Analyse d’ordo : DMLA et substitution par un biosimilaire du ranibizumab

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Analyse d’ordo : DMLA et substitution par un biosimilaire du ranibizumab

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Publié le 28 mars 2025
Par Nathalie Belin
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Alain V. se présente à l'officine avec une ordonnance de Lucentis, biomédicament contenant du ranibizumab, pour traiter sa dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Vous lui proposez un biosimilaire, la substitution étant désormais autorisée. Détails des points de vigilance et des informations essentielles à transmettre au patient.

Suite à une baisse brutale de son acuité visuelle, Alain V. a consulté en urgence un ophtalmologiste il y a 4 mois. Une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) de l’œil gauche a été diagnostiquée et le patient a depuis bénéficié de trois injections de Lucentis. L’examen réalisé ce jour a conduit le médecin à poursuivre le traitement. 

Prescription

Ordonnance de médicaments d’exception

Le 1er mars 2025

Personne recevant les soins

Alain V., né le 10 mars 1955

Prescripteur

Dr O., ophtalmologiste

Traitement

Ranibizumab (Lucentis) seringue préremplie : 1 injection par mois.

À renouveler 2 fois.

Ce que je dois savoir

Législation

Le ranibizumab est un médicament d’exception dont la prescription est réservée aux spécialistes en ophtalmologie. L’ordonnance est donc conforme.

Depuis novembre 2024, la substitution à l’officine est possible au sein du groupe biologique similaire du ranibizumab, sauf mention expresse et justifiée (tenant à la situation médicale du patient) par le prescripteur sur l’ordonnance. Le médecin doit en avoir averti le patient. En concertation avec le pharmacien, le préparateur propose un biosimilaire au patient (le groupe biologique similaire du ranibizumab comporte les médicaments suivants : Lucentis, Ranivisio, Byooviz, Rimmyrah). Le même biosimilaire doit, dans la mesure du possible, être délivré à chaque dispensation.

Si la substitution est acceptée, le nom du médicament délivré sera apposé sur l’ordonnance et le prescripteur prévenu de la substitution.

Contexte

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une pathologie dégénérative d’une aire de la rétine, la macula, riche en photorécepteurs où convergent les rayons lumineux. Première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans, la maladie est à l’origine d’une perte de la vision centrale.

Les facteurs de risque identifiés sont des antécédents familiaux de DMLA, le tabagisme, l’obésité et des facteurs nutritionnels (régime pauvre en oméga 3 et riche en graisses saturées).

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Aux stades précoces, la maladie est asymptomatique, mais de premières altérations de l’épithélium pigmentaire rétinien, les drusen (dépôts lipidiques et protidiques liés à l’altération de l’épithélium pigmentaire), peuvent être mises en évidence à l’occasion d’un fond d’œil : on parle alors de maculopathie liée à l’âge (MLA).

Lorsque ces drusen deviennent plus importants et s’associent à d’autres altérations de la macula, on parle de DMLA.

Il en existe deux formes :

  • la DMLA atrophique (ou sèche), avec dégénérescence progressive de l’épithélium pigmentaire et des photorécepteurs ;
  • la DMLA exsudative (ou humide ou néovasculaire), associée à la présence de néovaisseaux.

Symptômes et évolution

Les symptômes évocateurs de DMLA sont notamment une diminution de la perception des contrastes, une gêne en vision nocturne, des modifications de la vision des couleurs, l’apparition de taches dans le champ visuel (scotomes), de déformations ou d’ondulations des images (métamorphopsies). Les formes débutantes atteignent généralement un seul œil, mais il existe un risque de bilatéralisation.

Alors qu’en cas de DMLA atrophique, la baisse de la vision centrale survient en plusieurs années, la DMLA exsudative est responsable d’une baisse visuelle brutale, en quelques jours parfois, associée notamment à des métamorphopsies. Forme la plus agressive, elle peut être très invalidante, même si la vision périphérique reste conservée.

Prise en charge

Seule la forme exsudative bénéficie d’un traitement dont l’introduction est une urgence pour stopper la dégradation visuelle : un délai inférieur à huit jours après le diagnostic est recommandé pour la première injection (« Dégénérescence maculaire liée à l’âge. Recommandation de bonnes pratiques », Haute Autorité de santé, 2022).

Le traitement repose sur des injections intravitréennes de molécules d’anti-VEGF, dont fait partie le ranibizumab. Quelle que soit la forme de DMLA, l’arrêt du tabac et la prise en charge d’une obésité sont recommandés pour freiner l’évolution de la pathologie, et une supplémentation en antioxydants peut être recommandée. Une rééducation orthoptique, le réaménagement de l’espace de vie, des aides visuelles (systèmes grossissants…) permettent de suppléer à la baisse de la vision dans les formes avancées.

Injection intravitréenne : injection dans la cavité oculaire (corps vitré), derrière le cristallin.

VEGF : acronyme de vascular endothelial growth factor (facteur de croissance de l’endothélium vasculaire).

Médicament

Lucentis

Le ranibizumab est un fragment d’anticorps monoclonal humanisé recombinant dirigé contre le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire humain de type A (VEGF-A) surexprimé chez les personnes atteintes de DMLA. Il empêche la fixation du VEGF-A sur son récepteur, ce qui inhibe la néovascularisation et l’hyperperméabilité vasculaire qui en découle.

Repérer les difficultés

Substituer une biothérapie nécessite d’expliquer l’intérêt de la démarche au patient, d’obtenir son accord et d’en avertir le prescripteur.

Par ailleurs, même si Alain V. a déjà reçu trois injections de ranibizumab, il est important de vérifier qu’il en connaît les effets indésirables et les signes d’alerte devant mener à une consultation urgente.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Qu’a dit le médecin et quand la prochaine injection est-elle prévue ? », fait le point sur la réponse au traitement.

« Le médecin a dû vous indiquer qu’un médicament biosimilaire à Lucentis, qui présente la même efficacité mais en moins cher, est désormais disponible. Si vous êtes d’accord, je peux vous le délivrer et en avertir votre médecin », introduit la démarche de substitution de la biothérapie.

« C’est un peu comme un générique ; je vais vous expliquer le principe d’un biosimilaire », s’avère indispensable pour rassurer et convaincre.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action. Le ranibizumab est un fragment d’anticorps dirigé contre une protéine qui favorise le développement de vaisseaux au niveau de la rétine : ces derniers laissent alors échapper du sang et des fluides provoquant l’altération de la vision. Le ranibizumab vient bloquer cette action.

Effets indésirables. Les principaux effets indésirables sont locaux, liés à l’injection intravitréenne : hyperémie (accumulation de sang), irritation, sécheresse oculaire, sensation de corps étrangers, le plus souvent. Des douleurs oculaires ou une augmentation transitoire de la pression intraoculaire sont possibles, ainsi que, plus rares mais graves, des cataractes post-traumatiques, des infections endoculaires ou des décollements de la rétine. 

Utilisation. La biothérapie doit être conservée au réfrigérateur ou 24 heures maximum à température ambiante (deux mois pour Byooviz), en attendant de la rapporter à l’ophtalmologiste. L’injection intravitréenne est réalisée par le médecin dans des conditions d’asepsie rigoureuse avec une aiguille extrêmement fine après anesthésie locale de l’œil.

J’accompagne

La substitution

Expliquer. Un biomédicament est un médicament produit à partir d’organismes biologiques : protéines, cellules ou encore micro-organismes vivants. Un biosimilaire est une copie du biomédicament de référence, mais il n’est pas strictement identique : en effet, du fait de la variabilité naturelle des organismes biologiques et de la complexité des processus de fabrication, des différences mineures peuvent exister entre la biothérapie de référence (ou bioréférent) et le biosimilaire, tout comme elles peuvent exister entre deux lots du bioréférent !

Rassurer. Ces différences n’ont pas d’incidence sur l’activité du produit, qui a dû démontrer une sécurité et une efficacité similaire au bioréférent.

Argumenter. Les biosimilaires contribuent à élargir les possibilités d’approvisionnement d’une molécule pour pallier les ruptures de stock d’une spécialité. Par ailleurs, le prix réduit du biosimilaire génère des économies qui permettent d‘investir dans la recherche et de financer de nouveaux médicaments.

Les suites de l’injection

Toute rougeur persistante, douleur importante de l’œil ou baisse de vision impose une consultation urgente.

La surveillance

L’autosurveillance de chaque œil à l’aide de la grille d’Amsler (grille de lignes horizontales et verticales, utilisée pour évaluer les symptômes visuels de la DMLA) est recommandée une fois par semaine, afin de déceler précocement une aggravation de l’atteinte de l’œil gauche ou un début d’atteinte de l’œil droit.

Vente associée

Le médecin n’en ayant pas prescrit, vérifier avec le patient qu’il lui reste un substitut lacrymal (Lacrifluid, Aqualarm Intensive, Hylo Fresh…) voire un cicatrisant (type vitamine A en pommade), traitements souvent prescrits pour l’irritation et la gêne oculaire qui peuvent survenir après l’injection intravitréenne.

Le patient me demande

« Le médecin m’a conseillé un complément alimentaire, est-ce vraiment utile ? »

Les compléments alimentaires riches en caroténoïdes (lutéine et zéaxanthine) et certains anti-oxydants (zinc, vitamines C et E) ne vont pas freiner l’atteinte de votre œil gauche. En revanche, ils présentent un intérêt en prévision de l’atteinte du deuxième œil. Parallèlement, une alimentation de type méditerranéenne, riche en antioxydants (fruits et légumes) et oméga 3 (poissons, huiles végétales) est recommandée.