Pharmacienne free-lance

Réservé aux abonnés
Publié le 29 mars 2008
Mettre en favori

Exercer une activité officinale en toute indépendance mais sans être titulaire, c’est possible. Catherine Bouissonnié le prouve. Les remplacements qu’elle effectue se font sans contrat de travail. Car la pharmacienne s’est tout simplement mise à son compte.

D’abord titulaire puis salariée, Catherine Bouissonnié a finalement opté pour une troisième voie. « Je n’avais pas trente ans lorsque je me suis installée comme titulaire dans le Centre. Cette affaire, je l’ai par la suite vendue pour suivre mon mari à Annecy. A ce moment-là, j’ai voulu souffler. Après huit années aux commandes d’une entreprise, je souhaitais consacrer davantage de temps à mes quatre enfants. Je n’ai donc pas cherché une nouvelle affaire lors de notre emménagement en Haute-Savoie. »

Mais pas question pour autant de renoncer à toute vie professionnelle. Catherine Bouissonnié tient à « rester dans l’action » et à continuer d’exercer « pour garder un bon niveau pharmaceutique ». Comme plus de 20 000 pharmaciens, elle devient donc adjointe et effectue des remplacements pendant cinq ans. Malheureusement, ce statut ne lui convient pas non plus. « La rigidité d’un contrat de travail avec des horaires immuables ne me donnait pas la liberté que je recherchais. Un contrat, c’est aussi un cadre figé, dans lequel il n’est pas facile d’évoluer, en particulier dans des petites structures comme les officines. »

Plutôt que de se laisser envahir par la routine et la lassitude, Catherine Bouissonnié décide alors, sur les conseils de son mari, de se mettre à son compte, en entreprise individuelle. « Mon mari conseille des créateurs d’entreprise. Lorsqu’il m’a soufflé l’idée de devenir indépendante, il y a cinq ans, c’est devenu une évidence. Car c’est pour moi l’équation parfaite pour concilier ma vie familiale et mes aspirations professionnelles. »

Travailler à la carte

Mais alors, comment exercer une activité officinale libérale sans être titulaire ? « Je remplace, je dépanne des confrères et je facture mes services », explique Catherine Bouissonnié. Pour les titulaires, ce mode d’exercice présente l’énorme avantage d’éviter les formalités liées à l’embauche. Pas de contrat de travail, pas de déclaration auprès de l’Urssaf, ni de bulletin de paye à émettre, bref, aucune paperasse. Autre argument très convaincant : « j’assure des remplacements de quelques jours, mais je suis aussi mobilisable pour des dépannages d’une ou deux heures. J’interviens à la carte. »

Une souplesse qui répond parfaitement aux besoins ponctuels des titulaires. Pour la pharmacienne, une telle indépendance lui permet de gérer à sa guise son emploi du temps. « Je travaille en moyenne 120 à 150 heures par mois, que je répartis comme je le souhaite sur l’année. » L’absence de contrat de travail simplifie les démarches de l’employeur et modifie également les rapports : « Je n’ai aucun lien hiérarchique avec les pharmaciens qui font appel à moi. Ce sont mes clients, à qui je fournis une prestation. »

Publicité

Ses missions l’amènent à se concentrer essentiellement sur la dispensation au comptoir : « Lorsque j’effectue une prestation de quelques heures, je n’ai pas le temps de m’impliquer dans les activités de back-office. Mais il n’est pas rare qu’on sollicite mon avis sur l’organisation du personnel ou les méthodes de travail. En revanche, je ne me substitue jamais au titulaire. » Catherine Bouissonnié tient également à souligner qu’elle cloisonne chacune de ses interventions : « Mes différentes collaborations reposent sur un contrat moral. La confidentialité est un principe auquel je ne déroge jamais. »

40 euros de l’heure

Travailler à son compte va aussi de pair avec un état d’esprit : « Ma motivation ne s’émousse jamais. » La diversité des collaborations de Catherine Bouissonnié avec une dizaine de pharmacies régulières relance constamment son intérêt, avec pour seul objectif de « fournir à chaque fois la meilleure prestation possible ». Cette formule ne coûte pas plus cher aux titulaires que d’embaucher un remplaçant. « Je travaille au taux horaire, sur la base d’un coefficient 500 à 600, auquel j’ajoute mes charges, soit environ 40 euros par heure. » Les pharmaciens qui ne connaissent pas ce système en réfèrent à leur comptable et « leur avis est toujours favorable ».

Les seuls obstacles que Catherine Bouissonnié a dû franchir ont été administratifs : « Mon mode d’exercice est tellement atypique qu’il n’existait pas à l’INSEE de code APE pour répertorier mon activité de pharmacien libéral. » Face à ce vide, l’INSEE la classera finalement dans la catégorie « Commerce de détail de produits pharmaceutiques ». Son inscription à l’Urssaf s’est quant à elle faite sur dérogation. Mêmes embûches avec l’administration fiscale. « Lorsque j’ai voulu pour la première fois payer ma TVA, je n’entrais dans aucune case établie. Mon dossier est remonté jusqu’au ministère, lequel a tacitement reconnu mon statut. » En revanche, l’ordre des pharmaciens n’a jamais tiqué et a enregistré sans problème son inscription à la section D, dans la catégorie « Pharmacien multiemployeur ».

Quant à la gestion de sa petite entreprise, Catherine Bouissonnié estime qu’elle est relativement simple. « J’enregistre chaque mois mes factures. Pour ma comptabilité, je me fais épauler par un centre de gestion agréé. Et, mis à part quelques frais kilométriques, je n’ai pas de charges de fonctionnement. »

Son exercice en électron libre oblige quand même Catherine à effectuer d’autres formalités, comme la souscription à un contrat de responsabilité civile professionnelle. « Car si je commettais une erreur de délivrance, ma responsabilité civile serait engagée. » Comme les titulaires, Catherine Bouissonnié cotise également au FIF-PL, à la CAVP, au régime de Sécurité sociale des travailleurs non salariés, etc. « Je ne regrette ni mon statut de titulaire, ni celui de salarié. J’ai retrouvé un nouveau souffle sans sacrifier mon indépendance et mon intérêt professionnel. »

Et son initiative prouve qu’il est possible de sortir des sentiers battus et de réinventer son métier.

Envie d’essayer ?

Les avantages

– Une autonomie de gestion et d’organisation de son temps. Travailler à son compte permet d’alterner des périodes d’activité professionnelle et des périodes libres.

– Il n’y a pas de lien de subordination avec le pharmacien titulaire. A chaque mission, un rapport confraternel, d’égal à égal, s’établit.

– La diversité des collaborations évite la routine et la lassitude.

Les difficultés

– Ce mode d’exercice exige un emploi du temps flexible. L’un des attraits de cette formule pour le pharmacien titulaire est en effet le « dépannage » du jour au lendemain.

– La route est semée d’obstacles administratifs liés à un statut peu connu.

– Il faut aussi gérer sa formation professionnelle continue. Le statut d’indépendant ne permet pas de bénéficier des différents dispositifs de formation accessibles aux salariés (DIF, plan de formation, CIF…).

Les conseils de Catherine Bouissonnié

« Se faire connaître afin de se constituer un petit réseau de clients. Puis, le bouche-à-oreille fonctionnera. »

« Appliquer à la lettre la déontologie professionnelle. Quand on travaille en parallèle dans plusieurs pharmacies, la discrétion est une règle d’or. »

« Savoir s’adapter immédiatement à une équipe, à une organisation de travail et au fonctionnement d’une officine afin d’être opérationnel dès que la mission commence. »

– « S’obliger parfois à refuser une prestation. La libre gestion de son emploi du temps est à double tranchant. Il faut se rendre disponible pour satisfaire ses clients mais aussi placer des limites pour préserver sa vie personnelle et familiale. »