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Au bord de la crise de nerfs
La pénurie de personnel est installée pour longtemps à l’officine. Le sondage exclusif réalisé par Fovéa pour « Le Moniteur » montre le doute qui s’est emparé des titulaires, sans pour autant que la cote d’alerte semble vraiment dépassée… Mais seule une minorité a pour l’instant besoin d’embaucher et est donc confrontée directement à la crise. Une chose est sûre : dans le secteur de la pharmacie, le principe de l’offre et de la demande n’existe pas.
Mille six cent vingt-huit demandeurs d’emploi assistants en juin 2001, huit cent quatre-vingt-cinq préparateurs, – 23 % en six mois, trois fois moins qu’en décembre 94 ! Jamais depuis dix ans la pharmacie d’officine n’avait connu une telle situation de plein emploi. Nul ne s’en plaindrait si les besoins étaient couverts, les économistes en rêveraient même.
Franck L’HermitteSeulement voilà, à l’instar d’autres professions de santé, l’officine manque cruellement de bras, une situation alarmante pour une profession qui connaît actuellement une très forte croissance de son activité, sans omettre le passage aux 37 heures cette année et aux 35 heures en 2002 !
Franck L’HermitteLes titulaires d’officine se voient donc dans l’obligation de compenser la faiblesse des effectifs par une plus grande présence au comptoir, sans que l’impact ne s’avère encore trop frappant : d’après notre étude Fovéa-Le Moniteur des pharmacies, seul un peu plus de un titulaire interrogé sur cinq effectue plus de 55 heures par semaine.
Franck L’HermitteLes titulaires des petites officines notamment (moins de quatre salariés) n’effectuent pas d’horaires plus lourds qu’ailleurs au vu de ce sondage. Près de 17 % effectuent même moins de 40 heures – certaines officines semblent encore à l’abri du phénomène…
Franck L’HermitteL’heure sup’, l’intérim et le stagiaire…
Même constat de tempérance côté heures supplémentaires : 22,7 % des officinaux interrogés y ont actuellement recours, ce qui semble relativement modeste compte tenu des adaptations nécessaires à la réduction du temps de travail. Et ce sont les plus grosses officines qui utilisent le plus cet outil de régulation : 28,6 % chez les plus de 6 salariés (dont un tiers systématiquement) contre 15,4 % dans les moins de 4 salariés, ponctuellement.
Franck L’HermitteLe recours à l’intérim est lui aussi plutôt faible (14 %), sans de différence notable en fonction de la taille de l’officine. Le taux de satisfaction est de 47,6 % (37,5 % seulement dans les officines de moins de 4 salariés). Un jugement qui explique peut-être que 57,1 % des officinaux ayant essayé l’intérim n’aient tenté l’expérience qu’une seule fois…
Enfin, la formation des stagiaires est un recours beaucoup plus utilisé dans les plus grosses officines (73,8 % des plus de 6 salariés, contre 58,9 % d’entre 4 et 5 et 32,7 % seulement dans les moins de 4 salariés). On s’aperçoit cependant que les plus petites officines recherchent beaucoup plus souvent des étudiants en pharmacie (dans un cas sur deux) que leurs homologues à plus fort CA, dont 90,3 % forment des apprentis et 48,4 % des étudiants en pharmacie. La disparition du CAP constitue à cet égard une mauvaise nouvelle. Et les nouveaux bacs pro option officine n’arriveront sur le marché qu’à l’été 2003.
Un titulaire sur trois embauche
Mais quand tous les moyens possibles pour effectuer le travail en interne sont épuisés ou que l’augmentation du chiffre d’affaires le nécessite, l’embauche s’impose : plus de un titulaire interrogé sur trois est ainsi actuellement en recherche de personnel, surtout des pharmaciens diplômés (voir ci-contre). A cet égard, la pharmacie francilienne fait figure d’exception avec des besoins beaucoup plus importants : 75 % d’embauche de préparateurs et 50 % pour les autres postes.
A noter qu’un officinal sur dix n’embauchant pas vient de reprendre une officine, et un sur huit s’y refuse compte tenu de la situation économique de son entreprise.
Logiquement, la croissance de l’activité, les départs de salariés ou les 35 heures constituent les principales raisons d’embauche ; mais côté assistant, c’est avant tout « l’obligation réglementaire », devant « une plus grande autonomie », « les 35 heures » n’arrivant qu’en quatrième position (dans près de un cas sur cinq).
A noter que lors de leur précédent recrutement, c’est le préparateur qui est le plus recherché avec 53 % des recrutements contre 32,1 % pour les assistants, tandis que cette proportion s’est aujourd’hui inversée (48,2 % d’assistants contre 39,3 % de préparateurs). Logique, compte tenu de l’augmentation des chiffres d’affaires (due à la forte croissance actuelle de la consommation médicamenteuse) qui impose l’embauche d’assistants.
Le coefficient 500 toujours d’actualité
Est-il vraiment plus difficile qu’avant de recruter ? 82 % des titulaires interrogés le pensent. Mais lorsqu’on demande à la minorité actuellement en phase d’embauche depuis combien de temps ils recherchent, 37,6 % avouent que leur quête au précieux salarié a commencé depuis moins d’un mois, 21,4 % de un à trois mois, 16,5 % de trois à six mois, 14,7 % plus d’un an. Si ces chiffres tranchent avec l’extrême rapidité que les titulaires avaient mis pour trouver quelqu’un lors de leur précédent recrutement (voir ci-contre), ils ne mettent pas non plus en évidence la situation critique que l’on pouvait attendre.
Franck L’HermitteQuant au montant du salaire que les titulaires sont prêts à concéder, ils n’ont rien d’extraordinaire compte tenu de la situation décrite, les coefficients 400 à 450 restant la religion de plus de un titulaire sur cinq (voir ci-contre). A contrario, 7,6 % joueraient à fond la carte salariale en concédant un coefficient 600. 38% des titulaires campent sur le coefficient 500 mais ont-ils d’autres choix ?
Franck L’HermitteCôté préparateurs, les titulaires semblent prêts à davantage de concessions : plus de un quart se dit prêt à accorder d’emblée un coefficient correspondant au 4e échelon ou supérieur. Coefficients qui correspondent de toute façon, il est vrai, à des salaires très inférieurs à celui d’un assistant parmi les moins bien payés. Mais il est à noter que cette indication ne reflète pas la politique de salaires des officinaux recherchant des salariés, puisque tous les titulaires s’expriment ici, y compris les trois quarts qui ne sont pas en situation de recherche et donc moins enclins à la « générosité »…
Reste la proportion de « ceux qui ne savent pas » : un officinal sur cinq n’a aucune idée du salaire qu’il accordera à un assistant, un sur trois dans le cas d’un préparateur !…
Franck L’HermitteOui a une plus grande souplesse horaire
Pourquoi cette difficulté à recruter réelle (dans certains cas) ou supposée (par la plupart des titulaires) ? Plus des deux tiers répondent en choeur la pénurie de diplômes, presque autant mettent en avant l’isolement de certaines pharmacies ou le peu d’attrait de leur lieu d’implantation, parallèlement à un manque de mobilité (ou de motivation) des salariés et la féminisation de la profession (induisant entre autres de nombreux temps partiels) pour plus de un tiers des titulaires ; le manque de perspective de carrière et l’insuffisance des salaires à l’officine sont pointés par un petit tiers des titulaires.
Pourtant les titulaires ne sont pas prêts à augmenter les salaires de leurs collaborateurs pour éviter leur départ. Du moins pour les trois quarts. Soit qu’ils sont sûrs que leurs salariés n’auront ni l’idée ni l’envie d’aller voir ailleurs, soit qu’ils leur trouveront facilement un remplaçant, voir qu’ils ne les remplaceront pas ! En tout cas, le principe de l’offre et de la demande (ce qui est rare est cher) n’existe pas ici non plus, une position en décalage avec la supposée difficulté actuelle à recruter. A noter que plus l’officine est petite, moins le titulaire est souple sur le sujet – 11,1 % sont prêts à faire un effort pour retenir un collaborateur chez les titulaires de moins de 4 salariés contre 33,3 % chez les plus de 6 salariés (28,6 % entre les deux).
En revanche, les officinaux interrogés sont prêts à une grande souplesse vis-à-vis des horaires (voir ci-contre) pour trouver ou conserver la perle rare (78 %), l’intéressement point lui aussi le bout de son nez chez un petit tiers des titulaires et l’avantage en nature commence aussi à être évoqué.
Franck L’HermitteRevaloriser le métier
In fine, près de un titulaire sur deux pense tout de même que la sortie de la crise passe par une revalorisation du métier d’assistant (salaire, plan de carrière, responsabilités…). Une réponse en porte à faux avec leur position personnelle (voir p. 12). Mais un sur trois pense surtout à inciter les chômeurs à accepter un emploi après plusieurs refus. Les esprits se tournent aussi vers la faculté : former plus de pharmaciens et revaloriser la filière officine sont souvent préconisés. Contribuer à faire croître la demande permettrait peut-être de revenir à l’époque bénie – pour le titulaire – du milieu des années 90, règne du temps partiel (qui bénéficiait alors de fortes mesures incitatives).
Franck L’HermitteUne demande que l’embauche de pharmaciens étrangers pourrait aussi contribuer à faire remonter, suggère pudiquement un titulaire sur sept. Après tout, les infirmières ne sont-elles pas, par la force des choses, en train de tester cette solution ? Nos gouvernants (eux aussi à court d’idées) y pensent, ayant introduit dans le projet de loi relatif au droit des malades et à la qualité du système de santé voté en première lecture à l’Assemblée que : « Le ministre chargé de la santé peut autoriser à exercer la pharmacie en France les ressortissants d’un Etat de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen […] ne satisfaisant pas aux conditions définies aux articles L. 4221-4, 5 et 7 du Code de la santé publique, mais permettant néanmoins d’exercer légalement la profession de pharmacien dans le pays de délivrance » (du diplôme). Reste enfin la possibilité radicale, contraire à la santé publique diront certains, bien pratique pensent d’autres, de relever la tranche de CA pour l’embauche obligatoire d’un assistant. Mais comme les préparateurs commencent à manquer encore plus que les pharmaciens, qui servira alors au comptoir ? Notamment dans un contexte de croissance soutenue. Car la santé et plus particulièrement la consommation de médicament ne semblent pas près de se ralentir.
Franck L’HermitteL’officine ne serait-elle finalement pas, là aussi, victime de l’embellie de son marché ? Si celle-ci se confirme en même temps que la démographie officinale stagne, la pénurie ne touchera plus une minorité dans les années qui viennent.
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