Toxicité cutanée des huiles essentielles

Réservé aux abonnés
Publié le 18 novembre 2017 | modifié le 2 janvier 2025
Par Anne-Hélène Collin
Mettre en favori

Les huiles essentielles sont des concentrés de principes actifs. De fait, elles sont toutes potentiellement toxiques. Elles sont notamment à l’origine d’effets indésirables cutanés fréquents, en raison de leur application courante sur la peau.

Réaction allergique

LA TOXICITÉ

De la réaction allergique cutanée localisée avec érythème, inflammation, éruption vésiculeuse, démangeaisons… au choc anaphylactique (exceptionnel).

La réaction allergique peut apparaître immédiatement après le contact d’une HE avec la peau ou la muqueuse (hypersensibilité immédiate), ou apparaître après une ou plusieurs expositions (hypersensibilité retardée, dermatite allergique de contact).

PRINCIPALES HE CONCERNÉES

Risque majeur avec les HE à lactones sesquiterpéniques (laurier noble…) ou à aldéhydes aromatiques (écorce de cannelle de Ceylan…). Certaines HE, trop allergisantes, ne doivent pas être appliquées sur la peau (Cryptocaria massoia par exemple, contenant du massoia lactone).

Fort potentiel allergisant avec les HE à linalol (lavande vraie, bois de hô, bois de rose, thym CT linalol, ylang-ylang complète…), à géraniol (géranium rosat, palmarosa…), à citronellol (eucalyptus citronné, géranium rosat, rose de Damas), à citral (lemongrass, verveine citronnée, litsée, mélisse, feuille de citronnier), à eugénol (giroflier, feuille de cannelle), à benzoate de benzyle (ylang-ylang complète, baume du Pérou, baume du Tolu, benjoin…), à limonène (citron, mandarine, orange…), à coumarine (expression de zeste de bergamote, zeste de citron…), à farnésol (ylang-ylang complète, néroli), à alcool benzylique (baume de Tolu, benjoin), à salicylate de benzyle (ylang-ylang complète), à alcool cinnamique (feuille de cannelle), à cinnamate de benzyle (baume du Pérou). Ces molécules appartiennent à la liste des 26 agents allergènes parfumants obligatoirement mentionnés sur les étiquetages des produits cosmétiques lorsque leur concentration est supérieure à 10 ppm (produits non rincés), ou 100 ppm (produits rincés).

Les HE appliquées sur le long terme ou à doses répétées, même faibles, sont toutes susceptibles d’entraîner un phénomène de sensibilisation.

PRÉVENTION

Un test cutané sur le pli du coude ou à l’intérieur des poignets (voir ci-contre) est à effectuer avant toute utilisation, en particulier chez les patients à terrain allergique.

Publicité

Ne pas appliquer d’HE sur la peau des enfants de moins de 3 mois (immaturité).

Dermocausticité

LA TOXICITÉ

Apparition immédiate, après contact avec l’HE pure sur la peau ou une muqueuse, d’une sensation de brûlure intense.

PRINCIPALES HE CONCERNÉES

Risque majeur avec les HE à phénols (thym CT thymol, sarriette des montagnes, origan compact), ou à aldéhydes aromatiques (écorce de cannelle de Ceylan).

PRÉVENTION

Dilution impérative dans une huile végétale ou tout autre véhicule lipophile adapté.

Utiliser la plus petite dose efficace. Dose maximale par voie cutanée : 10 % (aldéhydes aromatiques) à 20 %. Les patients à peau sensible se limitent à une dilution maximale de 10 %.

Application localisée, durée de traitement la plus courte possible.

Ne pas utiliser sur une peau lésée (voie cutanée), ni en cas d’ulcère digestif ou de lésions de la muqueuse buccale (voie orale). Pas de diffusion atmosphérique ni d’inhalation. Voie rectale contre-indiquée.

Les HE dermocaustiques sont réservées à l’adulte (l’utilisation de l’HE d’écorce de cannelle de Ceylan est possible à partir de 7 ans). Ne pas donner à la femme enceinte ou allaitante.

Irritation

LA TOXICITÉ

Rougeurs, sensation de chaleur, prurit… D’apparition plus tardive et plus modérée que pour les HE dermocaustiques. Les lésions sont réversibles.

PRINCIPALES HE CONCERNÉES

Risque majeur avec les HE à aldéhydes terpéniques (eucalyptus citronné, litsée citronnée, lemongrass…) ou à monoterpènes (zestes d’agrumes, pins, sapins…).

Risque potentiel avec les HE à salicylate de méthyle (gaulthérie couchée), à méthylchavicol (estragon, basilic exotique…), HE d’ylang ylang, de marjolaine à coquilles…

PRÉVENTION

Dilution impérative (30 % maximum) dans une huile végétale ou tout autre véhicule lipophile adapté. Pour les personnes sensibles ou lorsque la zone est étendue : dilution à 10 % maximum.

Ne pas utiliser sur une peau lésée (voie cutanée), ni en cas d’ulcère digestif ou de lésions de la muqueuse buccale (voie orale). En faible quantité et en mélange avec d’autres HE non irritantes lors de la diffusion atmosphérique ou l’inhalation.

Phototoxicité

LA TOXICITÉ

Réaction cutanée douloureuse, érythémateuse, parfois avec phlyctènes, ressemblant à un coup de soleil, suivie d’une desquamation et pouvant entraîner une hyperpigmentation persistante. La réaction HE-soleil favorise par ailleurs la carcinogénèse.

Le risque est maximal 30 minutes à 3 heures après l’application de l’HE. Bien que 90 % de l’HE soit éliminée en 12 heures, une réaction phototoxique reste possible 24 à 48 heures après l’utilisation.

Le risque phototoxique est avéré en cas d’application sur la peau. Il reste cependant théorique en cas d’administration par voie orale.

L’association de plusieurs HE phototoxiques augmente le risque.

Une alimentation riche en furocoumarines (céleri, panais, jus de pamplemousse…) semble augmenter le risque de phototoxicté, alors qu’une alimentation riche en caroténoïdes, flavonoïdes et tocophérols (vitamine E) semble le réduire.

PRINCIPALES HE CONCERNÉES

HE à furocoumarines, notamment à bergaptène. Les HE obtenues par expression des zestes d’agrumes sont particulièrement concernées : bergamote, citron, pamplemousse, orange amère… Exception cependant avec les HE de mandarine ou encore d’orange douce (zeste, expression), qui, selon certains auteurs, ne présenteraient pas de phototoxicité. Autres HE connues pour leur phototoxicité : angélique, khella, cumin…

PRÉVENTION

Il faut éviter toute exposition solaire, y compris les cabines de bronzage, le temps de l’utilisation.

Sources : P. Franchomme, D. Pénoël, « L’aromathérapie exactement », Editions Roger Jollois, 1990 ; D.Baudoux, « Les cahiers pratiques d’aromathérapie selon l’école française », tomes 1 et 5, 2002 et 2006 ; M. Faucon, « Traité d’aromathérapie scientifique et médicale », Editions Sang de la terre et Médial, 2012 ; F. Millet, « Le grand guide des huiles essentielles », Marabout, 2015 ; R. Tisserand, R. Young, « Essential oil safety », Second edition, Churchill Livingstone Elsevier, 2014 ; J. Fleurentin, « Du bon usage de l’aromathérapie », Editions Ouest France, 2016.

•  Une HE mal conservée ou ancienne peut devenir irritante et sensibilisante en raison de l’oxydation de ses composés. Le phénomène est particulièrement vrai pour les HE riches en monoterpènes (pins, cyprès, zestes d’agrumes…).

•  Bien conserver les HE : à l’abri de l’air, de la lumière, de la chaleur et de l’humidité. Dans de bonnes conditions (flacon en verre teinté, hermétiquement fermé, placé au frais), une HE peut se conserver jusqu’à 5 ans (exceptées les essences de zeste d’agrumes : 1 an maximum).