Leçons de séduction pour recruteurs

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Publié le 24 juin 2023
Par Magali Clausener
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Les nouvelles missions peuvent constituer un atout pour attirer les pharmaciens. Mais, dans un contexte de pénurie de personnel, le titulaire devra avancer d’autres arguments pour convaincre les candidats.

 

Pour séduire les jeunes générations, tous les acteurs misent sur une valorisation de la profession grâce aux nouvelles missions et à leur développement. La réalisation de vaccinations, la conduite d’entretiens pharmaceutiques, les actions de dépistage peuvent-elles faire la différence pour recruter des candidats ? « Leadersanté met fortement l’accent sur les nouvelles missions des pharmaciens qui, nous le croyons, vont rendre la profession attractive auprès des étudiants en pharmacie et les inciter à choisir la filière officine. En revanche, cela n’a pas complètement d’effet sur le recrutement. C’est un argument, mais il ne suffit pas pour convaincre les pharmaciens candidats », répond Alix Emerand, experte recrutement santé au sein du groupement Leadersanté qui compte 850 pharmacies adhérentes.

Pro, perso, une histoire d’équilibre 

Dans un contexte de pénurie de personnel, qu’il s’agisse de pharmaciens adjoints ou de préparateurs, les officines doivent proposer plus que les services et les nouvelles missions pour attirer des collaborateurs. Et il ne s’agit pas seulement de l’argument « salaire ». Les jeunes générations de professionnels ont d’autres attentes. « Le Covid-19 a conduit chacun à s’interroger sur son rapport au travail, indique Stéphane Volleau, directeur de région au sein de la société d’intérim Appel Médical. Aujourd’hui, les jeunes adjoints cherchent un réel équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, avec des horaires et des astreintes plus souples. » « C’est sociétal, abonde Marie-Hélène Tessier, titulaire à Rouillé (Vienne) et présidente de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) Nouvelle-Aquitaine. On sent que les amplitudes horaires de la pharmacie et le travail le samedi sont des freins. La nouvelle génération souhaite privilégier sa vie privée et non la carrière. » Ce que confirme Romain Gallerand, porte-parole de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) : « Avant, les pharmaciens mettaient toute leur vie dans leur officine. Maintenant, les jeunes veulent des horaires plus aménageables, plus de temps libre le week-end. » 

La qualité de vie et certaines facilités constituent aussi des préoccupations. « La possibilité de se rendre sur son lieu de travail en transports en commun, ou de pouvoir garer son vélo ou sa trottinette dans l’officine, est ainsi devenue des éléments clés dans le choix d’un poste », souligne Stéphane Volleau. Pour les pharmacies rurales s’ajoute désormais une autre dimension : celle du logement. « Les difficultés de recrutement sont aussi importantes en zone rurale que dans les villes. Mais dans les zones rurales, un élément clé est le logement. Si le titulaire peut fournir un logement dans un premier temps, c’est un vrai plus pour attirer des candidats », relève Stéphane Volleau. Ce qui est aussi valable pour appâter les étudiants en pharmacie. « Aller travailler dans une pharmacie rurale est difficile d’un point de vue financier car il faut se déplacer et se loger. Un étudiant préférera opter pour une pharmacie de centre-ville si celle-ci réalise les mêmes missions », commente Romain Gallerand. 

Les officinaux ont donc tout intérêt à prendre en compte l’ensemble de ces éléments. « L’accompagnement de l’installation du pharmacien recruté est désormais important : lui fournir un logement pendant quelques mois afin qu’il ait le temps de chercher un appartement ou une maison, l’aider à trouver une école pour ses enfants, voire un travail pour son conjoint ou sa conjointe, proposer des horaires aménagés… sont autant de points que le candidat va prendre en compte », détaille Alix Emerand. Le salaire reste cependant déterminant. « Je ne crois pas que nous allons revenir à une situation où les pharmaciens proposaient un coefficient 450 aux adjoints », estime d’ailleurs l’experte en recrutement. « Ce qui fait rester, c’est le salaire », confirme Romain Gallerand.

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Professionnaliser la gestion des RH 

 « L’étendue et la diversité des missions sont également un point d’attention au moment du choix d’une officine. Le pharmacien adjoint va demander quelle mission le titulaire compte lui confier, comment il peut s’exprimer au sein de l’officine ou du groupement sur le développement de certains rayons ou de la pharmacie. Tous les candidats souhaitent donner du sens à leur travail et se sentir en adéquation avec leurs valeurs dans l’exercice de leur métier », résume Stéphane Volleau. Pour Romain Gallerand, une officine rurale qui propose plusieurs prestations structurantes peut être plus attirante qu’une pharmacie en centre-ville. Mais même si les pharmaciens cochent toutes les cases pour recruter, ils ne sont pas assurés de garder leur adjoint longtemps. « La nouvelle génération est volatile. Les adjoints vont rester deux ou trois ans et changer d’officine. Ils veulent bouger », observe Marie-Hélène Tessier. De fait, Jean-Luc Sicnasi, président de 3S Santé, société spécialisée dans l’intérim et le recrutement, constate que l’intérim et les contrats à durée déterminée (CDD) ont davantage la cote auprès des candidats que les contrats à durée indéterminée (CDI). Un constat qu’Alix Emerand nuance, car, malgré les difficultés de recrutement, elle parvient à proposer un à deux candidats par mois aux officines qui embauchent du personnel. Un bilan positif pour Leadersanté qui a créé une entité qui se consacre spécifiquement au recrutement des équipes officinales (adjoints, préparateurs, rayonnistes, etc.). « Les titulaires doivent gérer leur officine comme une entreprise et non comme un commerce. Ce qui signifie développer une “marque employeur ” et des services et conseils en ressources humaines (RH). D’où l’intérêt d’adhérer à un groupement : le pharmacien peut déléguer le recrutement, qui est chronophage, et bénéficier de conseils RH. Se rapprocher d’un groupement, c’est aussi pouvoir moderniser son officine, augmenter son chiffre d’affaires et maintenir ainsi des rémunérations attractives », conseille Alix Emerand. 

Justement, afin de faire gagner du temps aux candidats et aux employeurs, Appel Médical lance une application mobile dénommée Side. « Nous l’avons déjà expérimentée à Lyon et nous la déployons à Marseille et à Paris, détaille Stéphane Volleau. Les nouvelles générations sont en effet très digitalisées. Cette appli mobile permet aux candidats de voir les annonces sur tout le territoire et d’y répondre. Elle fait gagner du temps et baisser les coûts pour les officinaux qui recrutent, mais ne supprime pas l’interaction humaine. » 

Pour aider les pharmaciens à embaucher, l’URPS Nouvelle-Aquitaine a créé une page consacrée au recrutement sur son site internet. « Les confrères sont un peu perdus par rapport à ce qu’il faut dire aux candidats. Ils ne savent pas toujours à qui s’adresser. Nous avons voulu leur donner quelques clés », précise Marie-Hélène Tessier.