GÉNÉRIQUE : La fin des verrous réglementaires

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Publié le 10 avril 2004
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En 2004, le Répertoire va exploser en raison de l’arrivée de « grosses molécules » mais aussi grâce à des avancées législatives et réglementaires, en passe de se concrétiser très prochainement. Le point avec Hubert Olivier, vice-président du GEMME.

« Le Moniteur » : Avant son départ, Jean-François Mattei a déclaré vouloir lever les derniers obstacles réglementaires au générique. Les avancées promises risquent-elles désormais d’être bloquées ?

Hubert Olivier : Il faut prendre, bien sûr, les propos de l’ancien ministre de la Santé avec précaution. Néanmoins, ils visaient des mesures purement techniques et indépendantes de ce qui peut se passer maintenant sur le plan politique : elles portent sur une inscription plus rapide au Répertoire (loi de financement de la Sécurité sociale 2004) et sur la « jurisprudence Negma » permettant aux fabricants de princeps de se défendre par la sortie de nouveaux dosages, formes… Leur impact économique sera considérable en permettant d’accroître de plus de 50 % le champ du Répertoire en valeur, et donc d’ouvrir les possibilités de substitution par le pharmacien. L’article 19 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2004 fera rentrer 300 MEuro(s) dans le Répertoire, les nouvelles molécules dont les brevets expirent en 2004, 700 MEuro(s), et la levée de la jurisprudence Negma, 250 MEuro(s) !

Que permettra ce fameux article 19 ?

Une inscription plus facile au Répertoire. Il stipule qu’à l’issue d’un délai de 60 jours après la délivrance de l’AMM à statut générique, l’Afssaps inscrira ce médicament au Répertoire sans que le fabricant du princeps ne puisse s’y opposer. Auparavant, son opposition suffisait à suspendre la procédure d’inscription. Les nouvelles molécules seront ainsi inscrites au Répertoire dès le premier jour de leur commercialisation. L’Afssaps est ainsi écartée des questions de non-respect de la propriété industrielle et si un problème de violation des brevets se pose, c’est aux laboratoires impliqués de le régler. Vu l’imminence de certaines tombées de brevets, il est urgent que le décret d’application paraisse au Journal officiel.

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Si on arrête la jurisprudence Negma, finies les « AMM de complaisance » ?

Cette jurisprudence est relative à un arrêt du Conseil d’Etat en totale contradiction avec les textes communautaires et la jurisprudence européenne. Ceux-ci disent que la protection des données n’est valable que pour la première forme galénique ou le premier dosage du princeps concerné. Au contraire, le Conseil d’Etat considère que la protection (dix ans en France) s’applique à chaque dosage ou forme galénique mis sur le marché avant le dixième anniversaire du dépôt d’AMM. Ainsi, certains princeps échappent aux génériques par le biais de pseudo-innovations, à travers un monopole commercial supplémentaire de dix ans qui peut ainsi être reconduit plusieurs fois par le princeps. La Commission européenne a mis la France en demeure de s’aligner sur la législation européenne et, au vu des dernières déclarations de Jean-François Mattei, le GEMME se félicite de la prise en compte par notre pays de cette demande. La levée de la jurisprudence Negma par le biais d’un décret en Conseil d’Etat mettra fin à ces stratégies d’évasion des princeps.

La législation communautaire est-elle plus favorable au générique qu’en France ?

En décembre dernier, le Parlement européen a voté en deuxième lecture la directive pharmaceutique 2001/83 CE qui vise à faciliter l’accès du marché communautaire au médicament générique et à harmoniser la durée de protection des données, actuellement de six ou dix ans selon les Etats membres. Nous disposons de dix-huit mois pour la transposer dans notre droit national. Cette directive précise que toutes les AMM obtenues pour tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, sont considérées comme faisant partie d’une même AMM globale et que, de ce fait, la durée de protection des données ne peut s’appliquer que sur la première AMM. Elle fixe aussi une durée de protection de huit ans au terme de laquelle le dépôt d’AMM génériques est possible, mais la commercialisation ne peut intervenir qu’à l’issue d’une période de dix ans, voire de onze (en cas d’indications nouvelles liées à un avantage clinique important). Le GEMME considère qu’une durée maximale de onze ans (8 + 2 + 1) est un progrès notable par rapport à la spécificité franco-française actuelle où un produit peut au final être protégé 10 + 10 +10 ans !