Les labos s’expliquent

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Publié le 3 juillet 2004
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Alors que l’on parle d’une baisse des couvertures vaccinales, les ruptures de stock des vaccins DT Polio et Prevenar perturbent les officines. Pour quelles raisons et pour combien de temps encore ? Pour le savoir, nous avons interrogé les fabricants, Wyeth et Aventis Pasteur MSD.

L’approvisionnement du Prevenar connaît depuis quelques mois des fluctuations importantes conduisant à des ruptures de stocks passagères. De l’aveu du fabricant, ce problème dépasse de loin nos frontières. « Nous connaissons une période temporaire d’approvisionnement tendue au niveau mondial », admet Pascale Mauran, directeur de la division Vaccins Wyeth. Et de reconnaître qu’actuellement le laboratoire ne peut fournir que la moitié des doses prescrites.

A l’origine de cette pénurie, un problème de maintenance et plus exactement un arrêt (fin 2003) des chaînes de remplissage, nécessaire à l’entretien du système de production. Les demandes, elles, ne cessent de croître depuis l’obtention du remboursement (fin 2002) et la campagne de communication effectuée par la Société française de pédiatrie.

Prevenar serait-il victime de son succès ? « Tout est arrivé en même temps : le remboursement en France et la commercialisation du vaccin dans d’autres pays », confie Pascale Mauran. Il ne suffit pourtant pas d’augmenter les cadences pour pouvoir répondre spontanément au surplus de besoin, car le cycle de production du vaccin dure un an. Bonne nouvelle cependant : toutes les chaînes de production (aux Etats-Unis) sont à ce jour remises en route et, d’après Pascale Mauran, la restriction des stocks devrait cesser à la rentrée. En attendant, l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments a mis en place des mesures temporaires d’utilisation du Prevenar. « Ce n’est pas un changement de schéma vaccinal mais un décalage de la troisième dose jusqu’au retour à la normalité d’approvisionnement, l’objectif étant de continuer à vacciner le plus grand nombre de nourrissons avant 7 mois avec deux doses effectuées à 2 et 4 mois », souligne Pascale Mauran. Il faudra donc attribuer les vaccins disponibles prioritairement aux bébés de moins de 7 mois, période où le risque d’infection est maximal.

Le DT Polio se fait attendre.

Si la pénurie de Prevenar se révèle temporaire, le retour du DT Polio n’est toujours pas annoncé. Le vaccin, comme vous avez pu le constater, est en rupture totale de stock depuis l’automne dernier. Et pour cause, la valence diphtérie ne passe plus les tests d’efficacité. « Les exigences en matière de réglementation ont évolué et supposent une amélioration des procédés de fabrication car la diphtérie ne répond plus aux contrôles d’activité. La particularité du DT Polio tient à son absence d’adjuvants qui ont justement été développés pour renforcer l’immunogénicité des vaccins », détaille le Dr Benoît Soubeyrand, directeur médical France chez Aventis Pasteur MSD. Principalement utilisé pour les rappels chez les enfants de 6 ans, le DTP fait partie des exceptions françaises. Ainsi, il est uniquement produit et distribué dans l’Hexagone. « Dans les autres pays d’Europe, au Canada et aux Etats-Unis il est remplacé par le Revaxis », informe Benoît Soubeyrand. L’Afssaps vient donc d’accorder une AMM conditionnelle au Revaxis (vaccin adjuvé à dose réduite d’anatoxine diphtérique) pour l’enfant de plus de 6 ans. Il bénéficie d’un remboursement dans ce cas depuis le 18 juin. Cependant, Aventis Pasteur MSD s’est engagé auprès des autorités à remettre le DT Polio sur le marché. « Mais ce n’est pas envisageable avant début 2005 », annonce Benoît Soubeyrand.

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L’Afssaps a par ailleurs demandé au laboratoire de prouver l’équivalence en termes d’efficacité du DT Polio et du Revaxis. Car les études jusque-là effectuées pour Revaxis prouvent son immunogénicité chez l’enfant mais ne le comparent pas au DT Polio.

La santé publique menacée.

Reste que tous ces bouleversements dans le calendrier des vaccinations ne sont pas toujours bien interprétés par les patients. « J’ai été obligée de demander le vaccin Prevenar dans trois pharmacies avant de pouvoir obtenir la seconde dose pour mon bébé. Personne n’était capable de me renseigner sur les délais de livraison. Cette situation me semble désinvolte par rapport à des vaccins réputés sérieux. On finit par se demander s’ils sont vraiment nécessaires », confie Anne R., maman d’une petite fille de 5 mois. Autant dire que la baisse de la couverture vaccinale représente une réelle menace.

« La santé publique ne supporte pas les alternatives actuellement constatées dans le calendrier vaccinal », s’inquiète le Pr Pierre Bégué, président du groupe de travail « Vaccinations » à l’Académie de médecine. Selon l’Académie, les ruptures de stock arrivent dans un contexte vaccinal déjà compliqué. En effet, les recommandations prévoient onze vaccins avant l’âge de 2 ans. Le vaccin hexavalent (diphtérie, Hæmophilus, tétanos, polio, hépatite B), qui permettrait de diminuer le nombre d’injections, n’est toujours pas remboursé en France alors que de nombreux pays frontaliers l’ont adopté. A l’inverse, la France est l’un des seuls pays de l’Union européenne à avoir maintenu la vaccination BCG systématique. A quand une harmonisation européenne ?

Les nouvelles recommandations en matière de vaccination

Le nouveau calendrier vaccinal, paru dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, conseille :

– La vaccination contre la coqueluche au personnel médical en contact avec des nourrissons de moins de 6 mois et à tous les adultes susceptibles de devenir parents et non vaccinés au cours des dix dernières années. Les pères et les enfants non immunisés doivent se faire vacciner pendant la grossesse de la mère qui, elle, est vaccinée le plus tôt possible après l’accouchement. Dans l’attente d’un vaccin monovalent contre la coqueluche, le vaccin Repevax associant la coqueluche acellulaire aux valences du Revaxis est utilisé – ou plutôt sera car sa mise à disposition par Aventis Pasteur MSD n’est pas prévue avant septembre.

– La vaccination contre la varicelle aux personnes en contact avec les immunodéprimés et en postexposition pour les adultes.

– L’extension de la vaccination contre l’hépatite A aux porteurs d’une maladie chronique du foie avec décompensation.

– La vaccination contre la grippe pour les professionnels du voyages.