Pr Jean Calop Enseignant en pharmacie clinique

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Publié le 19 décembre 2009
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Evolution et évaluation des pratiques, réforme de l’enseignement, obligation de formation, comblement du fossé avec l’Université, anticipation de la fin du monopole… Le Pr Jean Calop, hospitalo-universitaire spécialiste de la pharmacie clinique, appelle la profession à changer en profondeur. Et cela passe par la reconquête du comptoir.

Pourquoi, en tant qu’enseignant en pharmacie, vous êtes-vous toujours autant intéressé à l’officine ?

Tout simplement parce que c’est l’image qu’a la population du pharmacien. Il est naturel que les étudiants qui véhiculent l’image de marque d’une profession soient le mieux formés possible.

On peut pourtant penser que certains enseignants sont peu tentés par le métier…

Tout divorce entre les métiers et la formation doit être perçu à terme comme une catastrophe. Pour l’éviter, il faut faire en sorte que les enseignants s’intéressent aux métiers pour lesquels ils forment, qu’ils comprennent les problématiques et l’évolution des métiers quels que soient ces derniers : biologistes, industriels, hospitaliers ou officinaux. La pertinence des formations et les choix pédagogiques en dépendent.

Est-ce lié au fait que de plus en plus d’enseignants ne sont pas pharmaciens ?

Effectivement, plus de la moitié des maîtres de conférences sont des scientifiques. La raison est simple : la carrière universitaire n’attire pas les diplômés en pharmacie en raison des salaires proposés dans les autres débouchés. En outre, le recrutement se fait plus sur la recherche que sur l’enseignement. Résultat, beaucoup de candidats non pharmaciens ont été recrutés selon les règles universitaires pour enseigner les sciences fondamentales comme la physique, la physiologie, la chimie voire la pharmacotechnie et la pharmacologie. Il appartient donc aux enseignants pharmaciens qui restent en relation avec les métiers et qui interviennent dans les dernières années plus professionnalisantes de définir un cahier des charges de la formation au niveau des départements d’enseignement ou des commissions de pédagogie. C’est la seule façon pour que la formation dispensée par nos collègues scientifiques puisse rester pertinente pour les métiers. Tout reste à faire de ce côté-là.

Est-ce suffisant ?

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Une des voies pour rester pertinent dans les formations de la santé est de suivre le modèle des odontologistes et des médecins : admettre les pharmaciens encore plus tôt dans les hôpitaux pour qu’ils soient formés ensemble, au contact des patients, car ils vont travailler toute leur vie professionnelle et de façon complémentaire ensemble. Nous avons raté l’occasion en 1958 d’intégrer les CHU en même temps que les médecins ; il aura fallu 50 ans pour l’obtenir ! Il n’est pas trop tard pour espérer mais il est urgent, vu la pyramide des âges, d’obtenir des ministères une politique de recrutement des enseignants hospitalo-universitaires plus ambitieuse au niveau des plus jeunes, en tant qu’assistants hospitalo-universitaires.

La création d’une première année commune médecine-pharmacie-sage-femme-odontologie doit vous ravir ?

Toute réforme mettant en place des enseignements communs est bonne car elle permet aux futurs professionnels de mieux se connaître et s’apprécier. Le gros problème, c’est l’organisation. Aucun amphi n’est capable d’accueillir autant d’étudiants à la fois. A Grenoble, une expérience d’enseignement à l’aide de DVD et un accompagnement par tutorat ont été mis en place. Il faudra certainement attendre deux ou trois ans pour voir si cette nouvelle forme d’enseignement est convaincante. Quoi qu’il en soit, à l’heure d’Internet et du développement des méthodes audiovisuelles, le système pur et dur des cours magistraux est de plus en plus mal perçu par nos étudiants qui veulent être des acteurs de leur formation. Nous devons nous appuyer à l’avenir sur des méthodes plus modernes pour enseigner.

Comment le cursus peut-il être mieux adapté aux enjeux qui attendent les pharmaciens de demain ?

Les rapports humains sont au coeur des métiers de la santé et il faut introduire des sciences sociales dans nos formations. Nous devons aussi coller aux pratiques professionnelles et revoir l’importance de certaines disciplines fondamentales en les reventilant en partie en fonction du choix des étudiants en fin de cursus. La formation au coeur des métiers reste fondamentale…

Il y a déjà des stages pour cela…

Certes, il faut les conserver et peut-être les intégrer encore plus tôt aux enseignements, comme les stages d’application qui doivent être une illustration des enseignements coordonnés. Il y a encore un encadrement à améliorer dans le stage de 5e AHU. Le modèle médical doit encore nous inspirer avec par exemple, le matin, des formations auprès des patients, et l’après-midi des enseignements à la faculté. Cela suppose des choix, des redistributions, une autre organisation, mais dès que l’on touche à une discipline, c’est la levée de boucliers et tout l’édifice qu’il faut revoir. Mais il faudra en passer par-là si l’on veut conserver une pertinence dans nos enseignements professionnalisants. Le fait de se former au contact des soignants, en ciblant sur la connaissance des patients, reste pertinent pour exercer tous les métiers de pharmaciens, que ce soit dans l’industrie, dans la biologie ou dans l’officine.

En faculté de médecine notamment, beaucoup d’enseignements sont assurés par des praticiens issus du terrain. Pourquoi est-ce si peu le cas en pharmacie ?

Nous avons effectivement besoin à nos côtés d’enseignants associés issus de l’officine, de l’industrie, de l’hôpital ou de la biologie. Chaque faculté a des choix à opérer pour que les choses changent, face à une raréfaction des enseignants pharmaciens. Les recrutements doivent revaloriser l’expérience professionnelle, la formation, les talents pédagogiques par rapport aux seuls critères du nombre et du niveau des publications scientifiques. Sur l’enseignement, la construction des programmes pédagogiques doit s’appuyer sur les référentiels métiers publiés par la Commission nationale pédagogique présidée par le Pr Belon, de Dijon.

Aujourd’hui, l’avancement d’un enseignant ne repose que sur ses travaux de recherche et non sur ses qualités pédagogiques. N’est-ce pas un problème ?

Vous avez raison. Il y a un déséquilibre et l’enseignement doit être revalorisé, tout en continuant de maintenir la recherche à un bon niveau international. La recherche peut être orientée aussi sur les pratiques professionnelles ; elle reste essentielle pour donner du relief à des pratiques de routine et pour faire évoluer les métiers. A ce propos, si chaque faculté avait une équipe de recherche qui s’intéressait à l’évolution des pratiques professionnelles, nous pourrions mieux aider les officinaux à progresser. La profession aurait à la fois des orientations et bâtirait des argumentaires solides pour démontrer aux pouvoirs publics la valeur ajoutée du réseau et de l’exercice. La société doit pouvoir mesurer le « service pharmaceutique rendu ». Chaque officine est un observatoire de santé, l’Université a un rôle à jouer avec les stagiaires de 6e année pour aider la profession à s’organiser, pour que les pratiques soient observées dans plusieurs endroits. Il appartient aux organisations professionnelles d’être des donneurs d’ordre et de participer au financement de certaines recherches… C’est le prix à payer pour avancer.

A quand des bonnes pratiques de délivrance à l’officine ?

Nous sommes dans l’ère de la qualité et le fait que la profession réfléchisse sur des bonnes pratiques est une bonne chose. Ces bonnes pratiques existent pour la pharmacie hospitalière (BPPH) et peuvent servir de modèle. En lien, il y a le problème de la formation continue. La société ne pourra pas supporter plus longtemps, compte tenu des évolutions techniques et thérapeutiques, qu’un médecin, qu’un pharmacien, qu’un dentiste ne se forme pas tout au long de sa vie professionnelle… Un professionnel de santé se doit d’être réactif et par conséquent la formation continue doit vraiment être obligatoire. Les instances professionnelles tardent trop à la mettre en place et les autorités de tutelle seraient en droit de se poser des questions sur la réelle volonté des pharmaciens de s’inscrire dans une véritable démarche de formation continue. Les universitaires doivent, pour des raisons invoquées précédemment, être beaucoup plus présents et associés car ils apporteront une certaine indépendance sur la pertinence des formations, leur construction pédagogique et les méthodes d’enseignement. Si l’industrie pharmaceutique doit contribuer à la formation, elle ne doit pas être prépondérante.

Quid de l’évaluation des pratiques ?

L’évaluation des pratiques professionnelles, ou EPP, démarre très doucement dans les hôpitaux, mais elle démarre. C’est tout simple : l’EPP consiste à monter un projet dont le but est de faire progresser une pratique. Pour cela, on fait une « photo » de départ puis on met en oeuvre les éléments qui vont permettre cette progression. La finalité, c’est de démontrer qu’on se place dans un mouvement permanent sans pour autant devoir progresser dans tous les domaines à la fois. Tout cela peut aussi se programmer au sein de l’entreprise officinale.

Vous pensez à des exemples pour les officinaux ?

Prenons les interactions médicamenteuses. Pourquoi ne pas mettre systématiquement en place une procédure en présence d’une ordonnance de plus de trois médicaments ? L’équipe s’engagerait alors à gérer le degré de gravité des éventuelles interactions, ainsi que les précautions d’emploi qui peuvent en découler. Selon la gravité, soit elle intervient auprès du prescripteur, soit elle gère au niveau du patient en donnant les conseils adéquats. C’est un apprentissage qui doit être accompagné si nécessaire d’un projet de formation. On pourrait multiplier les exemples : le dossier pharmaceutique constitue une réelle avancée dans chaque officine et pourrait faire l’objet d’un projet d’EPP, l’adaptation posologique, l’organisation des préparations magistrales, la mise en place de l’opinion pharmaceutique…

A propos de conseil pharmaceutique, que vous inspire la dernière enquête de « Que Choisir », à charge contre les officinaux ?

Les associations de consommateurs jouent un rôle d’audit externe. C’est inévitable dans une société comme la nôtre et cela contribue également à l’évaluation des pratiques professionnelles. Cela ne sert à rien de réfuter en bloc ce type d’enquêtes, sauf bien sûr s’il y a un biais méthodologique ou que l’étude est financée par des gens qui anticipent la conclusion avant d’avoir posé les questions ! C’est de moins en moins le cas car les associations de consommateurs jouent leur crédibilité et leur réputation. Il faut plutôt s’en inspirer au niveau de la formation initiale et continue mais aussi au niveau des pratiques. Les syndicats et l’Ordre doivent en tenir compte… et je crois savoir qu’ils s’en préoccupent.

Vous êtes un spécialiste des banques de données. Y a-t-il un risque que la machine prenne un jour le pas sur le pharmacien ?

L’accès à la connaissance est considérablement facilité par Internet et va modifier les pratiques, permettant une meilleure réactivité. Mais il existe aussi des effets pervers : il me semble qu’il existe déjà au Canada des robots distributeurs de médicaments adossés à des pharmacies, avec simplement en ligne un pharmacien qui va « vérifier » l’ordonnance en accédant aux banques de données… Dès l’instant où cela existe quelque part, la « mondialisation de la pensée unique » peut débarquer chez nous sous le prétexte de diminuer le coût du circuit du médicament. Dans ce contexte, la relation patient-pharmacien est extrêmement importante et il faut se préserver de délivrer des médicaments sans lever le nez de l’ordinateur et sans identifier le patient qui est de l’autre côté du comptoir.

Vous êtes un de ceux qui a le plus oeuvré pour introduire la pharmacie clinique en France. Est-ce que, 25 ans plus tard, cela a changé les pratiques officinales ?

A l’hôpital on balbutie, mais cela avance. C’est un sujet sur lequel il faudrait revenir et qui me préoccupe. A l’officine on commence à parler de rendez-vous pharmaceutiques, d’opinion pharmaceutique, de dossier pharmaceutique, de dossier patient, d’éducation thérapeutique, de rémunération sur des services rendus comme l’adaptation posologique pour les AVK… Le DP se met en place et représente une formidable avancée à partir de laquelle il va falloir construire la suite. Ce sont des concepts qui sont issus de la pharmacie clinique et le modèle québécois doit être une source d’inspiration. Il faut presque une génération pour vraiment faire évoluer les choses. Le nerf de la guerre reste l’argent. Est-ce que l’on doit continuer à rémunérer le pharmacien à la longueur de l’ordonnance plutôt que sur des interventions pertinentes visant à mieux protéger le patient dans sa conduite du traitement ? Dans l’état actuel des choses, le pharmacien n’a aucun intérêt économique, en dehors de sa conscience professionnelle, à diminuer la consommation de médicaments et à jouer un rôle dans la prévention de l’iatrogénie. Les « payeurs » le savent et mènent depuis des années une politique de baisse des marges pour tout ce qui est remboursable, conduisant la profession à terme à trouver d’autres solutions… plus efficientes.

Vous leur conseillez donc d’évoluer vers des honoraires ?

L’universitaire et praticien hospitalier que je suis se préserve de tout jugement car ce n’est pas facile de changer toute une organisation professionnelle. Tout système qui encouragera la profession à jouer un vrai rôle social, efficient sur la consommation médicamenteuse, est une voie à privilégier. L’Assurance maladie refusera de payer s’il n’y a pas une évaluation du « service pharmaceutique rendu ». Pour l’instant cette évaluation s’est faite avec le pouvoir de substitution des génériques, donc avec un objectif essentiellement économique – qui a été atteint. La rémunération actuelle est à notre sens condamnée à être rognée chaque année. Ce sont les payeurs qui actuellement imposent l’évolution des pratiques (voir la convention signée avec les officinaux). Aujourd’hui, c’est l’Assurance maladie qui pilote les évolutions des pratiques sur le médicament (prescripteurs, dispensateurs, personnel soignant), mais elles sont encore trop orientées dans un objectif économique. Demain ce seront les complémentaires qui donneront le « la » sur les produits de santé au sens large : OTC, phytothérapie, nutrition, cosmétologie…

Pour vous, les assureurs, obligatoire et complémentaires, fixeront les règles du jeu ?

Dans Une brève histoire de l’avenir, paru en 2007, Jacques Attali indique que les assureurs seront demain les maîtres du monde… Je partage cette opinion car ils possèdent à la fois la puissance de l’argent mutualisé et la puissance publique pour tout ce qui est remboursable. Ils peuvent donc orienter comme ils le souhaitent les pratiques des professionnels de santé. Cela ne signifie pas forcément que les orientations sont bonnes, je pense notamment aux honoraires de la consultation médicale fixés à 22 euros (!) qui conduisent les médecins à raccourcir le temps de consultation pour maintenir un niveau de vie correcte. Cette consultation courte se fait aux dépens de la qualité de la consultation. Quand les assureurs privés auront un nombre de pharmaciens « agréés » suffisant, ils pèseront fortement sur eux dans les orientations. La profession doit anticiper en définissant des bonnes pratiques, mais cela implique une réflexion acceptée collectivement.

Selon vous, le monopole sur le médicament finira-t-il par tomber ?

Je ne pense pas que le monopole du médicament remboursable échappera aux pharmaciens, mais il faut qu’ils s’en montrent dignes dans tous les domaines. Les pharmaciens seront sollicités de plus en plus pour ce qui est remboursable – par l’Assurance maladie qui joue son rôle – et pour ce qui n’est pas remboursable, ils seront placés en concurrence avec les grandes surfaces qui rêvent de surfer – ce qui est d’un côté rassurant – sur l’image de marque des pharmaciens pour drainer la clientèle. Et pour répondre à votre question de savoir si les médicaments over the counter arriveront dans les grandes surfaces, je crains que cela ne soit qu’une question de temps. Mais attention, les grandes surfaces anticipent, exercent des pressions médiatiques et réfléchissent énormément sur ces problématiques de bonnes pratiques, d’accueil, de services de proximité, et respecteront la délivrance par des pharmaciens diplômés munis d’un badge et d’une blouse blanche ! L’universitaire que je suis reste un observateur. Nous pensons que les officinaux doivent profiter de ce temps d’attente, donné par l’Europe, pour prendre des initiatives avec la loi HPST et le rapport Rioli. Face à la progressive pénurie des médecins, il y aura aussi ce que l’on nomme des « glissements de tâches » des médecins vers les pharmaciens, comme des ajustements posologiques couplés à des surveillances biologiques. Les pharmaciens ont reçu toute la culture nécessaire pour être pertinents dans ces domaines. Il faut faire évoluer le « J’ordonne, tu exécutes » vers des collaborations et des complémentarités entre les deux professions. En tant qu’enseignant et praticien, cela pose le problème de l’adaptation et de l’évolution de la formation initiale et continue en pharmacie clinique.

La loi HPST et le rapport Rioli tombent donc à pic !

Voilà deux formidables opportunités. Pour la loi HPST, il faut faire vite avec la rédaction des décrets d’application. Pour le rapport Rioli, c’est, depuis 30 ans, le rapport qui me paraît le plus prometteur pour la profession. C’est un rapport intelligent avec des engagements signés par l’ensemble de ses représentants ; cela reste assez rare pour être souligné. Il donne de grandes orientations et liste des propositions claires pour lesquelles il faudra mettre en place des indicateurs qualitatifs, quantitatifs et de résultats. Il fait aussi écho aux souhaits actuels de la profession de modifier le système de rémunération. Mais il reste le plus gros du travail : adapter la réglementation et former les pharmaciens pour qu’ils soient capables de le mettre en oeuvre avec une véritable feuille de route. De plus, le rapport Rioli devrait faire l’objet d’une vraie réflexion dans chacune des facultés de pharmacie pour réorienter certains enseignements et pour que chaque enseignant puisse se sentir concerné en participant et en anticipant aussi l’évolution des pratiques professionnelles qui aura des répercussions dans tous les domaines (biologie, industrie, officine, hôpital). Enfin, des thèmes de recherche devraient permettre d’avancer dans certaines orientations. Notons néanmoins qu’aucun universitaire n’a participé à la réflexion du groupe.

Avec la loi HPST, les pharmaciens vont se spécialiser et donc se différencier… Est-ce un mal ?

Vouloir niveler est contre-nature. La « pensée unique » est contre-productive. Les pharmaciens ont déjà très peu de libertés et la profession a un encadrement réglementaire très lourd, alors il ne faut pas brider celles et ceux qui ont des idées et qui prennent des initiatives. Je répète que la formation reste un formidable enjeu, et les pharmaciens qui se spécialiseront recevront un agrément pour développer un service. Rien de choquant. Tout un ensemble de services, y compris dans les domaines du bien-être et de l’alimentation, constituerait des formidables marchés à explorer. Il ne faut pas pour autant vendre n’importe quoi. Le pharmacien devra choisir les produits et les services qu’il dispense de manière scientifique, autrement il perdra sa crédibilité auprès d’un public qui a accès à Internet et qui se révèle à juste raison de plus en plus exigeant.

Un ultime conseil ?

Mon avenir est derrière moi, ce qui me donne la sagesse de la réflexion et une certaine liberté d’expression. Nous n’avons pas parlé des relations entre l’hôpital et la ville et pourtant il y aurait beaucoup de choses à dire. Les discussions dans le cadre de la formation que nous avons avec nos collègues officinaux restent centrées sur la reconquête du comptoir, avec des compétences qu’ils ont souvent abandonnées pour gérer leur entreprise au plus près. Je constate souvent qu’ils n’ont plus confiance dans l’avenir de leur métier et cela se répercute sur les étudiants dans le choix des options. Ils ont de plus en plus de mal à libérer du temps pour se former, or leurs clients sont de mieux en mieux informés et les stratégies thérapeutiques médicamenteuses ne cessent d’évoluer et sont de plus en plus onéreuses. C’est sur ce point que les pouvoirs publics devraient construire avec eux et nous avons vu qu’il y avait des orientations intéressantes qu’il faut transformer. Je ne voudrais pas céder à la mode des mots pour répéter que dans le système économique actuel la profession n’échappera pas aux « regroupements » et aux associations pour des raisons économiques. Cela peut rester une solution pour libérer du temps pour de la formation et répondre à des exigences sociales orientées vers le sécuritaire et l’efficience. Il est donc plus qu’urgent que les facultés et les organisations professionnelles se retrouvent pour redéfinir des formations adaptées à des métiers pour un exercice qui reste indispensable socialement et qu’il convient d’exercer avec motivation et passion.

Bio express

Professeur des Universités, Jean Calop enseigne la pharmacie clinique à l’UFR de pharmacie de Grenoble. Ce pharmacien et praticien hospitalier est également responsable du pôle pharmacie au CHU de Grenoble. En 1991, il crée le Centre d’assurance de la qualité de l’acte pharmaceutique de Grenoble. Trois ans plus tard, il crée le premier DU de pharmacie clinique au plan national. Jean Calop a également fait partie, de 1998 à 2003, de la Commission nationale pédagogique des études de pharmacie (Education nationale). Et, de 1994 à 2003, il a occupé la fonction de vice-doyen de l’UFR de pharmacie, chargé de l’enseignement et de la pédagogie. Dans ce cadre, il a mis notamment en place et initié des enseignements coordonnés et des stages d’application, modèle d’organisation adopté ensuite dans le cadre de la réforme des études sur le plan national. Depuis 1998, Jean Calop fait partie de l’Académie nationale de pharmacie. En toute logique, il est également membre du bureau de la Société française de pharmacie clinique.

Un ambassadeur de la pharmacie clinique

Jean Calop est devenu docteur honoris causa de la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Ce titre est décerné à des personnes de renommée internationale ayant joué un rôle exceptionnel dans leur domaine, que ce soit sur le plan scientifique, culturel ou professionnel. Les universitaires québécois ont vu dans le Pr Calop un chef de file dans le développement de la pharmacie clinique en France. Auteur renommé au sein de sa discipline, il a notamment rédigé le premier ouvrage sur cette discipline naissante il y a 23 ans (La Pharmacie clinique : pourquoi ? comment ?) et est également coauteur de Pharmacie clinique et thérapeutique. Lors de la remise de son titre, le 9 octobre 2009, Jean Calop a tenu à être accompagné de sa fille, née… un 9 octobre. Aujourd’hui interne en médecine, Marie se destine à la pédiatrie.