RECADRER UN COLLABORATEUR

Réservé aux abonnés
Publié le 12 février 2011
Par Fabienne Rizos-Vignal
Mettre en favori

Pour la bonne marche de votre entreprise, vous êtes parfois amené à rappeler à l’ordre vos collaborateurs. Cette démarche peut s’avérer difficile, notamment par peur de déclencher un conflit. Conseils pour cet exercice qui requiert fermeté et diplomatie.

1 Fixez des règles claires

« Pour qu’une règle soit respectée, elle doit avant tout être édictée », recommande Brigitte Defoulny, consultante en management et communication (Héliotrope). Par exemple, la ponctualité, l’esprit d’équipe, l’attention et la disponibilité avec les clients sont des principes que vous pouvez juger fondamentaux pour le bon fonctionnement de votre officine. Des principes tellement évidents à vos yeux que vous ne les avez jamais communiqués de manière explicite à votre équipe.

Dans le cadre d’un management participatif, Brigitte Defoulny conseille aux titulaires « d’élaborer avec les salariés une charte qui énonce les règles essentielles de l’entreprise. Il sera ensuite plus facile de les faire appliquer ». Autre avantage de cette méthode ? « Les salariés poussent parfois le curseur des exigences plus loin que n’aurait osé le faire l’employeur », remarque la consultante.

2 Agissez dès le premier faux pas

Bien que les règles soient clairement définies, votre nouvel apprenti arrive systématiquement en retard, votre préparatrice se montre impatiente au comptoir avec les clients, votre adjoint néglige de vérifier le travail de l’étudiant en stage… Conciliant, vous préférez fermer les yeux et vous convaincre, à tort, que vos collaborateurs rectifieront d’eux-mêmes leur attitude. « C’est une erreur, constate Brigitte Defoulny, l’accumulation des non-dits va faire monter la pression, et quand le chef d’entreprise réagira, il le fera sous l’effet d’un ras-le-bol. » Résultat ? Le mécontentement sera amplifié, la communication deviendra abrupte et la discussion tournera à la confrontation. « Recadrer un collaborateur nécessite au contraire de rester calme, sans paraître affecté, et de dire clairement les choses à partir de faits concrets et récents », précise Michel Lora, dirigeant d’un organisme de formation en communication et management (Gii). Inutile donc de collectionner les dysfonctionnements pour les pointer du doigt. D’autant que si vous ne réagissez pas dès les premiers faits, votre silence pourrait être perçu comme un accord tacite, et le collaborateur défaillant ne comprendra pas vos reproches le jour où vous les exprimerez.

3 Déclenchez un entretien

Parce que les reproches ne peuvent être dits à la volée entre deux clients, il est nécessaire de prendre le temps pour faire le point en tête-à-tête. Mais attention, recadrer ne signifie pas tancer ! L’objectif n’est pas de dégrader la relation avec son collaborateur, mais de la faire progresser. « La démarche doit être constructive et viser l’amélioration d’un comportement, d’une façon de travailler. Il ne s’agit pas de critiquer la personne sur ce qu’elle est ou d’insister sur ce qu’elle n’est pas, ce qui ne présente aucun intérêt », prévient Michel Lora. En pratique, l’employeur exprimera son besoin, ses attentes, et aidera le salarié à trouver une solution. Par exemple : « Une gestion sans faute des tickets de promis est un élément non négociable auquel je tiens. Comment comptez-vous vous organiser pour ne plus commettre d’oublis ou d’erreurs ? » Cette stratégie aidera le salarié à visualiser les moyens qu’il doit mettre en œuvre et à les valider avec le chef d’entreprise. A la fin de l’entretien, il sera judicieux de définir avec le salarié un plan d’actions à mettre en place et à évaluer. « Ce dialogue est également utile pour donner l’opportunité au salarié de s’expliquer car certaines erreurs peuvent provenir d’une mauvaise organisation du travail dont l’employeur est à l’origine », remarque Brigitte Defoulny. L’entretien de recadrage nécessite donc d’être ferme, mais aussi à l’écoute, sans vouloir à tout prix imposer son point de vue.

4 Durcissez le ton

« Si vous ne constatez aucune amélioration, malgré vos injonctions, musclez votre discours, conseille Brigitte Defoulny. Par exemple : “J’exige que votre comportement change et je ne tolérerai plus aucun écart”. » Le collaborateur doit ainsi comprendre que des mesures plus radicales seront par la suite envisagées. C’est la progression dans l’échelle des sanctions. « La menace de sanctions est nécessaire lorsque le collaborateur ne modifie pas son comportement. Car un mauvais exemple impuni va créer un précédent dans l’entreprise, avec le risque d’aboutir à une crise d’autorité de l’employeur », souligne Michel Lora.

Publicité

5 Prenez des sanctions

C’est la dernière étape d’un recadrage qui n’a donné aucun résultat significatif. Dans le cadre de votre pouvoir disciplinaire, vous pouvez prendre diverses sanctions en fonction de la gravité des faits reprochés. L’avertissement est la sanction la plus légère : il est conseillé de l’adresser au salarié par lettre remise en main propre contre décharge, ou par lettre recommandée avec accusé de réception. En matérialisant vos reproches, vous gardez ainsi une preuve écrite, donc utile si d’autres faits devaient se reproduire. Le degré ultime de la sanction disciplinaire est le licenciement. Mais attention, une même faute ne peut être sanctionnée deux fois (lire encadré p. 34) ! En revanche, des faits déjà sanctionnés peuvent être rappelés à l’appui d’une nouvelle sanction en cas de récidive.

Pas de double peine !

La Cour de cassation a rappelé le principe de non-cumul des sanctions dans un arrêt du 26 mai 2010. Dans cette affaire, une salariée avait reçu un courriel de reproches de son employeur qui en profitait pour réclamer un changement radical de comportement.

Le lendemain, la salariée était convoquée à un entretien préalable au licenciement que l’employeur a par la suite confirmé. Devant les prud’hommes, la salariée a contesté cette rupture au motif que les mêmes faits ont été sanctionnés deux fois. L’employeur s’en défend : selon lui, le courriel ne constituait pas une sanction disciplinaire mais un simple message dans lequel il faisait part à la salariée de son impression sur un certain relâchement. Mais cette position ne convainc pas la Cour de cassation qui estime que le courriel était bel et bien un avertissement. Le licenciement a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse.