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Très chère homéo
Après la décision de dérembourser à 35 % l’homéopathie, nous avons voulu savoir si cela risquait d’amorcer le déclin de cette thérapeutique en France. Non, à en croire les industriels, plutôt confiants mais résolument combatifs, et les patients et médecins, toujours acquis à la cause. Côté officinaux, ceux qui s’investissent déjà sur ce marché devraient continuer à le faire. Témoignages.
Des AMM en bonne et due forme depuis 1998, la publication de travaux de recherches dans de célèbres revues comme The Lancet, des méta-analyses concluant à l’efficacité versus placebo, l’homéopathie pouvait enfin revendiquer une vraie légitimité. D’ailleurs, les patients ne s’y sont pas trompés, ils sont de plus en plus nombreux à recourir aux granules et aux globules. Selon un sondage de l’IES effectué fin 2000, près de 40 % des Français déclaraient y avoir recours au moins périodiquement.
Seule ombre au tableau : le nombre de médecins homéopathes tend à diminuer en France. D’un autre côté, les généralistes, dans leur globalité, sont de moins en moins réticents à prescrire cette médecine alternative. Ainsi, deux sur dix le feraient souvent ou régulièrement.
Pas un nuage donc dans le ciel de l’homéopathie ces dernières années, qui enregistrait une croissance régulière de ses ventes. En 2003, la progression du marché a été de l’ordre de 3 %, avec un chiffre d’affaires de 192 millions d’euros pour les produits éthiques. Celui de l’homéopathie conseil est trois fois moins important mais a affiché toutefois une progression de l’ordre de 10 %.
« C’est l’homéopathie que l’on assassine ! »
Mais depuis la parution au Journal officiel de la baisse de remboursement de l’ensemble des médicaments homéopathiques, rien ne va plus dans le monde de l’infinitésimal. Laboratoires, pharmaciens, clients ou prescripteurs laissent éclater leur colère. « C’est l’homéopathie que l’on assassine ! » clament-ils de façon plus ou moins consensuelle. Car, bien évidemment, cette baisse de prise en charge fait craindre à tous une mesure plus radicale. Quelles en seront les conséquences pour les officines et pour les patients ? Est-ce l’antichambre d’un déremboursement total ? Quelles en seraient les conséquences sur la viabilité de cette thérapeutique ? Autant de questions que se posent les différents acteurs de ce marché. S’ils sont tous fermement convaincus de l’inutilité de la mesure – le médicament homéopathique représente moins de 0,2 % du budget de l’assurance maladie -, chacun envisage l’avenir différemment (lire les témoignages).
Une chose est sûre : à l’heure où les déremboursements partiels ou totaux tombaient par dizaines pour service médical rendu (SMR) jugé insuffisant, la pression était forte vis-à-vis des produits homéopathiques dont l’efficacité est toujours restée suspecte aux yeux d’une bonne partie de la communauté scientifique et médicale. Difficile donc de ne pas toucher à l’homéopathie sans provoquer un tollé au sein des laboratoires d’allopathie…
L’homéopathie conseil résiste.
Reste à savoir quelle sera l’incidence de cette mesure sur le marché. De l’avis général, la baisse du remboursement à 35 % affectera surtout les mutuelles, qui de toute façon possèdent déjà bien d’autres raisons d’augmenter leur tarif. Si l’on considère que le nombre de prescriptions remboursables variera peu (car, et c’est aussi l’une des spécificités de l’homéopathie, bon nombre de produits prescrits n’ont jamais été sur la liste des produits remboursés), peu de changements sont donc à prévoir.
Pour l’heure, chacun affûte ses armes, car derrière ce premier pas plane l’ombre d’un déremboursement total. Là encore ce n’est pas seulement les conséquences économiques qui sont craintes mais plutôt, à moyen terme, le discrédit jeté sur l’homéopathie en France mais aussi à l’étranger, notre pays restant une référence pour cette médecine.
Au grand jour : pétitions, lettres ouvertes au gouvernement. Dans l’ombre, les yeux se tournent vers le marché de l’homéopathie conseil qui continue de grimper allégrement. Car si le nombre de produits prescrits pourrait chuter, les patients convaincus par cette thérapeutique semblent peu sensibles pour la plupart à cet argument et choisissent d’abord l’homéopathie par conviction. Il y a donc fort à parier qu’un déremboursement même total ne les poussera pas vers l’allopathie.
Les officinaux, la grande inconnue.
L’homéopathie saura-t-elle survivre à cette nouvelle attaque ? Il est fort probable que oui, car elle bénéficie d’un environnement socioculturel favorable. Mais elle aura sans doute du mal à rester dans le giron de la prescription et ses prix, du même coup, risquent de s’envoler. La grande inconnue finalement reste l’attitude des officinaux dans un tel contexte. Continueront-ils à développer ce rayon dans une conjoncture aussi mouvementée ?…
A NOTER
82 % des officinaux soutiendront l’homÉo même déremboursée
Le comportement des officinaux serait la grosse inconnue concernant l’avenir du marché de l’homéopathie. Que les aficionados se rassurent, selon un sondage réalisé en exclusivité pour Le Moniteur auprès de 1 663 officinaux, 82 % continueront à conseiller et promouvoir l’homéopathie même si elle était déremboursée, 76 % croyant en ses vertus thérapeutiques.
Quant au niveau de prise en charge de l’homéopathie, si 59 % des officinaux interrogés se sont déclarés défavorables à la baisse de remboursement, et malgré le soutien massif qu’ils entendent donc apporter à ce marché, ils sont tout de même 38 % à penser qu’il faudrait purement et simplement la dérembourser.
Il faut revoir les remboursements au cas par cas
La première intention de monsieur Mattei était un déremboursement total. Il est revenu sur cette décision mais son directeur de cabinet a aussi annoncé que ce n’était qu’un premier pas. Nous nous battrons jusqu’au bout pour que ce ne soit pas le cas, car alors notre laboratoire n’aurait plus de raison d’être. Le gouvernement veut faire de l’homéopathie une « paramédecine ». Il faut à tout prix empêcher de se retrouver dans la situation québécoise, pays où l’on a commencé par dérembourser l’homéopathie puis déclaré que ce n’était pas des médicaments mais des produits naturels.
Le déremboursement de l’homéopathie n’a rien à voir avec un souci d’économie ou de service médical rendu, nous sommes face à un dogmatisme. Je suis contre l’idéologie antihoméopathie comme je me défie de l’idéologie prohoméopathie. Si cette médecine s’est développée, n’en déplaise à ses détracteurs, c’est parce qu’elle est efficace. Malgré nos peu de moyens et nos quelque 50 visiteurs pour visiter 50 000 médecins, l’homéopathie a su convaincre patients et prescripteurs.
Quant au service médical rendu global pour l’ensemble d’une médecine, c’est dire aux prescripteurs qu’ils sont des ânes ou des naïfs ! C’est aussi porter atteinte à la liberté de prescription. Le fond est insoutenable mais la forme aussi. La décision a été prise unilatéralement, sans aucune concertation, à peine avons-nous été reçus après… Aujourd’hui nous réclamons que les taux de remboursement des médicaments homéopathiques soient revus au cas par cas avec trois taux appliqués selon les produits de 65 %, 35 % ou 0 %. Que l’on accepte l’utilisation de ces médicaments à l’hôpital lorsqu’ils y ont leur place, ce qui permettra aussi d’optimiser leur évaluation ! Que les pouvoirs publics nous permettent de faire de la recherche en débloquant les prix des tubes bloqués depuis 15 ans à 1,80 euro !
Nous avons mis en place une pétition qui a recueilli 600 000 signatures et nous espérons arriver au million, 25 % des députés nous soutiennent, nous ferons encore monter le niveau de pression populaire.
J’espère être entendu et que nous trouvions un terrain d’entente, mais si tel n’était pas le cas, j’envisage d’autres actions et je suis prêt à aller jusqu’au bout.
Christian Boiron, P-DG de Boiron
Je continuerai à me soigner avec l’homéopathie
Je me soigne par l’homéopathie depuis que je suis née et je ne vois pas ce qui pourrait me faire changer. Le pédiatre de mes enfants est d’ailleurs aussi un homéopathe. Cette médecine est efficace tout en étant le prolongement d’une certaine façon de penser, d’un mode de vie plus à l’écoute du corps et de l’esprit. Mon homéopathe me donne toujours deux traitements simultanément, le second, très souvent allopathique, devant être pris en cas d’échec du premier. Une seule fois j’ai dû avoir recours à un antibiotique local classique pour mon fils qui avait un problème oculaire. J’ai bien sûr signé la pétition contre la mesure de baisse de remboursement qui circule chez mon homéopathe, mais je pense qu’elle ne changera rien. Les personnes qui se soignent de cette façon le font d’abord par conviction et de toute façon il y a déjà une bonne part des prescriptions qui n’est pas remboursée… Par contre, si cette mesure faisait disparaître ce type de remède de certaines pharmacies, cela me poserait beaucoup plus problème. J’ai du mal à comprendre à quoi sert ce type de décision, nous ne sommes tout de même pas si nombreux à nous soigner ainsi et, vu le prix d’un tube de granule, j’ai peine à croire que nous puissions contribuer un tant soit peu à combler le trou de la Sécu !
Céline Paulin, institutrice, 34 ans
Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre
C’est un mauvais coup porté à l’homéopathie, mais une fois l’effet d’annonce passé, la mesure ne devrait pas trop influer sur le marché. De toute façon les patients convaincus continueront à utiliser cette médecine. Et une part non négligeable de personnes utilisent l’homéopathie hors prescription sans le savoir. En revanche, un déremboursement total pourrait jeter le discrédit sur cette thérapeutique. De plus, les prescripteurs feraient alors peut-être le choix de moins prescrire. La tendance irait aussi sans doute vers la diminution du nombre de souches proposées par les laboratoires. Mais nous n’en sommes pas là. Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre, plus que jamais c’est le moment de montrer que l’homéopathie existe. Même si nous sommes peu concernés par les produits éthiques qui représentent très peu sur notre chiffre d’affaires, nous sommes aux côtés des laboratoires Boiron et Dolisos et appuyons leurs revendications.
La seule chose qui compte reste de satisfaire les patients, et les pharmaciens ont un rôle important à jouer. En renforçant leur offre et leurs compétences sur l’homéopathie, les officines se recentrent sur leur coeur de métier qu’est le médicament. Contrairement aux laboratoires de compléments alimentaires qui les ont utilisées pour crédibiliser leurs produits avant de se tourner vers des circuits de distribution concurrents, nous aurons toujours les officines comme partenaires exclusifs.
Florian Petitjean, directeur commercial (Lehning)
Des conséquences sur l’homéopathie conseil
Cette diminution de prise en charge est un épée de Damoclès suspendue au-dessus du remboursement. Mais il faut se battre. J’ai lu un article précisant que beaucoup de médecins étaient favorables au déremboursement. Forcément : peu sont formés à cette médecine et beaucoup ne la connaissent pas du tout. Et si tel était le cas, l’augmentation du prix des granules aurait sans nul doute une conséquence directe sur l’homéopathie conseil. Il faut espérer alors que les laboratoires accepteront d’être moins gourmands afin que ce secteur reste rentable pour l’officine.
Dominique Jehlé, titulaire à Décines-Charpieu (69)
« Je ne me fais aucune illusion quand au déremboursement total »
Je ne décolère pas ! Tant que l’homéopathie reste remboursée en bleu, les clients ne disent rien puisque leur mutuelle prend en charge la différence. Mais je ne me fais aucune illusion quant au déremboursement total. Je ne comprends plus ces gouvernements qui nous sortent des mesures avec un argumentaire qui ne tient pas debout. L’homéopathie coûte 4,5 fois moins cher que l’allopathie. De plus, les patients qui se soignent par cette médecine prennent en charge bon nombre de produits non remboursés. Si l’on veut vraiment faire des économies, supprimons le tiers payant ! Que représente l’homéopathie dans le budget de la Sécu ? C’est la puissance de l’argent : le pot de terre contre le pot de fer. Je suis vraiment désabusée, bien sûr les officines qui comme moi se sont vraiment spécialisées et ont une clientèle fidèle tiendront le coup, mais pour les autres ? Il faut vraiment que nous nous mobilisions, et si cela peut changer le cours des choses, alors oui je suis prête à sortir ma pancarte ! »
Myriam Belguedj, titulaire à Nantes (44)
« Ce sera de plus en plus aux pharmaciens de répondre à la demande »
« S’il est regrettable, le déremboursement partiel ne devrait pas avoir un impact très important sur l’évolution du marché. D’abord parce que le transfert se fera de la Sécurité sociale vers les mutuelles mais aussi parce que le prix des granules reste très abordable. Il n’est pas non plus évident que ce soit la voie toute tracée vers un déremboursement total. Mais si c’était le cas, cela aurait des répercussions au niveau international. La France reste en effet la référence en homéopathie. Cela induirait aussi un changement d’économie – les prix étant bloqués depuis 1988 pour l’éthique – et un fort report sur les spécialités conseil en homéopathie. En tout état de cause, je ne crois pas que le marché de l’homéopathie dans sa globalité soit menacé, il y aura seulement des repositionnements, la disparition peut-être de certaines souches et l’apparition de plus de spécialités. Si les prescriptions tendent à diminuer, ce sera de plus en plus aux pharmaciens de répondre à la demande et de devenir le pivot entre les laboratoires et les patients. La France est le seul pays où 100 % des officines proposent de l’homéopathie. C’est une spécificité que nous devons garder. D’autant que l’obligation faite à tout laboratoire souhaitant lancer un produit d’homéopathie, d’obtenir une AMM est une garantie pour les pharmaciens et les patients. »
Jean-Christophe Delmouly, directeur marketing (Dolisos)
L’allopathie a autant d’effets néfastes que la maladie elle-même
De même que je consomme bio, je privilégie l’homéopathie surtout pour mes enfants, même si cela m’arrive de prendre de l’aspirine par exemple. Je pense qu’on ne peut pas soigner correctement une maladie avec des médicaments issus de la chimie minérale. L’allopathie a autant d’effets néfastes – contre-indications et effets secondaires connus ou non – que la maladie elle-même ! Evidemment, je préférerais que l’homéopathie soit remboursée au même titre que les produits bien plus dangereux que les médecins traditionnels prescrivent sous le label « médicaments », mais même un déremboursement total ne me fera pas me tourner vers l’allopathie. Toutefois, si tel était le cas, je trouverais juste que l’on dérembourse l’ensemble de l’allopathie, à l’exception seulement des traitements pour les maladies très graves comme les cancers pour lesquels l’allopathie reste l’unique choix.
Christian Poppé, agriculteur
« Je suis choqué par la portée antisociale de cette mesure »
Le déremboursement partiel ne changera rien à ma pratique quotidienne d’autant que je suis uniciste. Mes patients se disent peu sensibles à l’argument de remboursement ou non dans le choix de leur médecine. Ils pensent que cela pourrait orienter des patients plus modérément motivés vers des médicaments aux effets secondaires importants. En revanche, je suis choqué par la portée antisociale de cette mesure qui ferme l’accès à l’homéopathie d’une partie de la population trop modeste pour pouvoir souscrire à une mutuelle.
Je ne sais pas si cette décision gouvernementale est un premier pas vers un déremboursement total, mais je suis persuadé que cela ne suffirait pas à jeter le discrédit sur l’homéopathie. Déjà, à l’époque d’Hahnemann, ses détracteurs pensaient qu’elle disparaîtrait d’elle-même… Quand on entend, parallèlement, le discours de la Sécurité sociale qui prône une utilisation moins fréquente des antibiotiques ou des antidépresseurs, franchement, il y a de quoi sourire ! »
Jean-Claude Ravalard, homéopathe à Nantes (44)
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