Kétum, Profénid et les autres, c’est fini

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Publié le 9 janvier 2010 | modifié le 28 août 2025
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Le 12 janvier, vous ne pourrez plus vendre de gel de Kétum, de Profénid ou d’un de leurs génériques. L’Afssaps a en effet décidé de suspendre leur AMM. Les effets indésirables cutanés graves liés aux propriétés photosensibilisantes de l’AINS et l’efficacité thérapeutique limitée ont scellé le verdict.

Le 12 janvier 2010 entre en vigueur la suspension de l’autorisation de mise sur le marché de toutes les spécialités à base de kétoprofène présentées sous forme de gel. Et, par conséquent, tous les tubes de l’anti-inflammatoire non stéroïdien encore disponibles en officine sont retirés du marché. La décision a été annoncée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) le 18 décembre dernier. Elle conclut une nouvelle réévaluation franchement défavorable du rapport bénéfice/risque de ces médicaments que vous délivrez quotidiennement : Profénid 2,5 % (depuis 1989) et Kétum 2,5 % (depuis 1993), et leurs génériques, quant à eux commercialisés dans les années 2000. Aux professionnels de santé, l’Afssaps a demandé, le 18 décembre, de ne plus instaurer, de ne plus renouveler et de ne plus délivrer ces médicaments. Aux patients, elle recommande d’arrêter leur traitement en cours tout en les rassurant, notamment s’ils n’ont pas présenté de réaction cutanée au cours du traitement, et en rappelant le « zéro danger » lié à un arrêt brutal des applications. Des patients qui sont invités à revoir leur médecin traitant en vue de la prescription d’un nouveau traitement ou à prendre conseil auprès de leur pharmacien. Parmi les alternatives thérapeutiques, les prescriptions devraient se reporter sur les formes topiques à base de diclofénac, d’acide niflumique ou de piroxicam. Rappelons que les gels de kétoprofène étaient prescrits, et pas qu’un peu (voir encadré ci-dessous), comme traitement symptomatique dans les tendinites superficielles, l’arthrose des petites articulations, la lombalgie aiguë, les entorses, les contusions…

L’octocrylène réactive des photo-sensibilisations liées à l’AINS

Malgré les précautions mises en place par le passé pour réduire les réactions de photoallergie, des cas de réactions cutanées parfois sévères continuent d’être notifiés. Entre janvier 2001 et février 2009, 371 cas de pharmacovigilance ont été recensés dont 62 % étaient des situations cliniques graves nécessitant un arrêt de travail voire une hospitalisation. Et, parmi les événements indésirables graves, 44 % étaient des réactions de photosensibilisation. La commission d’AMM qui a procédé à la réévaluation des gels a également remarqué l’émergence d’une allergie associée à l’octocrylène, un filtre solaire couramment utilisé dans les produits cosmétiques, chez des sujets photosensibles au kétoprofène topique. Plusieurs patients ont ainsi développé une photoallergie après l’application d’un produit contenant de l’octocrylène alors qu’ils avaient manifesté par le passé une réaction de photosensibilisation après l’emploi d’un gel de kétoprofène, et ce en dehors d’un emploi concomitant de Kétum, Profénid ou un de leurs génériques. Après deux réunions en septembre et en décembre 2009, la commission d’AMM s’est finalement prononcée en défaveur du maintien sur le marché des spécialités à base de kétoprofène en gel.

Un rapport bénéfice/risque défavorable

Les effets indésirables de photosensibilisation de l’AINS local, identifiés dès 1996, combinés à une efficacité jugée faible à modérée, auront donc eu raison de cette thérapeutique disponible en France depuis 17 ans. L’Afssaps a tranché en faveur d’une suspension pure et simple des AMM des gels de kétoprofène, considérant « que le risque lié à [leur] utilisation était supérieur au bénéfice attendu et qu’aucune mesure supplémentaire à celles prises précédemment ne pouvait garantir davantage la sécurité des patients ».

En effet, en 1996 et en 2001, le résumé des caractéristiques des produits, la notice et l’étiquetage des spécialités concernées avaient été modifiés, signalant le risque de réactions cutanées graves lors d’expositions solaires et indiquant les précautions à prendre. Et, depuis 2001, tous les conditionnements portent un pictogramme incitant à ne pas s’exposer au soleil, même voilé. En 2003, les professionnels de santé (généralistes, dermatologues, rhumatologues, pharmaciens) avaient reçu une lettre leur rappelant les précautions d’emploi inhérentes à l’administration des gels.

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Le département de pharmacovigilance de l’Afssaps n’enregistre pas de signal similaire en termes de photosensibilisation pour les autres AINS présentés en gel local. Et aucune menace de suspension d’AMM ne plane sur les formes orales de kétoprofène qui ne demandent pas de surveillance particulière en termes de photosensibilisation. Les phénomènes de photoallergie sont bien spécifiques de l’application locale du kétoprofène : ils se déclenchent par un effet direct de la lumière sur la molécule d’une part (donc les cas surviennent plus particulièrement en période estivale), et la voie cutanée est beaucoup plus sensibilisante que la voie orale d’autre part.

Un arbitrage européen est indispensable

La France a donc pris les devants en décidant de la suspension de l’AMM de ces gels. Retrait définitif ? Pas si sûr. L’Afssaps attend les résultats de la procédure de réévaluation européenne de leur rapport bénéfice/risque. Au terme de cette évaluation, le Comité des médicaments à usage humain de l’Agence européenne du médicament émettra un avis positif ou négatif, et c’est la Commission européenne qui décidera ensuite du maintien ou de la suppression de l’AMM des médicaments à base de kétoprofène en gel… Le tout dans un délai qui n’est pas encore connu.

Rappel classique des lots avec les grossistes

Pour le moment, l’heure du rappel des lots approche. Celui-ci s’organise classiquement avec le service « alertes » de l’Afssaps et les grossistes-répartiteurs. Durant la période des fêtes de fin d’année, les pharmaciens ainsi que les médecins généralistes ont en principe reçu via leurs Ordres respectifs une lettre de l’Afssaps les informant de la suspension de l’AMM des gels de kétoprofène. Cette lettre peut toujours être consultée sur le site de l’Afssaps (http://www.afssaps.fr). Vous pourrez également y trouver la liste de toutes les spécialités à base de kétoprofène et présentées en gel qui étaient autorisées en France. Cependant, sur la liste des 22 spécialités recensées, seules 18 étaient commercialisées en officine (voir encadré ci-contre). A noter également, sur le site de l’Afssaps, un document questions/réponses adapté à l’information des patients.

2010 marche sur les pas de 2009, qui avait vu le retrait du marché d’abord de Raptiva puis de Médiator (et ses génériques). Le retrait de Profénid, de Kétum et de leurs génériques marque fortement le début 2010. Il ne manquerait plus que Propofan et Di-Antalvic prennent le même chemin. Pour le moment, la Commission européenne n’a toujours pas donné son avis sur le dextropropoxyphène…

Le marché des gels de kétoprofène en France

Douloureux le retrait de l’AINS. Il se vend chaque année plus de 7 millions de tubes de gel de kétoprofène*, soit plus de 72 500 tubes de Profénid et plus de 3,14 millions de tubes de Kétum et près de 3 795 000 tubes de génériques. Les génériques représentaient donc plus de 54 % du marché en unité. En moyenne, il se vendait environ 300 tubes de l’AINS topique par an dans chaque officine, soit 25 tubes par mois et par officine. Ce marché pesait près de 13,8 millions d’euros, dont 6,56 pour les spécialités princeps (92 000 Euro(s) pour le Profénid et 6,47 MEuro(s) pour le Kétum) et 7,20 pour leurs génériques.

* Source : GERS novembre 2009

Qu’est-ce qu’une photoallergie ?

C’est une réaction cutanée exagérée et/ou anormale à la lumière. L’exposition au soleil de la zone cutanée traitée est un facteur déterminant. La plupart des cas de photosensibilisation surviennent l’été. Cette allergie s’exprime le plus souvent par un eczéma vésiculobulleux au niveau de la zone d’application qui peut parfois s’étendre au-delà. Quand elles sont graves, ces réactions peuvent nécessiter un arrêt de travail voire une hospitalisation.

Les gels de kétoprofène retirés du marché

– Les spécialités de référence : Profénid 2,5 % (tube de 60 g) et Kétum 2,5 % (tube de 60 g, doseur de 120 g).

– Les génériques conditionnés en tube de 60 g : Kétoprofène Arrow 2,5 %, Kétoprofène Biogaran 2,5 %, Kétoprofène EG 2,5 %, Kétoprofène Mylan Pharma 2,5 %, Kétoprofène Qualimed 2,5 %, Kétoprofène-Ratiopharm 2,5 %, Kétoprofène Sandoz 2,5 %, Kétoprofène Teva 2,5 %, Kétoprofène Winthrop 2,5 %, Kétoprofène Zydus 2,5 %.

– Les génériques conditionnés en doseur de 120 g : Kétoprofène BGR 2,5 %, Kétoprofène EG 2,5 %, Kétoprofène Mylan 2,5 %, Kétoprofène Qualimed 2,5 %, Kétoprofène Ratio 2,5 %, Kétoprofène Sandoz 2,5 %.