Le prix n’est pas la valeur

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Publié le 2 février 2008
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Pour pouvoir vendre une officine, il faut d’abord en déterminer sa valeur. Or, bien souvent, dans l’esprit de celui qui vend, valeur et prix, c’est du pareil au même. Recadrage.

La confusion entre prix et valeur serait grave s’il n’y avait pas une part très importante d’irrationnel dans l’achat d’une officine et dans la façon de la valoriser. Encore aujourd’hui, l’engouement est tel pour certaines pharmacies, régions, villes ou secteurs qu’il est impossible de définir sur des bases rationnelles une valeur de marché. Si l’on s’intéressait un peu plus à la valeur qu’au prix, on s’apercevrait alors de l’énorme paradoxe entre ces deux notions. En effet, se fondant sur des critères de rentabilité, la valeur des officines tend logiquement à baisser d’année en année, alors que 2007 marque à nouveau une hausse des prix sur les officines les plus recherchées.

« Si le prix mesure l’échange effectif entre acheteur et vendeur et, en ce sens, incorpore de nombreux paramètres dont certains ne sont pas tous rationnels et donc mesurables, la valeur représente une approche plus théorique qui quantifie le revenu futur au regard du risque de l’investissement, rappelle Philippe Taboulet, expert-comptable (cabinet Audit Révision Conseil). En d’autres termes, elle représente encore ce qu’un investisseur prudent et avisé accepterait de décaisser pour acquérir la pharmacie, notamment en incorporant le risque d’une volatilité future des résultats de son investissement. »

La réalité est tout autre. Le vendeur, par essence, est à cet égard peu sensible à cette notion du « futur », ce qui explique des transactions parfois difficiles à conclure. Mais l’acheteur, par excès, peut se laisser emporter par le succès d’une affaire sans mesurer les contraintes de son paiement futur.

Tous les opérateurs du marché sont unanimes : les officines se vendent trop cher. Elles dégagent en moyenne un EBE de 10 ou 11 % et s’achètent jusqu’à plus de 8 fois ce chiffre. Alors que les indicateurs économiques se dégradent, la sécurité de l’investissement n’est plus en mesure de justifier de tels prix.

Trois méthodes d’évaluation

Il existe différentes méthodes pour déterminer la valeur d’un fonds. En voici trois.

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La méthode dite du « multiple du chiffre d’affaires » (en pourcentage du CA TTC)

Malgré ses nombreuses limites, cette méthode est la référence en pharmacie, et, pour des raisons de facilité d’usage, le marché n’est pas prêt à y renoncer. « D’un point de vue conceptuel, elle abolit la distinction valeur-prix, commente Philippe Taboulet. En effet, les multiples de chiffre d’affaires étant fondés par la réalité des transactions, on construit la valeur par le prix. » Cette « dictature du marché » est à l’origine de phénomènes spéculatifs.

La méthode des approches par la rentabilité (EBE)

L’appréciation de la valeur du fonds par la rentabilité consiste à affecter à l’EBE « retraité » (après suppression ou réintégration des charges spécifiques à la gestion du ou des titulaires) un coefficient multiplicateur. Un consensus s’est établi pour considérer comme raisonnable un prix de cession compris entre 5 et 6 fois l’EBE. Cette fourchette n’est plus respectée aujourd’hui.

La méthode de la valeur de rendement

Ce n’est pas la méthode la plus simple à adapter à la pharmacie, ni la plus connue. On mesure ici le rendement du capital investi. « Dès lors que l’on peut estimer le rendement souhaité de son investissement, il devient aisé de retrouver la valeur du capital, donc de la pharmacie », explique Philippe Taboulet. Exemple : bénéfice = 100, rendement souhaité : 15 %, la pharmacie vaut donc : 100/15 = 6,67 ou 6,7 fois son résultat annuel.

Cette méthode mesure la capacité d’une entreprise à dégager une rentabilité ou des revenus futurs (dividendes, cession…). Elle se livre donc à des prévisions globales d’exploitation. Toute la difficulté est de savoir quel taux retenir et comment le construire. « Les financiers parlent de taux d’actualisation, précise Philippe Taboulet. En réalité, celui-ci est la somme du placement d’un capital qui serait disponible à un taux sans risque avec la prise en compte d’une prime de risque. Le premier taux est connu, il s’agit des obligations du Trésor public, ce taux est actuellement proche de 4,5 %. »

La prime de risque, quant à elle, est donnée par des modèles élaborés spécifiquement pour les entreprises sans actifs financiers à évaluer. Dans une profession réglementée et liée à la santé comme la pharmacie, le taux de risque attaché à l’officine est faible.