Restriction des exonérations

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Publié le 10 mai 2008
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La Cour de cassation limite la portée du régime de faveur en matière de droits d’enregistrement dont peut bénéficier l’exploitant individuel qui apporte son fonds à une société.

De plus en plus de pharmaciens apportent leur officine à une société. L’affaire suivante, concernant un entrepreneur individuel ayant fait apport à une société de son fonds (une SSII) devrait les intéresser. Cet apport comprenait un actif immobilisé de 1,679 MÛ et un actif circulant de 3,5 MÛ. L’apport a été rémunéré par la prise en charge d’un passif estimé à 2,206 MÛ, l’inscription au compte courant de l’apporteur dans les comptes de la société bénéficiaire de la somme de 1,480 MÛ et l’attribution à ce dernier de 100 000 actions de 15,24 Û.

L’administration dit non

Les parties contractantes ont opté pour le régime de faveur prévu par l’article 809, I bis du CGI (1) qui exonère l’apporteur dans certaines conditions du paiement d’un droit d’enregistrement de 5 %, ou le taxe à un simple droit fixe. En l’espèce, c’est un droit fixe qui a été acquitté. Seulement voilà, l’administration a remis en cause ce régime de faveur. Un premier arrêt de la Cour de cassation, de novembre 2005, a souligné que pour pouvoir bénéficier du régime de faveur, l’apport du fonds à la société doit l’être à titre pur et simple (2) à hauteur de sa valeur nette et à titre onéreux (3) à hauteur de la seule prise en charge du passif.

La Cour d’appel de Paris a été saisie sur renvoi de l’arrêt de la Cour de cassation, celle-ci n’ayant pas défini la méthode de calcul de l’actif net. A la question « le compte courant créditeur de l’exploitant dans l’entreprise individuelle est-il un élément du passif de l’entreprise individuelle à déduire de l’actif brut apporté ? », la Cour d’appel de Paris, en juillet 2007, a répondu par la négative, considérant que le montant de ce compte courant dépend non seulement du capital initial et complémentaire investi par l’exploitant individuel mais aussi des prélèvements personnels effectués à son profit.

La SSII déboutée

Selon elle, ce compte courant n’est donc pas de même nature que le passif visé par l’article 809 et ne peut pas être déduit de l’actif brut pour calculer l’actif net.

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L’actif net apporté retenu par la Cour d’appel est donc de 3,004 MÛ (5,211 MÛ – 2,206 MÛ), et non de 1,524 MÛ comme le réclamait la société. Cette somme est rémunérée par attribution d’actions et par inscription d’un montant de 1,480 MÛ en compte courant. La Cour d’appel en déduit que l’actif net n’est pas apporté à titre pur et simple et que le régime de faveur ne peut être appliqué. La Cour de cassation, en février 2008, a mis définitivement fin au suspense. Elle précise que la société, en supportant des éléments de passif autres que ceux dont ont été grevés les éléments d’actifs immobilisés, ne peut bénéficier du régime de faveur. Elle valide également la position de la Cour d’appel selon laquelle, pour être pris en compte dans le calcul de l’actif net, le passif pris en charge doit résulter uniquement de l’exploitation directe de l’activité de l’entreprise, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il procède pour partie de prélèvements personnels de l’exploitant.

(1) Le taux du droit exigible sur l’apport à titre onéreux résultant de la prise en charge par la société du passif incombe à l’apporteur qui peut être réduit en cas d’apport en société d’une entreprise individuelle par une personne physique. L’apport réalisé est soumis à un droit fixe (à l’occasion d’une augmentation de capital de la société) ou est exonéré de droit (à la constitution de la société), si l’apporteur s’engage à conserver les titres reçus pendant trois ans.

(2) Apports rémunérés uniquement par l’attribution de parts sociales.

(3) Apport rémunéré par la remise d’une somme d’argent versée par la société à l’apporteur.