Bien conseiller un antiseptique au comptoir

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Bien conseiller un antiseptique au comptoir

Publié le 25 juillet 2025
Par Nathalie Belin
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De l’évaluation de la plaie au choix de la molécule, en passant par l’identification des cas nécessitant un avis médical, conseiller le bon antiseptique ne s’improvise pas. On fait le point.

1. Je questionne

Préciser la demande

Les questions « Pour quel usage : désinfecter la peau saine, une plaie… ? » ; « À qui est-il destiné ? », permettent d’identifier les antiseptiques adaptés.

Rechercher des critères de gravité

Selon le cas : « La plaie est-elle profonde ? » ; « Est-elle à l’origine d’un saignement important ? » ; « Par quoi ou comment a-t-elle été provoquée (brûlure, clou, morsure d’animaux…) ? » ; « Êtes-vous diabétique ou prenez-vous des traitements diminuant l’immunité ? », ​recherchent des situations nécessitant un avis médical.

2. J’évalue

Seules des plaies superficielles ou peu profondes (éraflures, coupures, brûlures du 1er ou du 2e degré) peuvent faire l’objet d’une prise en charge officinale. L’antiseptique complète, si besoin, le nettoyage d’une plaie à l’eau et au savon, notamment lorsque celle-ci est potentiellement à risque d’infection (morsure, plaie souillée par la terre, etc.).

L’antisepsie de la peau saine, avant des injections, ou de la muqueuse urogénitale, avant un prélèvement urinaire, fait également partie du conseil officinal.

Une plaie profonde, étendue, ou survenue après un choc important, un saignement abondant, un terrain diabétique ou immunodéprimé, une plaie chronique sont autant de situations qui doivent conduire à orienter vers un médecin.

3. Je passe en revue

Les antiseptiques ont pour certains un statut de médicament et disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). D’autres (destinés au conseil) sont des biocides (certaines références de chlorhexidine en unidoses ou en sprays, par exemple) : leurs indications, spécifiées par le fabricant, et les limites d’âge d’utilisation peuvent être variables et différentes de celles des médicaments.

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Antiseptiques majeurs

Ils se caractérisent par un spectre large et une action rapide1.

Dérivés chlorés. Ex : hypochlorite de sodium dosé à 0,5 % de chlore actif dans Dakin Cooper Stabilisé ou à 0,06 % dans Amukine.

  • Avantages : incolore et peu allergisant, il s’utilise sur la peau et les muqueuses (notamment buccale, urogénitale, vaginale, et même oculaire pour Amukine).
  • Inconvénients : odeur chlorée, risque de décoloration des tissus, conditions de conservation assez stricte (température ≤ 25 °C).
  • En pratique : s’utilise sans dilution en lavages, bains locaux ou pansements humides. La solution Dakin Cooper Stabilisé est colorée en rose par le permanganate de potassium afin de permettre son identification lorsqu’elle est utilisée en bains (mais elle ne colore pas la peau).

Dérivés iodés. Ex : povidone iodée (Bétadine Dermique, Bétadine Scrub…).

  • Avantage : bien tolérée (hors cas d’allergie), elle s’utilise sur la peau et les muqueuses (buccale, urogénitale, vaginale…).
  • Inconvénients : la solution étant brun orangé, la coloration de la zone d’application peut masquer l’évolution d’une plaie. Des réactions d’hypersensibilité sont possibles (pas de réactions croisées toutefois avec des allergies aux produits de contraste iodés ou avec un antécédent d’anaphylaxie aux fruits de mer).
  • En pratique : s’utilise pure (diluée au 1/10e pour l’irrigation des plaies). Contre-indiquée principalement avant un an et en cas d’hyperthyroïdie.

Chlorhexidine (classe des biguanides). Ex : solution aqueuse ou alcoolique à une concentration d’au moins 0,5 % (Chlorhexidine Cooper 0,5 %, Diaseptyl 0,5 %, Septimyl 0,5 %…), ou 0,2 % en association au chlorure de benzalkonium et à l’alcool benzylique (Biseptine et génériques, BiseptineSpraid).

  • Avantage : nombreuses présentations « conseil ».
  • Inconvénients : irritante pour les muqueuses, des réactions allergiques sont possibles (eczéma, urticaires de contact…), dont certaines graves (difficultés respiratoires, choc anaphylactique…). Celles-ci pourraient être liées à un risque de sensibilisation de la population du fait de sa présence dans de nombreux produits (bains de bouche, sprays buccaux, dentifrice…)2.
  • En pratique : la solution alcoolique est réservée à la peau saine, les solutions aqueuses et la Biseptine aux peaux lésées et aux plaies. Incompatible avec les agents anioniques (type pansements alginate). Contre-indiquée sur les muqueuses (hormis la solution moussante à rincer).

Alcool à 60 ° ou 70 °. Son action bactéricide est supérieure à celle de l’alcool à 90 ° (meilleure pénétration de la paroi bactérienne).

  • Avantages : son large spectre, son action instantanée et son évaporation rapide en font un antiseptique de choix pour la préparation de la peau avant une injection ou un prélèvement. Convient également pour la désinfection du petit matériel (ciseaux, pince à épiler…).
  • En association : renforce le spectre d’activité des autres molécules.
  • En pratique : l’alcool à 70 ° modifié est une association d’éthanol à 70 °, de camphre et de tartrazine (colorant), ces deux derniers composants visant à éviter un détournement d’usage de l’alcool. L’alcool à 70 ° est contre-indiqué avant 30 mois et sur les muqueuses (l’alcool à 60 ° lui est alors préféré).

Autres antiseptiques

Leur spectre d’action ou leur action bactéricide ou virucide est réduit par rapport aux précédents1. Ex : hexamidine dans la gamme Hexomédine, eau oxygénée ou peroxyde d’hydrogène à 10 volumes, ammonium quaternaire type chlorure de benzalkonium (associé à la chlorhexidine dans la gamme Mercryl). Sont également inclus des antiseptiques majeurs, mais avec une concentration plus faible en molécule active (chlorhexidine aqueuse à 0,2 % ou 0,05 % dans Dosiseptine, par exemple).

Ils peuvent convenir aux plaies superficielles « bénignes ».

Cas particuliers. L’hexamidine en association à une forte concentration d’alcool (Hexomédine Transcutanée) a un intérêt en dermatologie où elle est utilisée en bains ou pansements humides en cas de panaris débutants, poils incarnés…

L’eau oxygénée à 3 % (10 volumes) a des propriétés hémostatiques et également détergentes (effet moussant) favorisant l’élimination des débris en cas de plaie souillée.

4. Je choisis

Selon le contexte

Pour la peau saine ou la désinfection du matériel : alcool.

Pour la peau lésée : si besoin, après avoir vérifié au préalable l’absence de réactions de sensibilité, la chlorhexidine en solution aqueuse (quelle que soit la concentration pour une plaie mineure ; à 0,5 % ou la gamme Biseptine, si un antiseptique « majeur » est préférable) ou le Dakin.

Pour arrêter les saignements ou en cas de plaie souillée : eau oxygénée, si besoin. À rincer avant d’appliquer un antiseptique.

Pour les muqueuses : dérivé chloré (sur la zone urogénitale, par exemple, après recommandation médicale).

La galénique

Usage familial : flacon, plus économique.

Praticité d’emploi : spray (utilisation possible sans compresse).

À emporter : unidoses, compresses ou lingettes imprégnées d’antiseptiques, ou sprays/flacons petits formats. Attention au transport du Dakin, qui supporte mal les températures élevées.

5. J’explique

Les matières organiques (sang, peau lésée…) et les souillures diminuent l’action des antiseptiques. Le premier réflexe est donc le nettoyage à l’eau et au savon, qui peut être suffisant. Un antiseptique s’applique si besoin une fois (des applications répétées retardent la cicatrisation), en prévention du risque infectieux, avant de protéger la plaie avec un pansement. Ne jamais les associer entre eux (risque de perte d’efficacité voire de formation de dérivés toxiques).

Surveiller régulièrement l’évolution de la plaie et consulter en cas de signes de surinfection (douleur, tuméfaction, pus…).

6. Je conseille

L’application

Après la toilette, bien rincer le savon, susceptible également d’inactiver l’antiseptique. Pulvériser le spray antiseptique ou faire couler l’unidose directement sur la plaie (sauf si à proximité du visage). En cas d’usage d’une compresse imprégnée de l’antiseptique, la passer une seule fois sur la lésion. Rincer la chlorhexidine avant application éventuelle d’un pansement à base d’alginate (type Coalgan).

La conservation

Les antiseptiques peuvent être sensibles à l’air, à la lumière, à la chaleur. Après chaque usage, le flacon doit être soigneusement refermé. Les unidoses doivent être jetées après utilisation. Un flacon d’Hexomédine Transcutanée se conserve 5 jours s’il est utilisé en bains (partie à traiter plongée dans le flacon à large goulot), 15 jours si le produit est appliqué via une compresse. L’eau oxygénée ne se conserve que 2 semaines après ouverture, d’où l’intérêt des unidoses (Dosoxygénée 10 volumes).

1. « Le bon usage des antiseptiques pour la prévention du risque infectieux chez l’adulte », CCLIN Sud-Ouest, édition 2013.

2. « Chlorhexidine : attention au risque de réaction allergique immédiate grave », ANSM, décembre 2023.

Le contexte

  • Toute effraction cutanée, plus ou moins profonde, constitue une porte d’entrée potentielle des micro-organismes. Outre l’arrêt des saignements éventuels, les gestes et soins recommandés visent à éviter les complications infectieuses puis à favoriser une bonne cicatrisation.
  • Les antiseptiques ont vocation à éliminer les micro-organismes et à inactiver les virus, présents au moment de l’application sur des tissus vivants (peau saine, lésée, muqueuses) : c’est une opération au résultat momentané.
  • Un désinfectant est destiné à des milieux inertes. Il peut être nocif vis-à-vis de la peau et des muqueuses.