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Ils en veulent à nos DU !
Quel diplôme faudra-t-il demain pour délivrer des articles d’orthopédie ? La question taraude l’officine, et notamment les enseignants responsables des DU. Un DU réévalué suffira-t-il pour attester de la compétence des officinaux ? Ou leur faudra-t-il passer par le diplôme d’Etat d’orthoprothésiste ?
Le 1er janvier 1986, la loi imposait un double agrément pour la délivrance d’articles d’orthopédie : le premier fixait les critères d’installation et d’équipement, le second « les critères de compétence nécessaires à l’obtention de l’agrément des fournisseurs d’articles de petits appareillages d’orthopédie aux bénéficiaires des régimes de protection sociale ». En 2002 (article L. 532.3 de la loi 2002-73), le législateur allait plus loin. Il conditionnait la délivrance de matériel de MAD, d’orthèses, de matériels orthopédiques et de certaines prestations associées à l’obligation de formation ou d’expérience professionnelle. Depuis quatre ans, les professionnels sont en attente d’un décret précisant les modalités d’application de cette obligation.
Pour ceux qui sollicitent un conventionnement, les CPAM qui ne sont plus à même de délivrer un numéro d’agrément renvoient les dossiers aux DDASS aux fins du contrôle du respect des règles spécifiques. Dans le flou ambiant, les demandes de pharmaciens titulaires d’un DU d’orthopédie sont honorées, même si certains font pression pour que cette activité soit subordonnée à l’obtention d’un diplôme d’Etat. En effet, les orthopédistes-orthésistes ont été reconnus comme auxiliaires médicaux par la loi du 11 février 2005 relative aux droits et chances des personnes handicapées. Cette loi a encore accentué l’exigence de compétence professionnelle (voir encadré p. 20). Un décret (daté du 10 août 2005), publié dans la foulée, précise le champ des métiers de l’appareillage, et notamment celui d’orthopédistes-orthésistes. « Un métier nouveau, protégé par la loi, a vu le jour et nécessite des compétences. Auparavant, on pouvait vendre de l’orthopédie et ne pas en demander le remboursement, aujourd’hui le diplôme est absolument indispensable », explique Jean-Jacques Bléas, président de l’Association des enseignants responsables de DU d’orthopédie, et responsable de celui de Caen.
Bagarre entre deux professions.
Reste à connaître les modalités d’application de cette loi, et notamment les listes des diplômes reconnus pour exercer la profession. Des arrêtés fixant la définition des appareillages réservés aux orthopédistes-orthésistes et les modalité de la formation sont en attente. Qu’en dit le ministère de la Santé ? « Un arrêté en cours de signature fixe les conditions que devront remplir les candidats à cette profession, notamment en termes de diplôme. Ainsi un pharmacien pourra également être orthopédiste-orthésiste s’il délivre des matériels figurant dans la liste fixée par ledit arrêté et s’il dispose d’un DU d’orthopédie […]. Pour que l’arrêté soit publié, il faut préalablement que le décret […] donnant l’assise juridique aux dispositions de l’arrêté soit publié. […]. »
Les uns évoquent une publication avant ou après la période estivale, d’autres la voient beaucoup plus tardivement. En attendant, chaque partie, orthopédistes-orthésistes d’un côté, pharmaciens de l’autre, défend son point de vue auprès du ministère. « Chaque profession essaye de s’approprier le plus possible », confirme Christian Le Griffon, vice-président du Syndicat national de l’orthopédie française.
La pression est donc sur les enseignants responsables de DU d’orthopédie. Ils doivent se réunir le 6 juillet prochain à Angers et étudier la mise en place d’une commission pédagogique. Objectif : faire des propositions au ministère. « On fera valoir les préacquis que les pharmaciens diplômés ont en physiologie, anatomie, explique, confiant, Jean-Jacques Bléas. Il y aura plus de pratique, le contenu ne devrait pas beaucoup bouger. » Mais Jean-Jacques Bléas se dit aussi sensible aux critiques émises sur l’enseignement des DU : « L’enseignement sera uniformisé, avec des cursus identiques quelles que soient les facultés, avec toutefois la possibilité d’adapter les méthodes d’enseignement ou les modalités d’organisation des examens. Les coûts de formation pourront aussi être uniformisés. Nous nous dirigeons vers un diplôme unique. »
Les DU actuels valables jusqu’à mi-2007.
Les facultés devront s’engager sur un cahier des charges. Il en existe pourtant déjà un, élaboré à l’origine par l’Association des enseignants. Certains établissements l’ont suivi, d’autres non, conduisant objectivement à des différences de niveau d’un DU à l’autre. Une chose est sûre, le nombre de participants devrait être réduit à une trentaine au maximum. « Ce n’est pas sérieux de faire une formation avec 80 ou 100 participants », admet un enseignant sous couvert d’anonymat. « Nous sommes assurés que nos actuels DU auront toujours l’équivalence du diplôme d’Etat jusqu’à la fin de l’année universitaire 2006-2007, assure Jean-Jacques Bléas. Pour 2008, rien n’est gagné. A priori, les pharmaciens ayant validé leur DU d’orthopédie auront l’autorisation d’exercer le métier d’orthésiste, mais qu’en sera-t-il des autres ? Ils ne seront pas pour autant dispensés par la suite d’une formation continue régulière. » Tous les enseignants ne partagent pas cet optimisme relatif. Ainsi Jean-Claude Willemin, de la faculté de Reims : « Je ne pense pas qu’on ait deux ans pour s’adapter. Le ministère est sous la pression de lobbyings qui poussent au passage de la formation à trois ans. Ils ne veulent plus partager le gâteau. »
« Rien n’est décidé », assure Hélène Guinaudeau, doyenne de l’UFR d’Angers, qui défendra les propositions de l’Association en haut lieu. « Le ministère de la Santé ne connaît que les études de médecine et penche pour un diplôme interuniversitaire. » Et donc un nombre limité de facultés de pharmacies proposant un tel DU. « C’est à nous de montrer l’intérêt d’un DU par faculté », insiste Hélène Guinaudeau.
Un conseil : passer le DU le plus vite possible.
Une autre interrogation concerne la possible différenciation entre la dispensation par appareillage réalisé sur mesure et de série, avec l’idée sous-jacente de création d’un diplôme de « pharmacien orthésiste » moins complet que le diplôme d’Etat d’orthoprothésiste, mais plus orienté fabrication. Marcel Jugé, responsable du DU de Nantes, défend l’idée que le pharmacien a une vocation d’applicateur et que rares sont ceux qui, hors les orthèses plantaires et le thermoformé, fabriqueront de A à Z les appareils : « Ce n’est pas le même métier », explique-t-il. Marcel Jugé se dit toutefois favorable au renforcement des compétences, tout en mettant en exergue le frein économique qu’engendrera toute augmentation du nombre d’heures dispensées : « Cela obligera au remplacement obligatoire du participant à la formation au sein de l’officine, ce qui est irréaliste à l’heure actuelle faute de remplaçants disponibles. Pour autant, l’association des enseignants en orthopédie ne peut rester les bras ballants face aux décisions ministérielles. Il lui faut des arguments directs à opposer au ministère. »
Dans les années 70, les pharmaciens ont vécu la sortie de l’optique de leurs compétences. Certains se demandent s’ils ne prennent pas le même chemin avec l’orthopédie. Pour l’heure, un conseil, dépêchez-vous de passer un DU d’orthopédie avant que cela devienne plus long et plus difficile.
A noter : cinq cents orthopdistes
On recense environ 500 orthopédistes-orthésistes en France. D’après Ecotev, un des organismes de formation aux métiers de l’orthèse, 30 % des élèves s’installent à leur compte, 30 % travaillent pour des pharmacies et les 40 % restants sont salariés de cabinets d’orthopédie-orthésie. Les orthopédistes-orthésistes peuvent également travailler dans les structures hospitalières ou dans l’industrie (gros fabricants d’appareillages…).
Une profession reconnue et réglementée
Le décret n° 2005-988 du 10 août 2005 a défini les professions de prothésiste et d’orthésiste pour l’appareillage des personnes handicapées. Cette refonte du titre VI de la 4e partie du Code de la santé publique a permis de compléter la liste des auxiliaires médicaux de cinq nouvelles professions, dont les orthopédistes-orthésistes.
L’article D. 4364-6 explicite, en le restreignant, le champ de la profession : « est considérée comme exerçant la profession d’orthopédiste-orthésiste toute personne qui procède à l’appareillage des personnes malades ou atteintes d’un handicap par appareillage orthétique ou orthopédique réalisé sur mesure ou par appareillage orthétique ou orthopédique de série ».
Suivent dans ce décret les conditions d’exercice de la profession. L’article D. 4364-7 indique que « peuvent exercer les professions […] d’orthopédiste-orthésiste les titulaires du diplôme d’Etat français permettant d’exercer chacune de ces professions, délivré par le préfet ». Mais l’article D. 4364-10 en ouvre le champ « par dérogation » aux personnes « dont la compétence professionnelle a été reconnue par le ministère chargé de la Santé […] ou les organismes d’assurance maladie sur la base de l’ancienne procédure des agréments de prise en charge pour délivrer les appareillages ». Sont concernés les pharmaciens titulaires d’un diplôme universitaire ou d’un diplôme interuniversitaire d’orthopédie, ainsi que les non-pharmaciens non orthopédistes-orthésistes titulaires d’un certificat de bandagiste de petit appareillage.
Ce même décret précise dans sa section 3 les règles professionnelles de bonne pratique de délivrance dans une démarche de qualité : secret professionnel, locaux spécifiques, équipements nécessaires, informations du patient…
Dernière obligation pour exercer la profession inscrite dans l’article D. 4364-18, celle de « faire enregistrer sans frais le diplôme d’Etat ou autorisations auprès du service de l’Etat compétent ou de l’organisme désigné à cette fin […]. Il est établi, pour chaque département, par les services de l’Etat compétent ou l’organisme désigné à cet effet, une liste de cette profession, portée à la connaissance du public ».
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