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Alerte aux risques infectieux !
Près de 50 000 personnes dans le monde meurent chaque jour de maladies infectieuses. Soit 17 millions de décès par an. Mais si 90 % des infections sévissent dans les pays en voie de développement, nous ne sommes pas pour autant à l’abri des menaces microbiennes. Face aux risques, l’Institut Pasteur s’alarme.
Recrudescence ? Résurgence ? Une chose est sûre : les maladies infectieuses sévissent toujours dans notre pays. Fleming aurait de quoi se retourner dans sa tombe ! Malgré l’essor de l’antibiothérapie, en dépit de la révolution vaccinale des années 1940-1970, les germes infectieux tuent toujours.
Les temps ont changé et les microbes aussi. Au XIXe siècle, on mourrait de typhus et de choléra. Aujourd’hui, on décède du sida ou de la listériose. La peste noire du Moyen-âge importée d’Asie par la route de la soie a laissé place au spectre du charbon via les méandres du bioterrorisme. Alors que la variole n’est plus et que la poliomyélite se trouve en voie d’éradication, la coqueluche ressurgit. « Le nombre croissant des maladies infectieuses est intimement lié à la capacité d’adaptation des micro-organismes », analyse Philippe Kourilsky, directeur général de l’Institut Pasteur.
Adaptation certaine à l’environnement : Listeria monocytogenes se multiplie à + 4 °C, Legionella se développe dans les canalisations. Mais aussi adaptation au déplacement des populations, développement des voyages en avion oblige. Philippe Sansonetti, directeur du département biologie cellulaire et infection à l’Institut Pasteur, l’affirme : « Les pathologies infectieuses des pays en voie de développement se retrouvent à nos portes. » Force est de constater que les cas de paludisme, de tuberculose ou de dengue d’importation ne figurent plus au rang des exceptions. Et Philippe Sansonetti de dénoncer la multirésistance du bacille de Koch dans les pays de l’Est (jusqu’à 30 % des cas), faute d’une bonne observance des traitements.
Autre problème de santé publique et non des moindres : les infections nosocomiales responsables de plusieurs milliers de décès par an. Elles concernent près de 7 % des patients hospitalisés.
Au banc des accusés : l’absence d’une réelle stratégie de prescription des antibiotiques. « On a cru à tort que les maladies infectieuses étaient maîtrisées. Il est maintenant urgent d’accélérer la recherche dans ce domaine qui souffre d’un retard considérable d’investissements », déplore-t-on à l’Institut Pasteur. Au-delà des progrès effectués, il subsiste, d’après les chercheurs, de nombreuses questions à élucider : comment le prion devient infectieux, comment se transmet le virus de l’hépatite C, comment guérir d’une infection à VIH ?…
Mais pour guérir ou prévenir une infection, encore faut-il bien définir les caractéristiques de l’agent responsable. Le réservoir microbien se révèle peu à peu grâce aux innovations technologiques. « Le BCG se montre actif contre la méningite tuberculeuse mais son efficacité sur la tuberculose pulmonaire reste discutable, constate Jean-Michel Alonso, du CNR des Méningocoques. Les outils de la génomique ont permis de s’apercevoir qu’il manquait une quarantaine de gênes dans l’exemplaire vaccinal du bacille. »
Mieux connaître les cibles microbiennes pour accélérer la recherche vaccinale et mettre au point des nouvelles classes d’antibiotiques, tels sont les objectifs de l’Institut Pasteur. Mais la maîtrise des épidémies passe inévitablement par un diagnostic précoce, d’où l’intérêt d’une veille épidémiologique.
Dans l’Hexagone, l’Institut de veille sanitaire coordonne trente-huit centres nationaux de référence pour éviter d’éventuelles émergences. Ainsi a-t-on modifié le calendrier vaccinal de la coqueluche (rappel supplémentaire entre 11 et 13 ans) pour limiter la transmission de l’infection aux bébés, de plus en plus nombreux à développer la maladie.
Les enjeux en terme de santé publique demeurent énormes. Ainsi aujourd’hui, au moins 16 % des cancers semblent imputables à une maladie infectieuse. Citons Helicobacter pylori dans le cancer de l’estomac, le virus de l’hépatite B dans celui du foie et les Papillomavirus dans les tumeurs du col de l’utérus.
Claude Leclerc, chercheur en immunologie à l’Institut Pasteur : Où en est la recherche en vaccinologie
Quels sont les principaux vaccins en phase d’essais cliniques ?
Un candidat-vaccin contre la shigellose est déjà en cours d’essai chez l’homme. Il s’agit d’une souche atténuée de Shigella flexneri par inactivation des gènes de virulence. La recherche s’active dans de nombreux domaines dont celui du paludisme. Là aussi, l’expérimentation clinique a débuté mais le suivi des volontaires vaccinés reste très lourd. En ce qui concerne l’hépatite B, les essais d’une vaccination à visée thérapeutique démarrent en France. Ils utilisent l’injection d’ADN nu chez les porteurs chroniques afin de stimuler l’immunité pour éliminer le virus.
Peut-on d’ores et déjà clamer victoire ?
Non, car en matière de vaccinologie le pragmatisme est de mise. Les essais se font sur de petits effectifs et il faut compter cinq à dix ans d’expérience clinique chez l’homme avant une éventuelle mise sur le marché. Le développement des vaccins pose un réel problème. Nous exigeons le risque zéro mais nous avons peu de modèles prédictifs pour tester leur innocuité et leur efficacité. L’exemple du vaccin anti-Rotavirus illustre bien les failles du système. Sa commercialisation a dû s’interrompre en raison d’effets secondaires non décelés en phase expérimentale.
A quand la « banane vaccinale » ?
La stratégie vaccinale par l’alimentation représente un phénomène anecdotique. Elle se traduit tout d’abord par l’imprécision des dosages. Comment vacciner un nourrisson avec une banane en étant sûr qu’il ait avalé toute la dose ? La voie orale n’est pas la meilleure pour induire une réponse immunitaire, chacun disposant d’une immunité différente au niveau de muqueuses intestinales. Rappelons aussi que nous sommes programmés pour ne pas sécréter d’anticorps après l’ingestion des aliments.
Propos recueillis par Myriam Loriol
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