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Immunité collective : aux grands remèdes, les grands moyens
La chute du rythme des primovaccinations contre le Covid-19, conjuguée à la menace que fait peser le variant Delta, inquiète les pouvoirs publics. Le scénario de l’obligation vaccinale étant pour le moment écarté, quelle stratégie déployer pour obtenir, dans ce contexte incertain, le fameux taux d’immunité collective ? A ce stade, trois pistes semblent privilégiées : aller vers, inciter et convaincre.
Si l’on veut atteindre à la fin de l’été l’objectif fixé par l’Institut Pasteur de 90 % de la population adulte vaccinée ou 80 % de la population totale, il va falloir aller chercher ceux qui n’ont pas encore franchi le pas, d’après Françoise Salvadori, maître de conférences en immunologie à l’université de Bourgogne. « S’il me semble illusoire d’appliquer cette stratégie aux antivax purs et durs, il y a dans les campagnes et les quartiers défavorisés des populations très éloignées sur le plan social ou géographique du système de santé, rappelle cette docteure en pharmacie qui a rédigé, avec l’historien Laurent-Henri Vignaud, le livre Antivax – La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours. Nous pourrions chercher à les atteindre avec des camionnettes de vaccination qui se rendraient près de leur domicile. Le jeu en vaut la chandelle quand on sait que 30 % des personnes âgées ne sont toujours pas vaccinées. » Toujours dans cette optique du « aller vers », Françoise Salvadori se prononce aussi pour le déploiement de centres de vaccination sur les lieux de vacances et l’autorisation de la vaccination avec Comirnaty (Pfizer/BioNTech) dans les pharmacies et chez les médecins généralistes.
Pass ou passe pas
L’autre piste privilégiée par les experts, c’est l’incitation. Une mesure semble sur ce point faire l’unanimité : le pass vaccinal. Pour Odile Launay, professeure en maladies infectieuses à l’université de Paris et directrice d’un centre d’investigation clinique en vaccinologie à l’hôpital Cochin (Paris), il faudrait même aller plus loin que le dispositif mis en place par le gouvernement. « Nous pourrions nous inspirer du principe de la vaccination obligatoire pour les enfants pour accéder à la scolarisation et aux crèches. Un pass qui empêcherait les personnes non vaccinées d’aller au cinéma, au restaurant ou de voyager pour ne pas mettre en danger la santé des autres et ne pas continuer à transmettre le virus me semble une bonne manière d’inciter sans contraindre », estime l’infectiologue. De son côté, Yves Buisson, épidémiologiste et président du groupe Covid-19 de l’Académie nationale de médecine, suggère de dupliquer ce modèle pour les étudiants et les adolescents. « A la prochaine rentrée universitaire en octobre, un certificat de vaccination pourrait être exigible pour pouvoir s’inscrire à l’université. Idem pour les lycéens et les collégiens, puisque l’utilisation du vaccin Comirnaty est désormais validée par la Haute Autorité de santé dès l’âge de 12 ans. » Toujours pour flécher vers la vaccination, l’Académie nationale de médecine recommande de « suspendre le remboursement des tests RT-PCR et des tests antigéniques pratiqués pour convenances personnelles : obtention d’un pass sanitaire, voyages internationaux, participation à des événements collectifs chez les personnes non vaccinées… », la gratuité devant être limitée, d’après l’académie, aux actes prescrits pour la détection du Sars-CoV-2 à des fins diagnostiques et épidémiologiques.
Pour attirer les derniers vaccinosceptiques, Odile Launay estime qu’il faudra évaluer toutes les possibilités. « Nous pourrions aussi imaginer des incitations financières pour les plus réfractaires, ou pour les médecins afin de les encourager à vacciner un maximum de patients comme le font les Anglais pour la vaccination antigrippale », suggère l’infectiologue. Pour Françoise Salvadori, de telles incitations financières sont discutables sur le plan éthique, et pourraient même se révéler contreproductives. « Les antivax et la sphère complotiste pourraient y voir le prix du risque vaccinal », craint l’immunologue.
Car pour faire tomber toutes les résistances, il faudra aussi convaincre et trouver la parade aux arguments avancés par les antivax. L’atteinte à la liberté individuelle ? Pour François Chast, président du comité qualité et sécurité des soins à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris), cet argument éthique conduit à confondre la cause et l’effet. « Ce n’est pas le vaccin qui nous prive de notre liberté, rappelle-t-il. Le fauteur de troubles dans cette histoire, c’est le virus qui nous oblige à porter un masque, à instaurer un confinement, à respecter un couvre-feu, et donc à restreindre le champ de nos activités sociales. Le vaccin est, au contraire, le moyen de nous redonner de la liberté. »
Des théories faibles
L’argument du manque de recul ne tient pas non plus pour Françoise Salvadori. « S’il pouvait être audible en janvier, plus personne ne peut aujourd’hui l’invoquer, estime l’immunologue. Plus de 2 milliards de personnes ont été vaccinées à ce jour, avec un nombre d’effets secondaires graves extrêmement faible. » Françoise Salvadori balaie aussi cette théorie qui voudrait que l’ARN puisse modifier notre ADN. « Celui-ci est protégé dans le noyau des cellules, un sanctuaire bien gardé par une enveloppe très sélective, rappelle-t-elle. Cette forteresse ne laisse entrer que certaines molécules, et jamais l’ARN qui n’est donc à aucun moment en contact avec notre information génétique. » Quant à l’argument qui voudrait que l’aluminium intégré comme adjuvant dans certains vaccins soit dangereux, il ne s’appuie sur aucune base scientifique solide. « L’aluminium est utilisé depuis plus d’un siècle. Nous n’avons à ce jour pas encore trouvé d’adjuvant meilleur et plus sûr, et aucun signal de pharmacovigilance n’a mis en évidence un quelconque lien de cause à effet avec des pathologies », assure Françoise Salvadori.
Sur les réseaux sociaux se propage en ce moment une autre rumeur : les vaccins contre le Covid-19 rendraient stérile. « Cette croyance est très ancienne, puisqu’elle remonte aux campagnes de vaccination massives qui étaient imposées au XIXe siècle par les colonisateurs aux populations indigènes, explique Françoise Salvadori. Ces derniers ont parfois pensé qu’à travers ces vaccins on voulait les stériliser pour mieux les asservir. » Cet argument a ensuite repris de la vigueur dans les années 1990 à la suite d’un malentendu. « Tout part d’une mauvaise lecture d’un article paru dans PNAS* concernant un projet de vaccin contraceptif finalement jamais testé, raconte Françoise Salvadori. Celui-ci contenait de la gonadotrophine chorionique humaine (HCG) complémentée avec l’antitoxine tétanique, habituellement utilisée dans les vaccins contre le tétanos. Les antivax ont retourné l’histoire en affirmant qu’il s’agissait d’un vaccin antitétanique qui allait rendre stérile. Ce détournement a été repris avec les vaccins anti-Covid-19. »
Une petite musique revient enfin de plus en plus souvent pour justifier le refus de la vaccination. « Comme les personnes les plus fragiles sont maintenant protégées, cela ne sert plus à rien de se faire vacciner… » Pour Yves Buisson, cet argument est irrecevable, et même dangereux. « Les gens doivent comprendre que la vaccination constitue le seul moyen d’éradiquer cette pandémie et de retrouver une vie normale. Il va donc falloir vacciner tout le monde. Sans cela, le virus continuera de circuler dans certaines populations. On risque alors de voir émerger de nouveaux variants susceptibles d’échapper à l’immunité vaccinale et naturelle. Et de se retrouver à l’automne confinés avec un couvre-feu et des commerces fermés… Est-ce vraiment cela que l’on veut ? »
* Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.
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