Vainqueur en deux sets gagnants

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Publié le 4 mars 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Disputer une compétition sportive alors que l’on se trouve en arrêt maladie ? Oui, à partir du moment où cette activité n’altère pas la santé. Explications.

LES FAITS

M. M. est opérateur de contrôle dans la société R. Il a été arrêté 118 jours à compter du 6 août 2015 à la suite d’une agression, 36 jours à compter du 18 janvier 2017 pour blessures au cou et au poignet, 29 jours à compter du 29 septembre 2017 pour bousculade ayant entraîné une blessure au bras droit. Au cours de ses arrêts de travail, la société R a la preuve que M. M. a participé à 14 compétitions de badminton. Estimant que cette activité était un manquement à son obligation de loyauté, la société R révoque M. M. Le salarié conteste le bien-fondé de cette décision. Selon lui, il avait tout à fait le droit de participer à des compétitions sportives pendant ses arrêts maladie.

LE DÉBAT

L’article 1222-1 du Code du travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Etre de bonne foi impose au salarié d’être loyal envers son employeur et les autres salariés de l’entreprise. La jurisprudence considère qu’il doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise. Les magistrats rappellent régulièrement qu’un manquement serait de nature à justifier un licenciement pour faute. Cette obligation s’applique durant toute la durée du contrat, pendant les arrêts de travail et tous types de congés. Le salarié ne peut donc pas se livrer à des actes de dénigrement, causer un préjudice ou faire de la concurrence à son employeur tant que le contrat n’est pas rompu.

En l’espèce, la société R. estimait que les rencontres sportives disputées par M. M., dont le contrat était suspendu pour maladie, constituaient une violation de l’obligation de bonne foi. Elle ajoute qu’elles lui avaient causé un préjudice, car la société assurait le maintien du salaire et devait organiser le remplacement du salarié. En réponse, M. M. arguait que cette activité n’avait en rien altéré son état de santé. Le 9 juin 2021, la cour d’appel de Paris a jugé infondés les arguments de la société R. Elle estime que le salarié n’a pas violé son obligation de loyauté en participant à des tournois de badminton pendant ses arrêts maladie. La révocation de M. M. est donc sans cause réelle et sérieuse. La société R. forme un pourvoi en cassation. Elle considère que les compétitions réalisées par le salarié sont « manifestement incompatibles avec l’incapacité de travail à l’origine de son arrêt de travail et susceptibles d’aggraver son état de santé ou laissent présumer qu’il a en réalité recouvré la santé ».

LA DÉCISION

Le 1er février 2023, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle confirme que la révocation de M. M. est sans cause réelle et sérieuse. Pour les hauts magistrats, l’exercice « d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ». Si l’employeur entend justifier le fait que les compétitions de badminton avaient un effet sur les arrêts maladie du salarié, il doit apporter la preuve d’une aggravation ou d’une non-amélioration de l’état de santé, ce qui en l’espèce n’est pas le cas. D’autre part, les magistrats affirment que le simple fait que, pendant un arrêt maladie, l’employeur maintienne le salaire n’est pas de nature à justifier un préjudice suffisant au regard de l’obligation de loyauté. Cette décision conforme à la jurisprudence en vigueur autorise donc le salarié en arrêt maladie à participer à des compétitions sportives à condition qu’elles n’altèrent pas sa santé.

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Source : Cass. soc., 3 février 2023, n° 21-20.526.

À RETENIR

L’exercice d’une activité sportive pendant un arrêt de travail ne cause pas nécessairement un préjudice à l’employeur.

Le préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire versé par l’employeur.

L’incompatibilité avec l’incapacité de travail ne peut se prouver qu’en apportant la preuve que l’activité sportive est susceptible d’aggraver l’état de santé du salarié.