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Les prix vont baisser
Le marché des transactions d’officines est à l’image de celui de l’immobilier. Morose. Entre les deux, les points communs sont nombreux. Le nombre de cessions de fonds a chuté de l’ordre de 12 à 15 % sur 2008 et l’on peut s’attendre à une baisse des prix de l’ordre de 5 à 10 % en moyenne à court ou moyen terme.
Mêmes bulles spéculatives à la fin des années 80, puis correction des prix à la baisse jusqu’en 1999 avant un nouveau cycle de hausse ininterrompue (ou presque pour l’officine) jusqu’en 2007, malgré une conjoncture maussade… Les marchés immobilier et officinal ont de nombreux points communs. « Au début des années 90 ces deux marchés ont connu des évolutions très parallèles, essentiellement liées à la perte de confiance des banques dans un contexte de faible croissance lié au plan Juppé, souligne Philippe Becker, expert-comptable (Fiducial Expertise). Le scénario actuel est donc assez proche et les conséquences risquent d’être les mêmes. » « Dans l’immobilier, il y a pléthore de biens de valeur moyenne qui ne se vendent pas. Par contre, les beaux biens ne trouvent plus aussi rapidement preneurs mais se vendent toujours à bon prix du fait de leur rareté, renchérit Patrice Lamblin, de la Banque populaire du Nord. Il en va de même entre petites et grandes pharmacies. »
Sur le marché de l’immobilier les vendeurs refusent obstinément, lorsqu’ils ne sont pas pressés, de rabattre leurs prétentions. Même scénario en pharmacie : « Les vendeurs n’ont pas encore répercuté dans leur comportement le grippage du marché, constate Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. La crise peut tirer le marché à la baisse, mais on ne peut pas dire quand car on ne parvient pas à mesurer l’inertie de vendeurs. »
« A ce jour, la dégradation des marges et de la rentabilité des officines associée à des prix excédant le bon sens économique aboutit à un blocage conjoncturel du marché, en attendant que les prix baissent », analyse Michel Watrelos, expert-comptable (Conseils et Auditeurs Associés). « Avec un EBE qui approche les 10 %, on ne pourra plus indéfiniment payer un fonds d’officine 100 % du CA TTC », alerte aussi Dominique Leroy, expert-comptable (Norméco), qui s’attend, avec un temps de décalage, à une évolution dans le droit fil de l’immobilier.
Acquéreurs craintifs, banques méfiantes
« On peut s’attendre à un ralentissement des transactions et, par conséquent, à une baisse en moyenne des prix de l’ordre de 5 à 10 %. La fluidité reviendra lorsque les jeunes diplômés pourront à nouveau s’installer dans des conditions décentes. La baisse des prix à des niveaux raisonnables est un passage obligé », assure Philippe Becker. « Pour l’heure, on ne sent toujours pas les prémices d’une baisse généralisée », nuance Patrick Lamblin. Reste qu’en pharmacie comme en immobilier, le volume des transactions baisse. Selon Interfimo, le nombre de cessions de fonds a chuté de l’ordre de 12 à 15 % depuis le début de l’année. Cette tendance est aussi entretenue par le phénomène associatif. « Il y a logiquement de plus en plus de cessions de parts », observe Luc Fialletout.
Depuis l’automne, les durées des cessions s’allongent. « Les acquéreurs ont peur et les banques ne suivent plus, indique Serge Gilodi, directeur de Plus Pharmacie Conseils. Un certain nombre de ventes sont cassées parce que les dossiers présentés ne vont plus jusqu’au bout. Il faut parfois faire dix prévisionnels pour que le dossier soit bien bordé. » Qui plus est, la visibilité économique de l’officine est réduite. Or, c’est ce que recherchent en priorité les banques. « Nous analysons de manière encore plus exhaustive le bien racheté et sommes de plus en plus attentifs à sa qualité et à son potentiel de développement, livre Patrice Lamblin. Si nous refusons un crédit, c’est davantage parce que le devenir de l’officine est difficile à appréhender à moyen terme, et a fortiori à long terme, que pour une raison tenant à la faiblesse de l’apport personnel ou au plan de financement. »
Logique de marché ou logique de santé ?
La moyenne d’âge des officinaux étant relativement élevée, l’ouverture à 100 % du capital des officines et l’arrivée de gros investisseurs seraient synonymes à court terme de renchérissement des prix de certains fonds et de plus-values potentielles en cas de revente. Ne nous leurrons pas, nombre de pharmaciens proches de la retraite se réjouiraient d’une telle déréglementation qui leur offrirait des possibilités de « bonne » revente. Que des groupes financiers offrent des ponts d’or pour racheter des belles affaires, cela fait partie des lois du business. Mais que deviendront les autres pharmacies ? Ne risque-t-on pas de voir le « gratin » du marché se resserrer autour de quelques groupes puissants et la fracture sur les prix des officines s’aggraver ?…
« C’est un scénario très crédible, pense Philippe Becker, car le bon emplacement va être la cible – et, aux bons emplacements, on trouve toujours des grosses officines. Ne nous y trompons pas, certains pharmaciens ont déjà anticipé la demande et ont acheté souvent très cher des fonds ou des sociétés qu’ils pensent revendre dans la perspective d’une déréglementation. Cela explique d’ailleurs pour une bonne part la surcotation actuelle du prix des grosses pharmacies. Tout cela a le mérite de poser la vraie question : logique de marché ou logique de santé ? »
Luc Fialletout n’est, lui, pas convaincu du caractère inéluctable et rapide de l’ouverture du capital : « En outre, la crise financière risque de refroidir les ardeurs en la matière, il sera plus difficile pour des opérateurs financiers de lever des fonds au travers des techniques de « leveradge buy-out ». » Un avis partagé par Dominique Leroy : « Ce n’est plus l’euphorie, les investisseurs vont regarder à deux fois la rentabilité des filières qu’ils veulent acheter, ils se montreront plus sélectifs. Les préoccupations sont plutôt à la préservation de la rentabilité et à la remontée des cours des actions. »
Et Philippe Becker de conclure : « Il est possible que les fonds financiers qui lorgnent sur les officines françaises refassent leur calcul de retour sur investissement. En tout cas, ils ne seront certainement plus d’accord pour surpayer le ticket d’entrée. Malgré cela, la santé est un marché qui sera en très forte expansion dans les prochaines décennies, il restera donc convoité. »
Patrice Lamblin, Banque populaire du Nord
Si nous refusons un crédit, c’est davantage parce que le devenir de l’officine est difficile que parce que l’apport personnel est faible.
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