Euthyrox : « beaucoup de bruit pour rien » dans les pharmacies

© DR

Euthyrox : « beaucoup de bruit pour rien » dans les pharmacies

Réservé aux abonnés
Publié le 3 octobre 2017 | modifié le 31 mars 2025
Mettre en favori

Le terme qui revient dans la bouche de tous les pharmaciens interrogés depuis lundi 2 octobre, « premier jour d’arrivée d’Euthyrox sur le territoire français », est le manque. Manque de boîtes, manque d’informations et de visibilité pour les professionnels, manque de patience ou de compréhension de certains patients.
Dans certaines officines, le raz-de-marée attendu n’a pas eu lieu.

« Aujourd’hui, avec la lévothyroxine, c’est l’enfer, mais finalement pas plus que les jours précédents », livre un titulaire parisien. Le même nombre de patients sous Levothyrox que d’habitude en somme. Pour d’autres, la journée promettait d’être longue, avec des patients qui s’amassaient devant leurs officines avant même l’ouverture. La date du lundi 2 octobre était entourée en rouge dans le calendrier : l’arrivée de l’Euthyrox, cette spécialité à base de lévothyroxine importée d’Allemagne. Les patients en attente de ce médicament depuis plusieurs jours ou semaines ont malheureusement dû déchanter assez vite, et le pharmacien, en première ligne, aussi. Impossible ou presque de se procurer le produit. Le message le plus souvent fourni par les grossistes était « une boîte par dosage et par officine ». À commander uniquement par téléphone pour certains, alors que les lignes téléphoniques de leur fournisseur étaient saturées. Fournies en échange d’une ordonnance en bonne et due forme faxée au grossiste pour d’autres, comme ceux s’approvisionnant à la CERP Lille. L’OCP indique avoir réparti une partie de son stock entre ses différents établissements sur le territoire et conservé une autre partie sur sa plateforme de centralisation et de synchronisation des stocks, afin d’ajuster les approvisionnements en fonction des besoins.

Pour tous les pharmaciens, une boîte par-ci, une boîte par-là, sont arrivées dans les bacs de livraison lundi dans l’après-midi. Dans le meilleur des cas, il était possible d’obtenir une boîte de chaque dosage d’Euthyrox. Mais de là à répondre aux nombreuses demandes de réservations par les patients… Impossible à réaliser en pratique. Une adjointe francilienne témoigne : « C’est l’incompréhension générale. Les patients veulent qu’on leur mette de côté des boîtes, qui plus est sur la base d’ordonnances non valables. Ils sont très mécontents lorsqu’on leur explique que ce n’est pas envisageable ». Une autre relate que « les patients sont très agressifs et inquiets. Ils reprochent aux pharmaciens de ne pas y mettre de la bonne volonté et ils nous questionnent sur notre manière d’attribuer les traitements, comment est-ce que l’on détermine à quel patient nous allons dispenser une boîte ». Dans l’officine de cette adjointe, les premiers servis étaient les premiers à avoir réservé avec une ordonnance conforme. On se croirait en période de rationnement.

Finalement, dans bon nombre d’officines, les malades finissaient par comprendre, après discussions, que le mieux pour eux était encore de patienter un peu, le temps de l’arrivée de la spécialité L-Thyroxin Henning de Sanofi, prévue pour mi-octobre. Pour une solution durable, et non en « one-shot » comme dans le cas d’Euthyrox, où tout sera à refaire dans une centaine de jours, après utilisation de la boîte entière.

Pour convaincre les patients, des pharmaciens se sont aidés des alertes envoyées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui ont appuyé leurs propos. Ils les ont même affichées dans leurs officines, à la vue des patients. Des alertes qui rythment leurs journées désormais. Qui leur donnent la conduite à tenir au fur et à mesure. Sans réelle visibilité sur la suite des évènements. C’est là aussi que le bât blesse pour certains : « Le manque d’informations des professionnels est un problème majeur. Les alertes arrivent après que l’information ait été délivrée au grand public. » Prévenus à la dernière minute, sur des informations rectifiées en cours de journée… Difficile dans ces conditions de donner les bonnes informations aux patients. Avec à la clé une perte de crédibilité du pharmacien mais aussi des autorités.

Publicité

Dans tous les cas, avec le peu de boîtes disponibles, il y a fort à parier que l’arrivée d’Euthyrox en France fera un pschitt. Beaucoup de bruit pour rien. Reste à patienter encore une quinzaine de jours, et l’arrivée d’une nouvelle spécialité à base de levothyroxine, afin que la situation s’apaise pour les patients comme pour les professionnels.