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Le crépuscule des herboristes
Alors que les médecines douces font aujourd’hui fureur, les herboristeries sont pourtant en voie de disparition. Le diplôme d’Etat, créé en 1927 et qui permettait d’exercer en tant que tel et d’ouvrir une herboristerie, a été supprimé en 1941. Depuis, pour avoir le droit de vendre des plantes médicinales, autres que les 34 plantes autorisées à la vente libre (plus les plantes aromatiques et les condiments), il faut impérativement être pharmacien. Aujourd’hui, seule une poignée de pharmaciens exercent encore le métier d’herboriste. Jacques Lagoutte, installé à Nîmes, est de ceux-là. Il nous a ouvert ses portes.
Il aura fallu dix ans à Jacques Lagoutte, diplômé en 1972, pour trouver sa voie. Après avoir d’abord exercé comme interne à l’hôpital de Nîmes, dans un centre de transfusion, il devient attaché pendant six ans dans un service de médecine nucléaire. Il songe ensuite à s’installer en officine, mais le métier est devenu trop administratif à son goût. Passionné par la botanique en général et par les plantes médicinales en particulier, Jacques Lagoutte décide alors de devenir herboriste. C’est tout seul qu’il se formera, au contact de grands spécialistes tels le Dr Valnet, Patrice de Bonneval ou encore Jean-Marie Pelt, mais aussi auprès de ses clients.
En 1985, Jacques Lagoutte achète à Nîmes le pas de porte d’une vieille librairie tenue par un… pharmacien passionné de livres anciens. Il l’a rénove entièrement pour créer l’Herboristerie de Saint-Paul, derrière l’église du même nom. En 25 ans, il a fidélisé une clientèle de tous âges et de toutes catégories sociales. Jacques Lagoutte s’est attaché à exercer comme les pharmaciens exerçaient il y a 50 ans, « en faisant un peu le docteur ». Bien connu dans le quartier où on l’appelle « le druide », il accueille chaque jour une foule de clients qui viennent chercher conseils, acheter une de ses préparations ou dénicher des produits naturels introuvables ailleurs, y compris dans les pharmacies.
Hormis les produits déjà prêts, l’Herboristerie de Saint-Paul dispose de près de 400 plantes médicinales pour les préparations. En fonction des demandes, Jacques Lagoutte peut être amené à concocter une dizaine de mélanges dans la journée, voire trente ou quarante. Les plus simples mêlent au minimum deux plantes médicinales, et jusqu’à quatorze pour les formules les plus complexes, destinées à aider, par exemple, des patients atteints de diabète, de cholestérol, d’hypertension, etc. Tous ses produits, y compris les gélules, sont 100 % naturels, sans talc ni kaolin.
Jacques Lagoutte, qui base son travail sur le conseil personnalisé, réadapte chacune de ses formules en fonction des clients qui le sollicitent. Avant de se lancer dans ses concoctions sur mesure, il interroge, écoute beaucoup, cherche le juste équilibre pour remettre en état un patient. Quitte à modifier la formule dans un second temps en fonction des réactions. « Les gens qui viennent ici ont un problème différent, une demande différente, un ressenti différent. C’est une autre façon de penser la pharmacie. C’est par le bien-être qu’on leur apporte que l’on rassure les personnes, insiste-t-il. C’est bien le rôle de conseil du pharmacien. »
Certains clients viennent avec leur propres recettes. Parfois même, ils apportent de vieilles formules de liqueurs. Les demandes varient en fonction des saisons : à la sortie de l’hiver, ce sont les problèmes de cholestérol, d’amincissement ou de cellulite… Ce qui est très tendance en ce moment, c’est la médecine ayurvédique, pour laquelle quelques grammes de mélanges suffisent.
Selon Jacques Lagoutte, il n’y ni secret ni tour de mains spécial, mais une connaissance approfondie des plantes et des posologies. Le pharmacien tient toutefois secrètes des formules qui lui ont parfois demandé plusieurs mois de mise au point. Il insiste sur la capacité nécessaire à anticiper d’éventuels surdosages, en concoctant des mélanges dont les conséquences, en cas de dépassement des doses, seront minimes. « Je ne suis pas un sorcier, ce que je fais est simplement une question de bon sens », explique-t-il.
L’Herboristerie Saint-Paul réalise un chiffre d’affaires annuel de 195 000 euros hors taxes et emploie une assistante à mi-temps. Jacques Lagoutte compte exercer encore au moins cinq ans, mais il se dit déjà prêt à former son successeur, quitte à y passer deux ans s’il le faut. Car il ne veut surtout pas que le métier d’herboriste disparaisse.
On trouve dans les rayons des produits pour le moins inattendus : du Garum armoricum (obtenu par autolyse d’organes frais de poissons), qui était utilisé par les légionnaires romains ou donné aux gladiateurs avant leur entrée dans l’arène. Mais aussi toutes sortes de baumes : chinois, des Moines, de la Paix, à l’eucalyptus, au souci, à la grande consoude, dont l’effet cicatrisant était déjà connu des Romains. Ou encore la levure de la Trappe, fabriquée par l’abbaye de Chimay, riche en vitamine B, également utilisée par les fabricants de bière.
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