La formation continue conventionnelle peine à séduire

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Publié le 21 mai 2011
Par Magali Clausener et Matthieu Vandendriessche
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Un an après son lancement, le bilan de la formation continue conventionnelle (FCC) est mitigé. Si le dispositif présente des avantages, les pharmaciens éprouvent des difficultés à se rendre disponibles. La formation ne fait pas encore vraiment partie de la culture officinale.

En 2010, 2 305 pharmaciens ont suivi une ou plusieurs formations dans le cadre de la FCC. Mise en place en mai 2010, la FCC présente des avantages certains pour les officinaux. Le dispositif, négocié avec l’Assurance maladie, est gratuit pour les pharmaciens. Il garantit même une indemnisation du titulaire (330 € pour perte de ressources). De plus, les actions de formations se déroulent sur l’ensemble du territoire. « Il n’y a que l’embarras du choix ! », estime d’ailleurs Brigitte Defoulny, vice-présidente de l’UNOFormation. Enfin, une dizaine de thématiques est proposée, toujours en accord avec l’Assurance maladie (10 en 2010 ; 12 en 2011). Certes, elles ne couvrent pas tous les domaines, mais sont suffisamment larges pour intéresser le plus grand nombre. Les sujets comme l’asthme ou le diabète sont toujours très demandés. « Il n’y a pas d’épuisement sur ces thématiques », assure Brigitte Defoulny.

Des sessions annulées

Alors, pourquoi les pharmaciens ne se sont-ils pas mobilisés ? Le nombre de participants en 2010 a atteint tout juste 41 % de l’objectif. « Ce n’est pas le retentissement que nous espérions. Le déploiement aurait pu être plus important au regard de notre investissement », reconnaît Marina Jamet, vice-présidente de l’UTIP. Le minimum requis pour valider une formation est de 7 personnes, mais la maintenir en dessous de 10 participants, c’est prendre un risque financier. « Pour monter un groupe de 12 à 14 personnes, cela demande souvent beaucoup d’efforts pour informer et relancer les pharmaciens », confie Brigitte Defoulny. De fait, nombre de sessions ont été purement et simplement annulées. « Sur nos deux formations agréées, seulement trois à cinq pharmaciens se sont inscrits. Elles n’ont donc pas eu lieu », constate aussi Gilbert Fournier, vice-doyen de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. Et de s’interroger : « Les pharmaciens sont-ils bien informés ? Ou est-ce une question de temps ? »

Une information insuffisante

Pour certains, l’information a été insuffisante. « L’année dernière, j’ai démarché une vingtaine de pharmacies pour leur présenter une session, relate Geneviève Grison, formatrice FCC pour Wolters-Kluwer. Dix-huit pharmaciens n’avaient jamais entendu parler de la FCC. Le dix-neuvième était un peu au courant. Seul le vingtième savait de quoi il s’agissait. » Certains formateurs remarquent qu’il n’y a pas eu de véritable communication sur la FCC par l’Assurance maladie et l’OG-Pharma, l’organisme de gestion de la FCC. Le manque de temps et les contraintes liées à l’organisation de la pharmacie constituent aussi un frein. « Ce n’est pas parce qu’ils sont indemnisés que les pharmaciens vont se déplacer. S’organiser, ce n’est pas si simple », estime Marina Jamet. Le contexte économique difficile serait aussi une cause évoquée par les officinaux. « J’entends cet argument depuis vingt ans. Ce n’est pas une bonne raison », tranche Geneviève Grison. Et tous de parvenir au même constat : ce sont toujours les mêmes qui se forment. « La formation ne fait pas partie de la culture officinale. Ceux qui ne se forment pas, vivent sur les acquis de la faculté. Mais il faut que cela change », explique Geneviève Grison. « Une obligation de formation sans sanction, ce n’est plus une obligation », souligne Geneviève Chamba, fondatrice de Pharmakeion. Pour l’heure, ce sujet n’est pas à l’ordre du jour. Mais dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), qui doit être mis en place en 2012 ou 2013, l’obligation de formation deviendra une réalité. Et les pharmaciens devront alors investir dans la formation.

Les chiffres clés de la FCC

Bilan 2010

 242 sessions réalisées dont 2/3 d’une journée et 1/3 de deux jours.

 2 721 participants (un pharmacien pouvant être inscrit à plusieurs sessions).

 2 305 pharmaciens formés dont 2/3 de titulaires et 1/3 d’adjoints.

 Les 3 thèmes les plus suivis : asthme, diabète et personnes âgées.

 Les 3 régions qui comptent le plus grand nombre de sessions réalisées : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes et Ile-de-France.

Bilan provisoire février et mars 2011

 983 sessions de réalisées

 Environ 1 000 participants (2/3 titulaires et 1/3 adjoints).

3 questions à

Claude Japhet, président d’OG-Pharma, organisme de gestion de la FCC

Quel premier bilan tirez-vous d’une année de FCC ?

Parmi les branches professionnelles où la FCC a été mise en place, la pharmacie est celle où le démarrage est le plus fort. Ce n’était pas du tout le cas pour les médecins. Le deuxième élément positif est que les pharmaciens continuent de se former en-dehors de la FCC, via l’OPCA-PL et le FIF-PL. Il n’y a donc pas eu de transfert de formations à d’autres. Enfin, il y a un très fort indice de satisfaction des participants sur le contenu des formations. Ils sont plus de 93 % à être très satisfaits. C’est vrai que sur environ 50 000 pharmaciens, avoir 3 500 professionnels qui se forment, en comptant sur une année pleine et avec les autres formations, on peut toujours dire que ce n’est pas suffisant. Malgré tout, il y a une vraie montée en charge de la FCC. Et il y a une réelle volonté de faire.

Les pharmaciens semblent peu informés sur la FCC. Allez-vous communiquer sur ce sujet ?

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Il y a en effet un problème de communication. J’ai demandé à l’Assurance maladie de mettre en place un discours plus proactif et plus dynamique auprès des pharmaciens notamment via ses délégués. Quant à l’OG-Pharma, j’espère que cette année un budget sera alloué pour une communication plus importante auprès de la profession. Le problème est « comment faire ? ». Je souhaiterais que les délégués puissent donner aux pharmaciens une plaquette sur la FCC, que l’OG-Pharma réaliserait. Mais il faut attendre le feu vert de l’Assurance maladie. Nous allons également mettre en place une fiche personnalisée pour les pharmaciens sur le site Internet de l’OG-Pharma. De plus, les pharmaciens pourront bientôt se pré-inscrire en ligne aux formations.

Les délais d’indemnisation des pharmaciens par l’Assurance maladie peuvent être de 5 à 6 mois. Peuvent-ils être réduits ?

On peut très largement simplifier le système. Nous travaillons sur ce sujet pour parvenir à 6 semaines de délais. Mais il faut que les pharmaciens renseignent bien leurs dossiers. Je leur conseille aussi d’aller sur notre site et de remplir leur fiche personnelle. Ils pourront ainsi recevoir leurs attestations de formation, qui compteront pour la première année de DPC, lorsqu’il sera mis en place.

Propos recueillis par Magali Clausener