Variant anglais du SARS-CoV-2 : hypothèses sur la virulence et la résistance à confirmer

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Variant anglais du SARS-CoV-2 : hypothèses sur la virulence et la résistance à confirmer

Publié le 1 février 2021
Par Yves Rivoal
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Risque de transmission accru, plus grande virulence, éventuelle résistance aux vaccins… Tous les maux attribués au variant britannique sont tirés d’une seule et même étude préliminaire. Il s’agit donc encore d‘hypothèses qui restent à valider par des études complémentaires.

Alors que le gouvernement réfléchit à prendre des mesures plus restrictives pour freiner la circulation du variant britannique (VOC 202012/01), qui représentait déjà 6,9 % des cas positifs en Ile-de-France, selon la dernière enquête flash de santé publique France (et 3,3 % des cas de Covid diagnostiqués en France), certains scientifiques s’interrogent sur les résultats de l’étude anglaise préliminaire qui a conclu à une sur-contagiosité évaluée entre 40 à 74 %. « Il s’agit d’une hypothèse qui reste à valider scientifiquement car nous n’avons pas encore les résultats des études en cours dans les laboratoires pour savoir la perte du contrôle de l'épidémie au Royaume-Uni est liée uniquement à la substitution N501Y ou à la conjonction de plusieurs mutations », rappelle Anne Goffard, professeur de virologie à la faculté de pharmacie de Lille (Nord).

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ne dit pas autre chose dans son avis relatif aux mesures de contrôle et de prévention de la diffusion des nouveaux variants du SARS-CoV-2. Il note au conditionnel que « l’apparition d’une substitution N501Y pourrait augmenter les capacités d’attachement du virus au récepteur ACE2, participant de fait à une augmentation du risque de transmission », tout en rappelant qu’une étude mécanistique visant à évaluer l’impact de cette mutation était en cours au Royaume-Uni.

Epidémiologiste, spécialiste en santé publique et directeur de Public Health Expertise, Martin Blachier se montre, lui, plus critique. « Cette étude comporte à mon sens un biais géographique non négligeable. La modélisation repose sur des contaminations en plein regain d’épidémie, à Londres et dans le sud de l’Angleterre, dans des régions ultra denses, où les pubs et les restaurants étaient ouverts et les gens ne portaient pas de masque. Si vous étudiez le même variant au fin fond de la Creuse, en période de confinement, celui-ci mettra beaucoup plus de temps pour devenir dominant. » Affirmer que le variant britannique serait de 40 à 74 % plus contagieux semble donc une hypothèse très alarmiste pour ce chercheur. « La réalité est probablement bien inférieure. Si c'est le cas, je ne pense pas que nous assisterons à une explosion des contaminations à travers le monde drivée à 100 % par un variant. Je crois plus au scénario de flambées épidémiques dans des pays qui se sont relâchés par rapport au respect des gestes barrière. »

Le variant sud-africain sous surveillance

L’étude anglaise fait aussi ressortir une plus forte propagation du virus chez les jeunes, une population jusque-là plutôt épargnée… Pour Anne Goffard, ce scénario doit, là encore, être validé. « L’étude montre effectivement que fin août et début septembre, l'émergence de ce nouveau variant se limitait même aux jeunes. Mais cela n'a rien d’étonnant car à cette période, les enfants sont retournés à l’école et les étudiants ont continué à avoir une vie sociale très riche, dans un pays qui n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour limiter la circulation du virus. De plus, les résultats sont difficiles à exploiter quand vous savez que l’étude englobe dans la catégorie jeunes les 15-45 ans… »

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La corrélation entre la substitution N501Y et les délétions 69-70 et 144 et une perte de certains sites de neutralisation reste, elle aussi, à confirmer. « Ce possible échappement immunitaire pourrait théoriquement conduire à une augmentation du risque de réinfection, ainsi qu’à une perte d’efficacité de la protection immunitaire conférée par les vaccins actuellement disponibles. Cette hypothèse n’est pas actuellement confortée par les données de surveillance, le taux de réinfection étant identique dans les zones de circulation du variant et dans les zones où il ne circule pas », indique le Haut Conseil à la santé publique qui se montre tout aussi réservé pour le mutant sud africain (501Y.V2 ). « Comme pour le variant VOC 202012/01, les études préliminaires suggèrent une charge virale plus élevée avec un impact potentiel sur le niveau de transmission. A ce jour, il n’a pas été documenté de formes plus graves chez les patients infectés par ce variant », écrivent les auteurs de l’avis. En concluant : « il n'y a actuellement pas suffisamment de données disponibles pour déterminer si l’efficacité des vaccins contre le SARS-CoV-2 actuellement disponibles est moindre pour le neutraliser… »