Hypertension artérielle résistante : les recherches ne sont pas vaines

© Getty Images

Hypertension artérielle résistante : les recherches ne sont pas vaines

Réservé aux abonnés
Publié le 26 juin 2025
Par Caroline Guignot
Mettre en favori
On estime que 20 à 40 % des hypertendus ne sont pas contrôlés. Parmi eux, seule une minorité aurait une hypertension artérielle résistante véritable. Pour contrer ces formes cliniques, de nouvelles approches thérapeutiques sont en développement. Elles ont fait l’actualité au congrès de l’European Society of Hypertension, qui s’est déroulé fin mai en Italie.

Dire que l’hypertension artérielle (HTA) est de nos jours une maladie insuffisamment contrôlée est une lapalissade. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une réalité clinique tant pour les patients, chez lesquels elle reste le « tueur silencieux » par excellence, que pour les praticiens qui finissent parfois par banaliser cet état de fait. L’inertie thérapeutique est certainement l’un des éléments les plus importants à combattre devant une HTA non contrôlée, soit 20 à 40 % des patients. L’HTA résistante véritable ne concerne, elle, que 5 % des patients. Le delta qui existe entre ces deux chiffres correspond en pratique à une population d’hypertendus chez lesquels le diagnostic et le traitement des causes d’HTA secondaires, l’amélioration des habitudes hygiénodiététiques et des apports sodés, le renforcement de l’éducation thérapeutique et de l’observance, un ajustement pharmacologique et posologique proactif, ainsi que l’émergence de nouvelles approches thérapeutiques doivent permettre d’atteindre le contrôle tensionnel. Ces multiples paramètres font de l’hypertension artérielle un sujet en constante évolution et un domaine riche en innovations. Le congrès de l’European Society of Hypertension (ESH), qui s’est tenu à Milan (Italie) du 23 au 26 mai, a été l’occasion de faire le point sur la façon dont, à l’avenir, la prévalence de l’HTA résistante pourrait être réduite.

Bi- et trithérapies

Comme le rappellent les recommandations 2023 de l’ESH, le traitement pharmacologique de première ligne de l’HTA repose sur une bithérapie fixe par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) associé à un inhibiteur calcique (IC) ou à un diurétique thiazidique ou apparenté : elle est instaurée à faible dose puis ajustée selon la tolérance et l’efficacité. Si les objectifs tensionnels ne sont pas atteints à trois mois, le traitement évolue en une trithérapie associant ces classes thérapeutiques (IEC ou ARA II, IC et diurétique), et repose sur les mêmes principes. On parle d’HTA résistante si les chiffres de pression artérielle ne sont toujours pas atteints avec cette stratégie. La spironolactone peut alors être envisagée ; les β-bloquants ont, eux, une place à toutes les étapes de cette stratégie en cas d’indication spécifique (notamment antécédents d’événements cardiaques, insuffisance cardiaque). Mais de nouvelles pistes se dessinent.

Reconnaissance de la dénervation rénale

Implémentée pour la première fois dans les recommandations européennes, la dénervation rénale a fait l’objet de nombreuses communications. Pour mémoire, elle consiste à inactiver, par radiofréquence ou par ultrasons, la conduction des nerfs sympathiques efférents et afférents situés autour des artères rénales. Elle permet de réduire l’hyperactivité sympathique qui contribue notamment à la vasoconstriction des artères et à l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Elle trouve sa place dans l’HTA résistante chez les sujets sans HTA secondaire ayant une fonction rénale suffisante, ainsi que chez les sujets présentant une mauvaise tolérance médicamenteuse. « Cette indication demande à être validée par des équipes multidisciplinaires dans les centres d’excellence de la Société européenne d’hypertension artérielle », rappelle le Pr Atul Pathak, de l’Institut national du cœur du Luxembourg, au cours d’une communication sur le sujet. Pour autant, la réponse à la dénervation est caractérisée par une variabilité interindividuelle significative qu’aucun critère prédictif ne permet d’identifier, ce qui impose encore plus de prendre cette décision thérapeutique de façon éclairée et partagée avec les patients.

Cibler la vasoconstriction médiée par l’endothéline

Les autres solutions en développement pour prendre en charge les HTA résistantes sont pharmacologiques, et plusieurs classes thérapeutiques sont en développement : « L’endothélium vasculaire n’est pas seulement une barrière. Il est très important car il a une fonction autocrine, paracrine et endocrine, et il joue un rôle dans la régulation de la perméabilité cellulaire, celle de la fonction plaquettaire, dans la fluidité sanguine et la fibrinolyse », résume le Pr Massimo Volpe, de l’université Sapienza à Rome (Italie). Ainsi, ce tissu sécrète l’endothéline, dont la fonction est vasoconstrictrice lorsqu’elle se fixe aux récepteurs ETA, et mixte lorsqu’elle se lie aux récepteurs ETB. Plusieurs molécules ont donc été développées visant à inhiber ces récepteurs : la plupart ont échoué car elles engendraient une rétention hydrosodée, voire des œdèmes. L’aprocitentan reste cependant en développement clinique : les données des études de phase 3 confirment le risque de rétention hydrosodée, qui semble toutefois tolérable la plupart du temps. L’aprocitentan apparaît supérieur au placebo, et son enregistrement par l’Agence européenne des médicaments est attendu au cours de l’année.

Publicité

Vers des inhibiteurs de l’aldostérone mieux tolérés

L’aldostérone, élément clé du SRAA, constitue aussi un acteur important dans l’augmentation de la pression artérielle : « Le rôle du contrôle de l’équilibre sodé est, à mon avis, largement sous-estimé dans la morbidité et la mortalité cardiovasculaire, insiste le Pr Bryan Williams de l’University College London (Londres, Angleterre). Or, l’aldostérone en est un régulateur central. Et les données confirment qu’elle favorise l’inflammation, le remodelage et la fibrose vasculaire et conduit à une atteinte des organes cibles ».

Deux approches sont en développement pour l’inhiber : bloquer son récepteur (antagonistes du récepteur des mineralocorticoïde ou MRA), comme le fait déjà la spironolactone, ou bloquer sa synthèse par des inhibiteurs de l’aldostérone synthase (ASI). « Depuis la commercialisation de la spironolactone, dans les années 1960, aucun antagoniste n’a pourtant été commercialisé, principalement parce que les homologues de cette molécule exposent eux aussi aux problèmes de tolérance engendrés par leur structure stéroïdienne », rappelle Bryan Williams. Une nouvelle génération d’antagonistes non stéroïdiens est apparue avec la finérénone : les données cliniques confirment son efficacité et sa meilleure tolérance. La molécule n’est pourtant pas enregistrée dans cette indication en Europe, où elle est réservée aux patients atteints de maladie rénale chronique. Ce n’est pas le cas partout : « La finérénone est autorisée en première ligne de l’HTA au Japon et les données de suivi dans ce pays montrent son efficacité sur la tension artérielle, tout en présentant un bénéfice en matière de protection cardiorénale. Ces nouveaux antagonistes non stéroïdiens ne sont cependant pas disponibles dans l’HTA pour l’heure ; la question frustrante est de savoir pourquoi », regrette le cardiologue. 

Les inhibiteurs de l’ASI pourraient constituer une alternative intéressante : « Ils ont l’avantage d’être plus sélectifs que les MRA et d’engendrer moins d’événements indésirables comme les hyperkaliémies, souligne la Pre Laurence Amar, de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. Non seulement, ils permettraient d’améliorer efficacement la pression artérielle, mais ils préviendraient aussi les dommages cardiovasculaires et rénaux en bloquant l’aldostérone à sa source, notamment chez les patients atteints d’un hyperaldostéronisme primaire ». Ils restent difficiles à développer car ils doivent être très sélectifs du gène CYP11B2 (codant pour le cytochrome P450 11B2 ou aldostérone-synthase), afin de ne pas interagir avec la synthèse du cortisol, assurée par le gène CYP11B1, d’étroite homologie avec lui.

Trois classes en développement avancé

Les études cliniques sont encourageantes : cinq ASI sont désormais en phase d’études cliniques : le baxdrostat, le lorundrostat et le vicadrostat ont déjà atteint la phase 2 ou la 3, dans l’hypertension résistante et/ou la maladie rénale chronique. L’osilodrostat, insuffisamment sélectif, a été initialement évalué dans l’HTA, mais est indiqué dans le traitement du syndrome de Cushing. Enfin, le dexfadrostat a uniquement été testé dans l’hyperaldostéronisme primaire. Ils constituent trois des classes thérapeutiques les plus avancées parmi toutes celles en développement (inhibiteurs de la néprilysine, de la guanylate cyclase soluble, inhibiteurs directs de la rénine, etc.) et qui pourraient, à terme, faire capituler l’HTA résistante.

À retenir

  • L’hypertension artérielle résistante véritable concerne 5 % des hypertendus.
  • La dénervation rénale constitue une option thérapeutique intéressante, bien que présentant une grande variabilité de réponses individuelles. 
  • L’aprocitentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline, devrait prochainement recevoir une autorisation européenne de mise sur le marché.
  • Les antagonistes du récepteur à l’aldostérone non stéroïdiens et les inhibiteurs de l’aldostérone synthase offrent de nouvelles perspectives pour un contrôle tensionnel plus efficace et mieux toléré.