Un eldorado pour les pharmaciens ?

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Publié le 12 octobre 2002
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Le début de ce millénaire a confirmé l’explosion des biotechnologies. Les dernières avancées du secteur, en matière de génomique, modèlent le nouveau visage de l’industrie du médicament. L’occasion pour les jeunes diplômés en pharmacie de prendre le train en marche.

Dans ce nouvel univers, les pharmaciens ont toute leur place. Outre des fonctions classiques (affaires réglementaires, marketing, vente, qualité, production, pharmacovigilance…), un pharmacien peut, en fonction de sa formation complémentaire (thèse ou MBA) ou de son expérience, évoluer dans cet univers à des postes de responsable scientifique, d’« éthicien », de business development ou de management… Selon Anne Kervern, responsable des biotechnologies au sein du cabinet de recrutement Pact & Partners, les pharmaciens représentaient, pour les douze derniers mois, près de 30 % des recrutements.

Des salaires plus élevés. Du fait de la concurrence entre elles et avec les secteurs pharmaceutique et universitaire, les entreprises de biotechnologies sont constamment confrontées à des difficultés de recrutement pour trouver des jeunes talents (ingénieurs, médecins, pharmaciens, biologistes ou chercheurs). Si le recours aux stock-options a été initialement une solution pour permettre à de jeunes entreprises d’attirer les compétences tout en contenant l’évolution de la masse salariale, les salaires sont aujourd’hui plus élevés après une première expérience dans les biotechnologies. Pour Anne Kervern, c’est une façon d’attirer des collaborateurs performants au sein de structures souvent plus instables, mais ce n’est pas ce qui détermine l’intérêt pour les biotechnologies.

Sur le fond, du fait de la jeunesse et du dynamisme du secteur, les équipes sont plus petites et fortement internationales, et les structures moins hiérarchisées que dans le reste de l’industrie du médicament. Les petites structures, plus réactives, sont souvent plus pertinentes pour développer de nouvelles idées. Les plus jeunes mais aussi les personnes lasses de grands groupes – « trop politiques, très centralisés où il faut se créer un réseau » – sont souvent attirés par l’esprit « start-up » qui règne dans cet univers. Un environnement qui permet aux cadres d’avoir une meilleure vision globale, plus de responsabilités et de faire preuve de créativité. Les personnes sont confrontées rapidement aux résultats de leurs actions, ce qui permet aux plus motivées d’avoir l’impression de participer à la création et au développement d’un nouveau secteur.

Effet start-up garanti. Une analyse partagée par Olivier Smeja, pharmacien et bientôt titulaire d’un mastère marketing qu’il termine à HEC en alternance avec un poste de chef de produit « nouveaux médicaments orphelins » chez Genzyme France. Cette activité lui permet de concilier les démarches marketing tout en ayant profondément le sentiment de jouer pleinement son rôle d’acteur de santé : « C’est une grande chance pour moi d’avoir commencé dans un laboratoire aussi dynamique, qui se développe rapidement grâce à la richesse de son pipeline. Cette structure à échelle humaine permet de réagir vite et de percevoir directement l’influence de chacun. Je pense qu’après avoir goûté à une biotech, on n’a plus envie de retourner dans une « big pharma ». »

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L’orientation vers les biotechnologies est-elle incompatible avec une carrière dans l’industrie pharmaceutique traditionnelle ? Certainement pas. Pour Anne Kervern, une start-up en biotechnologies « permet à un salarié de se faire repérer plus facilement que dans les groupes tentaculaires. C’est aussi une façon d’évoluer plus rapidement, pour rester dans les biotechnologies ou pour rejoindre ultérieurement l’industrie pharmaceutique ». Il est vrai que si quelques sociétés de biotechnologies pourront commercialiser des produits en restant indépendantes, la plupart « nourriront » les grands groupes pharmaceutiques.

Des aides pour créer. Si des pharmaciens intègrent les rangs des sociétés de biotechnologies, d’autres franchissent un seuil en créant leur propre structure. Ainsi Camille Wermuth, professeur de chimie organique à la faculté de Strasbourg, a été l’un des fondateurs de Prestwick Chemical, une entreprise « fondée par des pharmaciens, employant des pharmaciens et travaillant pour la pharmacie », qui propose des chimiothèques destinées au criblage sur des cibles biologiques nouvelles. Le passage à l’acte, favorisé par la dernière loi sur l’innovation, est aujourd’hui facilité par une multitude de structures d’accompagnement.

Alors, les biotechs, un eldorado pour des jeunes diplômés ou des quinquas en quête d’une seconde jeunesse ? La situation doit être nuancée. En effet, du fait des mouvements de concentration dans le secteur pharmaceutique et de la perte d’attractivité du secteur des NTI (nouvelles techniques d’information et de communication), on trouve déjà sur le marché du travail un pool de personnes expérimentées parfaitement en adéquation avec les besoins des sociétés de biotechnologies. De plus, l’évolution des pionniers des biotechs vers des groupes « biopharmaceutiques » entraîne un recours accru aux spécialistes du marketing, et ce aux dépens des profils scientifiques. A vous de prouver le contraire.

Un potentiel de développement important

– Les biotechs ont la cote. Selon une étude commanditée par la Biotechnology Industry Organisation (association américaine des entreprises de biotechnologies) en mai 2000, (« The Economic Contributions of the Biotechnology Industry to the US Economy »), les biotechnologies représentaient aux Etats-Unis, en 1999, près de 437 400 emplois (dont 150 800 emplois directs) dont la majorité est le fait de sociétés cotées en Bourse.

12 à 18 000 postes. Avec seulement 4 500 emplois directs en 2000 dans le secteur des biotechnologies, le potentiel de création d’emplois en France reste donc important. Dans leur rapport « Entreprises : dépénaliser l’innovation », préparé à la demande des associations Objectif 2010 et France Biotech, les économistes Pierre Kopp et Rémy Prud’homme estiment que le nombre de postes devrait être compris, en fonction de l’environnement réglementaire et fiscal du secteur dans notre pays, entre 12 000 et 18 000 en 2010.