- Accueil ›
- Préparateurs ›
- Délivrance ›
- Madame L., 55 ans, a une péricardite aiguë
Madame L., 55 ans, a une péricardite aiguë
Suite à une douleur thoracique, Mme L., 55 ans, consulte son généraliste puis un cardiologue, qui diagnostique une péricardite aiguë. Il instaure un traitement anti-inflammatoire afin de limiter les complications.
Ce que je sais
Législation
L’ordonnance est conforme. La colchicine a une indication dans le traitement de la péricardite aiguë idiopathique depuis le 8 janvier 2018, mais le laboratoire fabricant n’a pas sollicité le remboursement dans cette indication, d’où la mention « NR » sur l’ordonnance.
Contexte
C’est quoi ?
• La péricardite correspond à une inflammation du péricarde, l’enveloppe inextensible qui contient le cœur. Le péricarde est constitué de deux feuillets entre lesquels circule le fluide péricardique, un ultrafiltrat plasmatique qui agit comme un lubrifiant. Le péricarde protège et fixe le cœur dans le thorax. Selon les durées et les intervalles entre les signes cliniques, sont distingués plusieurs types de péricardite. Une péricardite aiguë dure moins de quatre à six semaines et représente 5 % des douleurs thoraciques aux urgences.
• La péricardite aiguë se manifeste par une douleur thoracique intense, proche de celle de l’infarctus, mais avec la particularité d’être améliorée en position debout ou penchée en avant.
• Le diagnostic est d’abord clinique, avec douleur thoracique autour du cœur, parfois un fébricule, un contexte viral, un son particulier à l’auscultation. Un électrocardiogramme (ECG) confirme le diagnostic en présence de certaines anomalies. L’échographie cardiaque peut révéler un épanchement péricardique.
• Les étiologies sont variées : surtout infectieuses virales ou bactériennes, dont la tuberculose ; maladies tumorales, auto-immunes ou inflammatoires ; médicamenteuses, avec chimiothérapies, pénicillines, clozapine, amiodarone, anti-TNF… La forme idiopathique ou présumée virale bénigne représente 80 à 90 % des cas.
Complications
Une péricardite aiguë peut se compliquer avec :
• la tamponnade cardiaque. Un épanchement abondant de liquide s’intercale entre les deux feuillets du péricarde et comprime le cœur. C’est une urgence vitale ;
• la récidive ou récurrence : la maladie revient après une période sans symptômes de quatre à six semaines au moins. Une mauvaise observance du traitement peut être en cause.
• Au long cours, il y a un risque d’évolution vers une péricardite chronique constrictive, avec insuffisance cardiaque du fait d’une constriction du cœur, qui ne fonctionne plus correctement à cause de l’épaississement du péricarde, et de sa rigidification par l’inflammation chronique. Le traitement est chirurgical, avec retrait partiel ou total du péricarde (péricardectomie).
Quelle prise en charge ?
Pour une péricardite aiguë, la prise en charge est ambulatoire, sauf cas particuliers. Le traitement repose sur une bithérapie anti-inflammatoire, AINS ou aspirine, durant quatre à huit semaines, avec réduction progressive des doses, associée à la colchicine pendant trois mois, avec limitation de l’activité physique. Le patient est revu quinze jours après pour évaluer l’observance, refaire un examen clinique et cardiaque et un point sur les résultats des examens, diminuer l’aspirine à 2 g par jour selon les marqueurs de l’inflammation et prolonger l’arrêt de travail si besoin. Le cardiologue a ici prescrit un arrêt pour Mme L., aidesoignante, et un suivi sur six mois.
Objectifs
• Diminuer le risque de complications, avec la bithérapie anti-inflammatoire.
• Limiter le risque de lésions gastriques induites par l’aspirine chez une patiente à risque, avec un inhibiteur de pompe à protons (IPP). Mme L. a eu un ulcère gastroduodénal il y a cinq ans.
Médicaments
Aspirine ou acide acétylsalicylique (Aspégic)
Anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), inhibiteur irréversible des enzymes cyclo-oxygénases nécessaires à la synthèse des prostaglandines. Selon les doses, les effets de l’aspirine sont essentiellement antiagrégants plaquettaires (50 à 375 mg/jour), antalgiques/anti-pyrétiques (≥ 500 mg/prise et/ou < 3 g/jour) ou anti-inflammatoires (≥ 1 g/prise et/ou ≥ 3 g/jour).
Colchicine (Colchicine opocalcium)
Elle est indiquée dans la péricardite pour ses propriétés anti-inflammatoires, même si le mécanisme d’action dans ce contexte n’est pas élucidé, et sa posologie dépend du poids.
Ésoméprazole
Inhibiteur spécifique de la pompe à protons, c’est-à-dire l’enzyme chargée de sécréter des ions acides H+ de la cellule pariétale vers la lumière gastrique, il diminue l’acidité gastrique. Indiqué en prévention des lésions gastriques induites par les AINS chez les plus de 65 ans, en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal, sous antiagrégant plaquettaire ou corticoïdes.
Repérer les difficultés
• La colchicine est un médicament à marge thérapeutique étroite. Indiquer les premiers signes de surdosage : diarrhées, nausées, vomissements.
• Expliquer la durée du traitement et la consultation à quinze jours.
Ce que je dis à la patiente
J’ouvre le dialogue
« Que vous a dit le cardiologue ? » permet de savoir ce qu’a retenu la patiente. « Avez-vous compris l’intérêt du traitement pour éviter que la péricardite, l’inflammation de l’enveloppe qui contient le cœur, revienne ? » ouvre la discussion sur l’observance. L’aspirine à fortes doses pendant plusieurs semaines fait peur à Mme L., qui dit avoir « l’estomac fragile ». Dire que vous comprenez son inquiétude et que le médecin a prescrit l’ésoméprazole pour protéger son estomac.
J’explique le traitement
Mécanismes d’action
L’aspirine et la colchicine luttent contre l’inflammation du péricarde. L’ésoméprazole limite le risque d’agression de l’aspirine contre l’estomac.
Modalités d’administration
• Aspirine : mélanger le contenu du sachet dans un peu d’eau, lait ou jus de fruits au début des trois repas. Si Mme L. ne petit-déjeune pas, prendre le sachet un peu plus tard dans la matinée, accompagné de pain ou d’un biscuit pour protéger son estomac.
• Colchicine : 1/2 mg par jour en dessous de 70 kg, 1/2 mg deux fois par jour au-delà. Les demi-comprimés peuvent être préparés à l’avance.
• Ésoméprazole : avaler avec un peu de boisson. La gélule peut être ouverte et mélangée dans une boisson non gazeuse, mais sans croquer les granules gastrorésistants.
Effets indésirables
• Aspirine : douleurs abdominales, gastrites, saignements cutanéo-muqueux (gencives, nez…).
• Colchicine : nausées, vomissements et surtout diarrhées sont courants et peuvent signer un surdosage. Troubles musculaires, leucopénie, thrombopénie et neutropénie sont possibles, d’où le bilan biologique le premier mois.
• Ésoméprazole : diarrhées, nausées, vomissements, douleurs abdominales et maux de tête.
J’accompagne
Surveillance
• Sous aspirine, des signes allergiques, avec asthme, urticaire…, sensation de malaise, avec bourdonnements d’oreille, maux de tête… ou signes de saignements internes (dans les selles…) doivent alerter.
• En cas de diarrhées sous colchicine, vite contacter le médecin, qui décidera d’arrêter ou d’adapter la dose. Ne rien faire sans son accord. Alerter sur le risque de l’automédication avec du lopéramide sans rien dire à personne !
• Prévenir les professionnels de santé de la prise de colchicine pour limiter le risque d’interactions médicamenteuses (voir encadré ci-dessous).
Hygiène de vie
Lors d’un épisode de péricardite aiguë, le repos fait partie du traitement. Conseiller à Mme L. de remplacer ses cours de zumba par de la marche jusqu’à ce que la situation se normalise sur les plans clinique et biologique.
Vente associée
Proposer coupe-comprimé et pilulier pour l’observance.
Prescription
Dr C., cardiologue.
Mme Marie L., 55 ans, 1,73 m, 72 kg.
Ordonnance
• Aspégic 1 000 mg
1 sachet 3 fois par jour.
• Colchicine opocalcium 1 mg
1/2 cp matin et soir. NR.
• Ésoméprazole 20 mg gélule
1 gélule le soir.
QSP quinze jours.
Rendez-vous dans quinze jours.
Info +
→ Colchicine opocalcium et Colchimax contiennent 1 mg de colchicine, mais Colchimax renferme en plus de la poudre d’opium, antidiarrhéique, et du tiémonium, un antispasmodique pour atténuer les symptômes digestifs. Ces substances peuvent masquer les signes d’un surdosage. Colchimax fait donc partie des « médicaments à écarter », selon la revue Prescrire (Rev Prescrire, 2019, 39 (434), p. 931-942).
La patiente me demande
« Mon dentiste m’a prescrit également de la Pyostacine. Je peux la prendre sans risque ? »
Attention ! L’association de la colchicine avec les macrolides et apparentés, comme la pristinamycine, est contre-indiquée. Les macrolides inhibent le cytochrome P450 3A4 responsable du métabolisme de la colchicine. Il en résulte une augmentation des effets indésirables de la colchicine, avec des conséquences potentiellement fatales. Appelez le dentiste pour qu’il change de classe d’antibiotique ou le remplace par la spiramycine, un macrolide non inhibiteur des cytochromes.
Avec l’aimable relecture du Dr Jennifer Cautela, cardiologue à l’hôpital Nord de Marseille (13).
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
