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100 % indésirables
Après avoir été attaquées en décembre 2003 par les douanes françaises sur leur statut juridique, les cigarettes sans tabac sont aujourd’hui vouées aux gémonies par les tabacologues et l’ordre des pharmaciens. La Direction générale de la santé pourrait interdire leur vente en officine.
Le débat sur la nocivité des cigarettes sans tabac a été relancé cet été par les tabacologues de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT). « Cela fait quelques mois que nous alertons la Direction générale de la santé. Mais voir, cet été, le pharmacien sur mon lieu de vacances faire la promotion de paquets à 3 euros en incitant les clients à faire leurs provisions m’a fait sortir de mes gonds, raconte Bertrand Dautzenberg, pneumologue et président de l’OFT. Les clients sont persuadés d’acheter un produit sain puisqu’il est vendu en officine. Or il s’agit d’un produit potentiellement toxique, qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans le sevrage tabagique et qui constitue une tromperie parce qu’il n’apporte aucune information aux consommateurs quant à son contenu. »
Risques cardiaques et cancéreux.
Selon une étude du Laboratoire national d’essai réalisée en 2001 pour l’OFT, ces cigarettes contiendraient 5,8 mg de goudron et le taux de monoxyde de carbone dégagé serait le même que celui des cigarettes classiques. « Le risque de troubles cardiaques existe à court terme et le risque de cancer à plus long terme », soutient Bertrand Dautzenberg. « Cette campagne de diffamation est orchestrée par un organisme lui-même subventionné par des laboratoires concurrents proposant d’autres produits de sevrage tabagique », répond Arkopharma qui commercialise les NTB, produit majoritaire sur le marché des cigarettes sans tabac. Celles-ci réalisent un chiffre d’affaires hors taxes prévu de 3,5 à 4 millions d’euros pour 2004 (en progression d’environ 30 %), le laboratoire gérant en direct quelque 10 000 officines. « Les NTB sont un outil d’aide au sevrage tabagique et en aucun cas un substitut au tabac, plaide Stéphane Chareyre, directeur marketing d’Arkopharma. Les NTB sont vendues depuis plus de vingt ans en France exclusivement en pharmacie et elles n’ont jamais fait l’objet d’un avis négatif des autorités sanitaires. »
Selon la firme, les NTB sont adaptées « au fumeur présentant une dépendance gestuelle et comportementale mais répondent moins bien aux fumeurs dépendants à la nicotine. » La dernière étude d’efficacité date de 1987, avant la mise sur le marché des substituts nicotiniques, et montre un taux de succès au sevrage de 41 % avec les NTB, contre 20 % avec une aide psychologique et l’acupuncture ou l’utilisation d’une plante. « La teneur en goudron des NTB est environ inférieure de moitié à celle des cigarettes de tabac, souligne Arkopharma. Exemptes de nicotine et de toute autre substance addictive, les NTB ne provoquent pas d’accoutumance et leur innocuité sur le système cardiovasculaire a été démontrée sur la méthode d’arrêt préconisée de un mois. »
Tout dépend de l’Ordre.
En tout état de cause, Arkopharma ne retirera pas les NTB des pharmacies tant qu’aucune décision officielle n’aura pas été prise. Le laboratoire se dit prêt à faire de nouvelles études sur leur efficacité et à réfléchir à leur communication, notamment sur la possibilité de faire figurer sur le paquet le taux de goudron et les contre-indications. Mais il aura sans doute du mal à maintenir son produit en officine, d’autant qu’il est « lâché » par l’ordre des pharmaciens qui a publié un communiqué sévère : « Prenant acte d’une part, que ces cigarettes apportent, lors de leur consommation, du monoxyde de carbone et des goudrons et qu’elles sont potentiellement cancérigènes, et, d’autre part, des avis des experts pharmacologues qui considèrent que leur action en tant qu’adjuvant des cures de désintoxication tabagique est contestée, l’Ordre estime que leur vente devrait être purement et simplement interdite. »
La Direction générale de la santé se dit prête à suivre l’avis des tabacologues. Mais, pour retirer de la vente en pharmacie les cigarettes sans tabac, elle doit les radier de la liste des marchandises commercialisables en officine (art. L. 5125-24 du Code de la santé publique). « Réglementairement, c’est à l’ordre des pharmaciens lui-même de nous faire une demande de radiation, pour que nous puissions agir, explique un responsable de la DGS. Pour le moment, il ne l’a pas fait. La balle est dans son camp. S’il nous fait cette requête, l’histoire peut se régler en une semaine. »
Le statut des cigarettes sans tabac en jeu
– En décembre 2003, les cigarettes sans tabac avaient provoqué l’ire des Douanes. Non pas à cause de leur toxicité mais de leur statut. Reprenant le Code général des impôts (564 decies), la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) estimait que « les cigarettes, et produits à fumer, même s’ils ne contiennent pas de tabac », sont assimilés aux tabacs manufacturés, « à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux ». Ce qui, selon les Douanes, n’est pas le cas des NTB car, dans ce domaine, ne sont considérés comme médicaments que « les produits présentés comme supprimant l’envie de fumer ou réduisant l’accoutumance au tabac. Auquel cas, une autorisation de mise sur le marché doit être délivrée pour que le produit soit considéré comme un médicament » (art. L. 5121-2 du Code de la santé publique). Or les NTB ne disposent pas d’une AMM et ne sont considérées que comme un « adjuvant dans les cures de désintoxication tabagiques ».
Puisque ces cigarettes ne sont pas des médicaments, mais assimilées à des tabacs manufacturés donc soumises à la fiscalité du tabac, « leur vente ne peut être effectuée que par le réseau des débitants de tabac », concluait la DGDDI. Elle demandait aux pharmaciens d’écouler leurs stocks avant le 1er janvier 2004, date de l’arrêt de la commercialisation des cigarettes NTB en officine. Arkopharma a obtenu un sursis, les Douanes acceptant de réexaminer le dossier.
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