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La Covid a-t-elle un impact dans la valorisation des officines ?
La Covid a bouleversé l’économie mondiale en réduisant très fortement les flux de marchandises, financiers et humains à la suite des divers confinements et restrictions de circulation pris par les différents pays. La France a ainsi décidé de confiner sa population entre le 17 mars et le 11 mai 2020. Seules les activités « primordiales » – alimentation, santé – ont maintenu ouverts leurs points de vente au public. Ainsi, les officines sont restées ouvertes pendant cette période de confinement. Après six mois de pandémie, la Covid a-t-elle un impact sur la valorisation des officines ?
La méthodologie de valorisation des officines dépend essentiellement des deux critères suivants : le chiffre d’affaires et l’EBE (excédent brut d’exploitation) retraité.
Mais cette période de crise sanitaire modifie-t-elle les critères habituels ? Remet-elle en cause les méthodologies de valorisation ? Comment doit-on valoriser aujourd’hui une officine ? Ce sont quelques exemples des questions que les acquéreurs et vendeurs doivent se poser. Et auxquelles Jean-Rodolphe Marc, expert-comptable du cabinet Norméco, apportent des éléments de réponse.
Pour ce faire, il va dans un premier temps étudier les éventuels impacts sur la cession d’un fonds d’officine et, dans un second temps, sur les cessions de parts* de société.
La valorisation du fonds d’officine
Jean-Rodolphe Marc constate que la Covid n’a pas eu d’impact sur la majeure partie des cessions de fonds d’officine intervenues depuis le confinement jusqu’à fin septembre 2020.
« Compte tenu des délais de dépôt des dossiers imposés par l’Ordre des pharmaciens et des recherches de financement, les valorisations de ces cessions se sont basées sur les comptes annuels de 2018, de 2019, voire au mieux du début de l’année 2020 pour des opérations prévues fin d’année 2020 », remarque-t-il avant d’étudier un exemple.
Le cas : une cession de fonds au 30 juin 2020, concerne une officine qui clôture ses comptes annuels au 31 décembre de chaque année. « La valorisation s’est donc basée sur les comptes annuels du 31 décembre 2018, puisque les comptes annuels du 31 décembre 2019 seront réalisés entre février et avril 2020, délai que ne permettrait pas d’effectuer les diverses étapes d’une cession (valorisation, mise en vente, recherche acquéreur, négociation, recherche de financement, dépôt des dossiers à l’Ordre, rédaction des actes…) », commente-t-il.
Selon l’expert-comptable, il faut avoir à l’esprit que la cession d’une officine est un long processus. « Cela doit nous interroger pour les cessions futures, car cette période de pandémie aura un impact sur la rentabilité des officines, à la baisse comme à la hausse, explique-t-il. Mais devons-nous en tenir compte dans nos valorisations ? Un élément “ponctuel” doit-il influencer la valeur d’une officine dont le financement est généralement sur une période de douze ans ? Les réponses ne coulent pas de source.
Pour cela, nous devons regarder mois par mois, l’évolution des chiffres dans le but de déterminer si la pandémie a un impact ponctuel ou à moyen ou long terme sur la rentabilité de l’officine, poursuit-il. Normalement, le principal critère de valorisation retenu est l’EBE retraité, car celui-ci mesure la rentabilité d’une officine. Mais en cette période troublée, ce critère devra être nuancé. En effet, un mauvais bilan en 2020 n’impactera pas forcément la valorisation à la baisse. A l’inverse, un excellent bilan 2020 ne permettra pas systématiquement d’appliquer une survaleur du fonds de commerce. Il faudra donc mettre en perspective la relation commerciale de l’entreprise avec sa rentabilité. »
Le chiffre d’affaires et la fréquentation sont des critères faibles et rapidement disponibles pour mesurer la relation commerciale. Aujourd’hui, la gestion commerciale des pharmacies le permet. Partant de ce constat, il prend trois situations différentes. La première situation n’est peut-être pas la plus fréquemment rencontrée par les pharmacies : on constate une hausse du chiffre d’affaires pendant la période de confinement et, ensuite, en dégradation continue par rapport à l’année précédente. Cette baisse n’est pas ponctuelle, elle a donc des effets dans le temps.
« Même si la rentabilité de 2019 était bonne et que les comptes de 2020 ne sont pas encore disponibles, il faudra impacter les coefficients de valorisation à la baisse dans ce cas, puisqu’il faudra du temps pour retrouver la rentabilité d’avant la pandémie », indique Jean-Rodolphe Marc.
La valorisation des parts de société
Comme l’a démontré l’expert-comptable de Norméco, l’impact sur la valorisation du fonds d’officine sera fonction de l’effet récurrent ou ponctuel de la rentabilité. En revanche, la Covid aura un impact immédiat pour la plupart des valorisations des titres de société, à la hausse comme à la baisse.
Pour rappel, dans la majeure partie des cessions d’une société de pharmacie, le fonds de commerce est fixé lors du compromis, ce qui permet de fixer un prix provisoire des titres de la société. Le prix définitif sera donc déterminé en fonction de la situation comptable arrêtée au jour de la cession.
La variation du prix dépendra donc de la rentabilité intervenue pendant cette période intercalaire.
Ainsi, tous les éléments impactant le résultat de l’entreprise auront pour conséquence une variation du prix de cession des titres de l’officine. Mais les différentes mesures gouvernementales comme l’aide aux TPE, PGE (prêt garanti par l’Etat), suspension de loyers, report de charges, chômage partiel…influencent-elles cette valorisation ?
Pour répondre à cette nouvelle question, Jean-Rodolphe Marc s’appuie sur l’exemple d’une SEL dont le fonds d’officine est évalué à 2 000 000 € au 31 décembre 2019. La société sera donc évaluée à 1 810 000 €* selon le bilan ce dessous en date du 31 décembre 2020, sachant que le poste « Réserve » comprend le résultat de l’exercice 2020 de 180 000 €.
Imaginons maintenant la même officine qui a souscrit un PGE de 300 000 €, qui demande de suspendre son loyer pour 10 000 € et de reporter ses charges sociales pour 20 000 €. En contrepartie, cette pharmacie augmente son stock de 25 000 € et la différence vient alimenter sa trésorerie. En fonction de ces éléments, son bilan sera le suivant :
La valorisation de l’officine est de
– Fonds de commerce : 2 000 000 €
– Stock : + 225 K€
– Clients : + 50 K€
– Autres créances : + 20 K€
– Trésorerie : + 460 K€
– Emprunt – 622 K€
– C/C Associé – 68 K€
– Dettes fournisseurs – 185 K€
– Dettes fiscales et sociales – 70 K€
Total valeur : 1 810 K€
« La valorisation des titres est identique, puisque l’augmentation des actifs est d’un montant équivalent à celle du passif, explique Jean-Rodolphe Marc. Donc dans ce cas, l’augmentation des dettes par le biais d’un PGE ou d’un report d’échéances fournisseurs, sociales ou fiscales n’influence pas la valorisation de l’entreprise. Pour les années futures, seul le coût du PGE net d’impôt sur les sociétés (intérêts et frais de garantie) viendra impacter très légèrement à la baisse la valorisation. »
L’autre mesure phare que le gouvernement a mis en place concerne la prise en charge à 100 % de l’activité partielle. Dans la pratique, cette mesure a été mise en place essentiellement dans les officines des centres commerciaux, de gare ou ayant une activité « touristique » importante. Cette mesure a permis au titulaire d’adapter sa masse salariale en fonction de la fréquentation de l’officine, ce qui peut permettre de compenser la perte de marge sur le chiffre d’affaires réalisé. Le cabinet Norméco tient compte de ces mesures de soutien dans l’exemple suivant, où, grâce à celles-ci, une officine a pu économiser en masse salariale 100 000 €. Cette officine ayant un taux de marge de 32 %, ces aides lui ont permis de compenser une perte moyenne de chiffre d’affaires HT de 312 500 €. « Si cette officine a perdu plus en chiffre d’affaires, la différence de perte de marge viendra réduire la valeur des titres, à l’inverse, si la perte de chiffre d’affaires est plus faible, la Covid a eu un effet positif sur la valeur des titres », explique-t-il.
* Actions pour les formes SAS ou SA
* 2 2 000 000 + 200 000 + 50 000 + 20 000 + 155 000 – 322 000 – 68 000 – 175 000 – 50 000.
Pour les deux situations suivantes (cf. graphiques ci-dessous), on constate une évolution significative du chiffre d’affaires à la hausse comme à la baisse, mais ponctuelle. « On pourra donc écarter dans ces deux exemples les impacts dans la détermination de la valeur du fonds d’officine, explique l’expert-comptable. Même si l’EBE a été impacté de manière significative, la non-récurrence permet de ne pas impacter la valorisation du fonds d’officine. Ce type de démonstration rassurera les partenaires financiers avant leur accord de financement. »
La conclusion de Jean-Rodolphe Marc
« Les professionnels devront adapter la méthodologie de valorisation afin de mettre en perspective l’EBE retraité avec un critère mesurant la relation d’affaires. La Covid aura un impact dans la valorisation future de l’officine cible si la perte de rentabilité est constatée dans le temps, puisque leur capacité d’autofinancement sera réduite de manière récurrente. A l’inverse, les impacts, même très importants mais très ponctuels, n’auront pas ou peu de conséquence pour la valorisation du fonds. »
La conclusion de Jean-Rodolphe Marc
« La Covid aura un impact sur la valorisation des fonds d’officine en fonction de l’effet ponctuel ou récurrent de la perte de rentabilité. Les professionnels devront être attentifs sur l’évolution des critères permettant de mesurer les relations commerciales de leurs clients, donc cela concerne les valorisations actuelles et futures des officines. A contrario, la Covid a un effet immédiat sur la valorisation des titres, à la baisse comme à la hausse, puisque les flux économiques de cette période impactent immédiatement le résultat de la société, donc ses fonds propres. »
JEAN-LUC GUÉRIN, PHARMACIEN-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PHARMATHÈQUE :« Il faut regarder l’évolution du trafic en officine par type d’implantation »
« Pendant et après le confinement, les pharmacies ont été plus ou moins impactées par la crise sanitaire liée au Covid-19. La baisse de trafic a différé selon le type d’officine et la localisation. Les pharmacies de centre commercial et de passage sont celles qui ont le plus essuyé de retombées du Covid-19. A ce jour, certaines d’entre elles n’ont pas encore retrouvé la fréquentation et le chiffre d’affaires qui étaient les leurs avant la crise. Dans ce contexte inédit de crise, l’évolution mensuelle de ces deux indicateurs-clés de l’officine est un élément important à prendre en compte dans la valorisation du fonds de commerce.
Deux cas de figure peuvent se présenter :
• Si l’activité a repris normalement, et que le chiffre d’affaires mensuel a repris à l’identique, l’épisode Covid sera mis entre parenthèses et le chiffre d’affaires (à la baisse) des deux mois de confinement sera remplacé par celui de la même période de l’année précédente pour calculer le CA annuel servant d’assiette au calcul du prix de de vente (en % du CA HT).
• A l’inverse, si l’activité n’a pas repris son cours normal (cas des pharmacies citées plus haut), en outre souvent axées sur la parapharmacie dont on peut craindre une certaine désaffection en cas de crise économique, l’appréciation en sera différente par l’acheteur et la valorisation sera une source de tension avec les vendeurs.
L’objet de la négociation sera de concilier leurs intérêts respectifs et points de vue divergents sur la valeur de l’officine. Tout dépendra de l’effort du vendeur à baisser son prix d’une part, de l’intérêt que porte l’acquéreur à son affaire et de sa vision de l’avenir d’autre part. Le prix accepté par les deux parties devra également être approuvé par la banque, qui devra donner sa confiance et son accord au business plan qui en découle.
Concernant maintenant la valorisation de titres de société exploitant une officine, il se peut que celle-ci ait bénéficié de mesures de soutien des entreprises proposées par l’Etat et ait contracté, par exemple, un prêt garanti par l’Etat (PGE).
Au bilan, le PGE sera inscrit au passif et un montant identique se retrouvera en contrepartie dans la trésorerie inscrite à l’actif. De deux choses l’une. Si la trésorerie provenant du PGE est consommée par la société, la valeur des parts (actif – passif) diminuera. Si, en revanche, le montant de ce prêt est placé sur un compte bloqué et n’est pas consommé, la valeur des parts ne sera pas affectée.
Si le PGE a été consommé en tout ou partie avant l’entrée d’un nouvel associé, la société aura intérêt à restructurer le passif existant en y intégrant cette dette à court terme sur la même durée que le prêt d’acquisition des parts, afin que le plan de rentabilité de l’acquéreur ne soit pas affecté. »
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