour dérangement » prévue au tarif national pharmaceutique (TPN)*, la CCN reste muette sur ce type de gardes. L’accord de branche vient donc préciser les choses : « Les heures de permanence effectuées dans l’officine pendant un service de garde ou d’urgence à volets fermés sont indemnisées forfaitairement sur la base de 25 % du temps passé. »
Une phrase là encore un peu floue. Indemnité en euros ou en heures de repos ? S’agissant des urgences, les syndicats d’employeurs estiment qu’elle doivent être rémunérées en euros à hauteur donc de 25 % du salaire horaire. Quant aux gardes des dimanches et jours fériés, elles donneront lieu à un temps de repos équivalent à 25 % du temps passé en garde, soit 15 minutes pour une heure de garde. « Si la garde à volets fermés a lieu un dimanche, il semble néanmoins logique que le salarié récupère pleinement son dimanche dans la semaine qui précède ou qui suit », note Pierre Fernandez, responsable juridique de la Fédération. « Pour les urgences nous sommes sur la même longueur d’onde, lance Patrick Le Métayer. Mais concernant les dimanches et jours fériés les deux textes doivent s’appliquer. Pour ces jours-là, la CCN ne précise pas si les repos compensateurs s’appliquent aux gardes à volets ouverts ou fermés. Une garde à volets fermés le dimanche ou un jour férié donne donc lieu une indemnisation de 25 % du temps passé plus un repos compensateur égal à la durée du temps passé. » Soit une heure quinze de repos pour une heure de garde.
Une discrimination frappante
En venant préciser et surtout activer l’accord de branche, le décret de mars 2002 provoque une discrimination patente au sein même des officines entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel. En effet, ce décret, qui prévoit que les gardes et urgences à volets fermés sont indemnisées forfaitairement sur la base de 25 % du temps passé, ne concerne que les salariés à temps plein. Autrement dit les salariés à temps partiel restent sous le régime des 100 %. Ainsi une nuit de garde sera rémunérée 25 % de son salaire horaire à un salarié temps plein et 100 % à un temps partiel. De même, une heure de garde à volets fermés un jour férié devra être suivi ou précédé d’une heure de repos pour un temps partiel et de seulement 15 minutes pour un temps plein. Le titulaire a donc tout intérêt à réserver les gardes et urgences à volets fermés aux temps pleins.
« La discrimination existe mais ce n’est pas une volonté des syndicats d’employeurs », se défend l’UNPF. « C’est une contrainte juridique qui a poussé le législateur à faire la distinction, explique Pierre Fernandez. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante : seuls les salariés à temps plein peuvent être rémunérés sur un régime d’équivalence. »
* TPN :
– Urgences de 7 h à 21 h : 0,99 Euro(s) ; de 21 h à 7 h : 3,96 Euro(s).
– Dimanche et jours fériés de 7 h à 21 h : 1,98 Euro(s).
Et l’astreinte ?
– Les périodes pendant lesquelles le salarié est tenu de rester à son domicile ou à proximité pour répondre à un éventuel appel de l’employeur constituent des périodes d’astreinte. Tout comme si la permanence effectuée par le salarié se déroule dans le logement de fonction mis à sa disposition et annexé à l’officine. Pour chaque heure d’astreinte, le salarié est rémunéré à hauteur de 10 % de son salaire horaire. Le temps passé en intervention (trajet aller-retour domicile-officine et activité dans l’officine) sera décompté et rémunéré comme un temps de travail effectif. L’indemnité TPN n’est pas due.
A noter
En pratique, employeurs et salariés peuvent trouver des accords de gré à gré pourvus que ces accords soient au moins équivalents aux textes existants. Par exemple, la garde d’un adjoint est parfois rémunérée en heures supplémentaires ou par un forfait plutôt que par un repos compensateur.
La programmation individuelle des services de garde et d’urgence doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné quinze jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve, dans ce dernier cas, que le salarié en soit averti au moins un jour franc à l’avance.
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