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Donner sa langue au chatbot
Information médicale, prévention, suivi postopératoire, accompagnement des patients chroniques… Les agents conversationnels s’invitent petit à petit dans le monde de la santé. A quand dans les officines ?
Les chatbots (de « chat », qui signifie « bavardage », et « bot », pour « robot ») sont capables de reproduire le langage naturel et de dialoguer avec une personne via des conversations automatisées qui peuvent se dérouler à l’oral ou à l’écrit. Dans l’univers de la santé, les chatbots faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) pour comprendre les questions et générer des réponses de manière 100 % autonome, auront du mal à s’imposer pour Thomas Gouritin, cofondateur de la start-up Asispo. « Dans la sphère médicale, vous ne pouvez pas vous permettre de confier un diagnostic ou une prescription à une IA nourrie uniquement au machine learning , les algorithmes permettant de comprendre et de répondre à une question sont loin de présenter toutes les garanties, explique-t-il. Il y a quelques années, une start-up avait développé, testé et présenté un assistant médical qui, au bout de deux échanges, avait conseillé à un patient de se suicider… »
La plupart des agents conversationnels en santé recourent donc à des technologies plus simples, fondées sur des arbres décisionnels et des scénarios écrits à l’avance afin de disposer d’un contenu contrôlé et validé sur le plan scientifique. Certains délivrent de l’information médicale. C’était le cas par exemple du chatbot sur l’hésitation vaccinale développé pendant la pandémie de Covid-19 par des chercheurs en sciences cognitives de l’Institut Jean-Nicod et du Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles (Paris). « Nous sommes partis du constat que pour convaincre une population de se faire vacciner, la communication unidirectionnelle des médias n’était pas la plus appropriée car les gens peuvent générer spontanément des contre-arguments, explique Sacha Altay, psychologue expérimental et chercheur postdoctoral à l’université d’Oxford (Grande-Bretagne). Nous avons donc décidé de concevoir un robot capable de répondre à 51 questions parmi les plus répandues sur les vaccins contre le Covid-19. » Testé sur un échantillon représentatif de 338 personnes, le nombre de participants ayant une opinion positive des vaccins à l’issue du test a augmenté de 37 %, le refus vaccinal a, lui, diminué de 20 %.
Prévention et diagnostic
Dans le champ de la prévention, la fondation d’entreprise Ramsay Générale de santé a lancé en 2019 un chatbot qui permet de discuter virtuellement avec trois experts en stress, nutrition et tabac. Objectif : inciter les patients à adopter les bons comportements en matière de prévention en leur proposant des programmes sur mesure, des bilans hebdomadaires, des « alertes craquage »… Dans la sphère du diagnostic et de l’orientation, il faut aller à l’étranger pour trouver des « symptoms checkers ». Aux Etats-Unis, MedWhat7 détecte par exemple les symptômes des maladies bénignes comme la nausée, les maux de gorge ou les rhinites, et oriente en cas de besoin les patients vers un médecin ou une structure de soins adaptée. « En France, à ma connaissance, il existe des algorithmes d’orientation thérapeutique, mais aucun chatbot ne revendique une visée de diagnostic. Cet agent conversationnel serait alors considéré comme un dispositif médical de classe 1, et devrait être évalué en tant que tel avant sa mise sur le marché », rappelle Hélène Decourteix, fondatrice de la société de conseil La Pharmacie digitale.
Les agents conversationnels commencent aussi à être utilisés dans la prise en charge à l’hôpital et en ambulatoire. En France, le chatbot d’Asispo se positionne comme un assistant de santé intelligent pour le suivi postopératoire. Il est testé depuis plus d’un an sur plus de 4 000 patients de centres dentaires et d’une dizaine de chirurgiens-dentistes. « Le lendemain de l’intervention, le patient reçoit un SMS lui indiquant que le docteur veut prendre de ses nouvelles et qu’il peut cliquer sur un lien pour lui répondre, explique Thomas Gouritin. L’échange commence en général par un “Comment ça va ?”. S’il nous fait part d’une douleur supportable, nous lui indiquons les choses à faire, et six heures après, nous lui renvoyons un second message. Si cela ne va pas mieux, nous envoyons alors au chirurgien un SMS l’invitant à rappeler le patient en urgence. » Pour Thomas Gouritin, les premiers usages mettent en évidence certaines vertus. « La première, c’est que notre outil permet au chirurgien-dentiste de rester en contact avec tous ses patients. Il réduit aussi le temps consacré à répondre aux appels téléphoniques ou aux e-mails, assure le cofondateur d’Asispo. Notre solution réduit enfin le risque médical, tout en facilitant le recueil et la mise à jour des fiches d’antécédents médicaux. »
Dans le suivi des maladies chroniques, Vik, l’agent conversationnel de Wefight, est actuellement utilisé par 500 000 patients dans 15 pays et sur une quinzaine de pathologies : asthme, migraine, dépression, cancers… « L’objectif de Vik, précise Pierre Nectoux, cofondateur de Wefight , c’est de faciliter la vie des patients en répondant à leurs questions avec de l’information médicale compréhensible et des contenus toujours écrits et validés par des professionnels de santé. Notre agent est également capable d’envoyer des rappels de traitement au patient, de suivre les crises d’un asthmatique et de l’orienter en cas de besoin vers un pneumologue. » Pour Pierre Nectoux, Vik impacte le quotidien des patients. « Il permet d’améliorer la gestion des effets secondaires et l’observance des traitements, assure-t-il. Nous nous sommes également aperçus qu’une vraie relation de confiance se noue entre les patients et le robot. Ils le voient comme un espace où ils peuvent discuter de tout, confier des choses qu’ils auraient du mal à évoquer avec leur médecin… » Les laboratoires ne s’y trompent d’ailleurs pas puisque Naturactive a développé le chatbot Annabelle afin de donner des informations sur les produits de sa marque. Sanofi a fait de même avec Nina pour sa gamme Novanuit.
En renfort à l’officine
Côté pharmacie, la gestion des relations clients sur les sites d’e-commerce ou la recommandation pour un achat pourraient faire partie des futures missions des chatbots. Mais aussi « remplacer le téléphone pour informer sur la disponibilité d’un produit ou pour prendre rendez-vous à la pharmacie, être utilisés pour chercher d’éventuelles interactions médicamenteuses ou pour faciliter la déclaration d’effets indésirables de médicaments », énumère Hélène Decourteix. Enfin, les agents conversationnels pourraient s’imposer dans l’univers du coaching personnel de bien-être et de santé. « Une start-up autrichienne, Medicus IA, s’est spécialisée dans l’analyse des bilans de biologie médicale qu’elle retranscrit en langage patient, avant de proposer un service d’accompagnement, précise Hélène Decourteix. Appliqué à l’officine, ce type d’outils permettrait aux pharmaciens de proposer des démarches d’accompagnement personnel avec de l’information sur les traitements, du conseil sur les compléments alimentaires et l’hygiène de vie, des recettes, et pourquoi pas du télésoin. »
Pour Hélène Decourteix, les pharmaciens auraient tout intérêt à s’intéresser à ces nouveaux outils. « D’abord parce qu’ils sont utilisés par les jeunes générations, qui aujourd’hui ne téléphonent plus, mais s’envoient des messages vocaux sur WhatsApp, rappelle la consultante. Ensuite, parce que dans un contexte de pénurie de ressources en pharmaciens et en préparateurs, il va falloir trouver des solutions alternatives pour continuer de prendre en charge les patients. Or les chatbots pourraient demain assurer une partie des tâches à faible valeur ajoutée, ce qui permettrait à l’équipe de se concentrer sur le conseil et l’accompagnement des patients au comptoir », conclut Hélène Decourteix.
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