Pratiques professionnelles : Quand l’Académie de pharmacie milite pour la prescription officinale

Réservé aux abonnés
Publié le 12 novembre 2005
Mettre en favori

Que sera la pharmacie dans dix ans ? Deux rapports plutôt décapants de l’Académie nationale de pharmacie, tout juste remis au ministre de la Santé, dessinent les contours d’un avenir différent et plausible. Petit tour dans la machine à accélérer le temps.

D ans la prescription de vaccins, la prise en compte de la douleur, l’adaptation et le suivi de maladies chroniques (asthme, diabète), le pharmacien doit pouvoir jouer officiellement un rôle de prescripteur complémentaire ». Une petite phrase qui fait mouche parmi tant d’autres dans le très revigorant rapport « Évolution des pratiques professionnelles en pharmacie d’officine ». Le texte évoque même l’extension de ce rôle à la prescription initiale si elle est convenablement encadrée. Oui au pharmacien prescripteur, mais sous réserve d’une formation continue évaluée en permanence. De même, « l’opinion pharmaceutique, le conseil thérapeutique, la médication officinale, la participation à un réseau de santé seront réservés à des pharmaciens parfaitement identifiables ayant validé une formation continue spécifique ».

Des honoraires plutôt qu’une marge.

La rémunération fondée sur des honoraires et non plus sur la marge ne tenant compte ni de la responsabilité, ni du temps passé, ni de la difficulté de dispensation revient sur le devant de la scène. Ce ne sont pas les seuls fers de lance du rapport. « Il est impératif que le pharmacien puisse avoir accès aux informations du dossier médical personnel » prônent les académiciens. Ravivant au passage la guerre des tranchées : « Il reste pour le moins surprenant d’observer la résistance du corps médical pour donner aux pharmaciens accès au dossier médical ». Seconde couche avec la prévention de l’iatrogénèse parfois mal permise par « le type de rapports que le pharmacien entretient avec certains prescripteurs très exigeants quant à leur liberté de prescription ».

L’Académie s’intéresse également de très près à la démarche qualité à l’officine. Évoquant les ordonnances piégées des associations de consommateurs, elle suggère à la profession « d’en prendre elle-même l’initiative pour se perfectionner et montrer au public que, pour elle, la qualité est primordiale ».

Préparations stériles de cytotoxiques, rédaction d’opinions pharmaceutiques, formation à l’assurance qualité pour tous les actes professionnels, autant de grands chantiers de demain insuffisamment enseignés à l’heure actuelle. La faute à qui ? « Aux enseignants qui définissent les programmes de formation […] et n’ont pas une connaissance pratique des métiers qui s’exercent au quotidien à l’officine. »

Enseigner impérativement la santé publique.

L’enseignement est également montré du doigt dans le second rapport « Le pharmacien et la santé publique en France ». L’Académie souhaite que les cours de santé publique soient développés et renforcés dans le cursus général et la formation continue. Le pharmacien doit « affirmer son rôle dans le système décisionnel de santé publique du pays ». En premier lieu apparaît la mission sociale : conseils sur les aides médico-sociales à destination des sous-groupes de population (PMI, protection des personnes âgées, des handicapés, des personnes en situation de précarité et des migrants…). Les gestes de premier secours nécessitent aussi une connaissance élargie : les pharmaciens doivent savoir utiliser un défibrillateur automatique selon l’Académie. Elle milite aussi pour une plus grande implication de la profession dans l’éducation en matière de santé (réalisation de programme, vitrines…), dans les campagnes de prévention et de dépistage, dans les réseaux de vigilance, dans les enquêtes épidémiologiques. Bref, les officinaux doivent prendre plus conscience de leurs responsabilités en santé publique.

Publicité

Comme n’importe quel autre métier, la pharmacie devra donc s’adapter aux nouvelles orientations et exigences de la société. « Le monopole pharmaceutique doit s’affirmer plus sur une compétence, un service rendu et une assurance de qualité que sur des textes réglementaires qui seront amenés à évoluer dans le cadre communautaire européen ». Et si on se donnait rendez-vous dans dix ans ?