Mauvaises nouvelles d’Alsace

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Publié le 21 février 2004
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Contrairement à la population touchée par un taux de chômage de 11,1 % en 2003, les pharmaciens bas-rhinois ne connaissent pas la crise. Enfin… pas la même. C’est plutôt la pénurie de demandeurs d’emploi qui inquiète.

Dans le Bas-Rhin, la forte densité de population (215 habitants au km2) reflète une situation très contrastée, Strasbourg rassemblant à elle seule 264 115 habitants, bien loin devant les autres villes. Sans oublier que les villes de Schiltigheim et Illkirch-Graffenstaden (où est installée la faculté de pharmacie) font partie de la communauté urbaine de Strasbourg. Le taux des demandeurs d’emploi en Alsace a longtemps été le plus bas de France, mais il a augmenté en 2002 quatre fois plus que la moyenne nationale (6,7 % contre 6,8 %). Et l’année 2003 aura été marquée par une forte progression du chômage : + 14,7 %, avec une hausse de 11,1 % dans le Bas-Rhin.

Hors Strasbourg, point de salut.

Qu’en est-il du côté de la pharmacie ? En fait, comme ailleurs en France, ce sont plutôt les officinaux qui cherchent à embaucher. Hors Strasbourg, des places attendent. « A Strasbourg, explique Alain Boetsch, responsable de la communication du syndicat des pharmaciens du Bas-Rhin, il n’y a pas de problème pour embaucher, mais dès que l’on s’éloigne, on rencontre des difficultés, que ce soit à Sélestat, à Erstein ou ailleurs. A Wasselonne, par exemple, la Pharmacie Samuel a cherché pendant deux ans ! On est même en dessous des quotas en ce qui concerne les assistants. »

En Alsace-Moselle, le quorum est de une officine pour 3 500 habitants avec au minimum un adjoint par pharmacie. Pour Alain Boetsch, le nombre d’étudiants formés à la faculté de pharmacie de Strasbourg est donc notoirement insuffisant : « Il faudrait des promos de cent vingt en moyenne alors que cette année ils ne sont que quatre-vingt-seize. »

Autre souci du département : « De plus en plus d’étudiants préfèrent se diriger vers l’industrie que vers l’officine, parfois pour quelques années seulement », note-t-il. Les salaires proposés par l’industrie suisse et allemande ne sont pas étrangers à ce choix mais, pour Alain Boetsch, c’est aussi en raison d’une dévalorisation de la profession et au fait que beaucoup d’enseignants ne sont pas des pharmaciens.

Nombre de pharmaciens du Bas-Rhin cherchent donc un assistant ou un préparateur, parfois durant de longs mois, et d’autant plus longtemps qu’ils sont plus éloignés de Strasbourg. « La filière la plus utilisée, estime Alain Boetsch, est le syndicat. Nous constatons que de plus en plus de titulaires cherchent à embaucher des CDI plutôt que de courir après des remplaçants. »

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Le 31 janvier, le syndicat recensait quatorze pharmaciens cherchant un préparateur, indique Philippe Gaertner, pharmacien installé à Boofzheim, membre du bureau du syndicat des pharmaciens, chargé de la formation. Pour leur recherche, les officinaux utilisent également l’ANPE, les grossistes, la presse quotidienne régionale, la presse professionnelle, etc.

A la CERP, pour la deuxième quinzaine de janvier 2004, il y avait une offre pour un pharmacien et trois pour des préparateurs ; trois demandes d’emploi de pharmaciens et trois de préparateurs. Entre le 31 décembre 2003 et le 26 janvier 2004, le site de l’ANPE proposait une offre de pharmacien en CDI dans un laboratoire d’analyses, un CDD de six mois en entreprise, deux offres de préparateurs, l’un à Strasbourg, l’autre en pharmacie hospitalière à Wissembourg.

Où sont les préparateurs ?

Muriel Fourmand, titulaire de la Pharmacie du Centre à Erstein, à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, a cherché pendant six mois un préparateur : « Je me suis adressée au syndicat, aux grossistes-répartiteurs, et même aux Dernières Nouvelles d’Alsace, raconte-t-elle. Mais je n’ai jamais eu de réponse. Un jour, quelqu’un s’est présenté spontanément. »

A Mutzig, près de Molsheim, Christian Pagès estime que pour les préparateurs « la situation s’est aggravée depuis que le CFA démarre au niveau du baccalauréat. Avant on avait des candidats pour faire le bouche-trou ». Son épouse Catherine, titulaire à Lutzelhouse dans la vallée de la Bruche, raconte : « J’ai cherché longtemps mais en vain. Jusqu’à récemment, j’avais un ou deux candidats qui passaient. Depuis qu’il faut le bac pour commencer son apprentissage, ce n’est plus le cas. » Finalement elle a trouvé grâce à l’ANPE, après quatre mois de recherche. Pour le couple Pagès, les explications sont multiples : études modifiées, 35 heures, numerus clausus, surenchère pour le paiement des préparateurs.

Les élèves sont moins nombreux.

D. Fischer, de l’Association des centres de cours professionnels pour les préparateurs en pharmacie, explique cet effet pervers et imprévu de l’amélioration du niveau de formation des préparateurs en zone rurale : « Les élèves en préparation aux examens de préparateurs en pharmacie pour le CFA de Strasbourg était deux cent trente-six en 2001/2002, deux cent douze en 2002/2003, et cette année ils sont deux cent dix. Le CAP permettait à des jeunes qui en fin de troisième ne souhaitaient pas pour diverses raisons continuer à aller en cours d’apprendre un vrai métier, et ils sont devenus d’excellents préparateurs. Cette promotion sociale a disparu. »

Et de souligner aussi les difficultés à trouver des stagiaires étudiants en pharmacie : « Pour le stage de deuxième année, pas de problème, généralement les gens vont dans leur localité d’origine. Mais pour le stage de sixième année, ils ont tous tendance à vouloir rester dans la ville universitaire (75 % selon les chiffres !).