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Comment stopper l’évaporation ?
Malgré une hausse des effectifs enregistrés en 2015, le taux d’évaporation des jeunes diplômés de 32,8 % inquiète l’Ordre. Et pose naturellement la question de l’attractivité du métier. Combien de temps va-t-il encore falloir attendre avant la parution des textes censés donner une visibilité sur l’exercice futur ?
En 2015, 74 754 pharmaciens sont inscrits à l’Ordre, selon le bilan démographique annuel de l’Ordre présenté le 19 mai. Ce qui représente une croissance de 0,35 %. Pour autant, l’Ordre a enregistré une baisse de 6,1 % des nouvelles inscriptions (2 324) par rapport à 2014. Le taux d’évaporation des jeunes diplômés(1) atteint en effet 32,8 %, soit une hausse de 5 points par rapport à 2014. Concrètement, 1 015 jeunes diplômés ne se sont pas inscrits. Une déperdition qui ne fait pas l’affaire de l’Ordre.
Pour savoir ce que deviennent ces jeunes diplômés, l’instance ordinale a mené l’enquête auprès de jeunes ayant terminé leur 6e année d’études. Sur les 540 répondants, près de 69 % n’ont pas encore soutenu leur thèse et 12 % sont en cours d’inscription à l’Ordre. Sur les 102 autres jeunes, 30 % exercent dans le secteur pharmaceutique sans besoin d’inscription, 13 % exercent à l’étranger, 11 % travaillent dans un secteur non pharmaceutique, 9 % sont fonctionnaires ou assimilés et 15 % sont au chômage. Quant aux 23 % restants, ils poursuivent leurs études. Que signifie réellement ce taux d’évaporation qui « se dégrade sur une tendance sans précédent » pour reprendre les termes de l’instance ordinale ? Est-il un indicateur d’un désintérêt des jeunes pour le métier de pharmacien et en particulier pour l’officine ?
Une interprétation du taux d’évaporation difficile à apprécier
« Cette notion d’évaporation pose question aux universitaires. On a le droit de s’inquiéter lorsque l’Ordre dit que le taux dépasse 30 %. Il faut regarder ce qu’il se passe en réalité », tempère Brigitte Vennat, doyenne de la faculté de pharmacie de Clermont-Ferrand. « Il y a toujours eu des pharmaciens qui ne s’inscrivaient pas à l’Ordre. Dans l’industrie, de nombreux métiers ne nécessitent pas d’inscription », observe Virginie Ferré, doyenne de la faculté de pharmacie de Nantes.
Les conditions d’inscription à l’Ordre rendent en effet difficiles l’interprétation du taux d’évaporation (voir Repères ci-contre). Seuls les diplômés exerçant la pharmacie ont l’obligation de s’inscrire. De plus, ils doivent travailler dans un établissement pharmaceutique dûment autorisé : officine, pharmacie à usage intérieur, établissement de fabrication de médicaments… Les fabricants de cosmétiques, les entreprises de dispositifs médicaux ou de diagnostics ne font donc pas partie de ce champ. Les parapharmacies non plus. « Les enseignants des facultés de pharmacie ne sont pas inscrits à l’Ordre », ajoute d’ailleursVirginie Ferré. Les pharmaciens qui rejoignent une institution comme l’ANSM ou l’InVS ne sont pas non plus concernés par l’inscription. Dans tous les cas, l’Ordre et les facultés perdent la trace des jeunes diplômés.
Faut-il alors rendre l’inscription ordinale obligatoire pour tous quel que soit leur emploi ? L’avantage serait de connaître d’emblée les orientations professionnelles des jeunes et leurs parcours. L’ANEPF n’y est pas opposé. « Il était question d’attribuer un numéro RPPS [Répertoire partagé des professionnels de santé] à chaque étudiant, mais cela n’a pas été mis en œuvre », remarque Hadrien Philippe, vice-président de l’ANEPF en charge des relations professionnelles. Brigitte Vennat s’interroge sur l’intérêt d’une inscription obligatoire pour les diplômés n’exerçant pas la pharmacie. Pour autant, une étude sur ce que font les jeunes après leur sortie de la faculté lui paraît indispensable. « Nous avons décidé, avec plusieurs facultés, de regarder le devenir de nos étudiants sur les trois dernières années, explique-t-elle. Un taux d’évaporation si élevé mérite une étude très pointue. Et cela peut répondre à la question du désintérêt des jeunes pour l’officine. »
La traduction d’une inquiétude très forte sur l’économie officinale
« L’Ordre se rend compte que le phénomène d’évaporation s’est accru. En fait, les étudiants choisissent aujourd’hui les filières au cours de leurs études de manière très différente. Leur choix est moins en faveur de l’officine. Ils s’orientent plus vers l’industrie et l’internat. C’est très net et toutes les facultés le constatent », explique Virginie Ferré. Actuellement, un tiers des étudiants optent pour l’officine, contre deux tiers auparavant. Un tiers choisit l’industrie et un tiers l’internat. Pourquoi cette évolution ? « La réforme de la PACES [première année commune aux études de santé] a coïncidé avec les problèmes économiques du réseau officinal, relève Hadrien Philippe. Les difficultés économiques créent de l’inquiétude chez les étudiants et certains ne se voient pas commencer à travailler en officine. » « Les étudiants sont découragés par les messages sur l’avenir de l’officine, comme les fermetures », glisse Virginie Ferré. Les stages de 2e année de découverte de l’officine jouent aussi un rôle dans le choix des filières en 4e année d’études. « Si le maître de stage adore son métier, fait partager sa passion et met en avant le contact avec les patients, l’étudiant aura envie de s’orienter vers l’officine. Si le maître de stage est plus pessimiste ou travaille dans une pharmacie en difficulté, il sera moins moteur pour l’étudiant », constate Virginie Ferré, qui insiste sur le souhait des étudiants d’être en relation avec les patients. « Nous avons une population d’officinaux moroses. Ils peuvent être désenchantés mais ce n’est pas le moment de désenchanter les jeunes », affirme Brigitte Vennat. L’orientation au cours des études peut aussi changer. Brigitte Vennat note que des étudiants en échec après leur année d’internat se reconvertissent et optent pour la filière officine en dernière année : « A Clermont-Ferrand, 11 étudiants sont dans ce cas et ont rejoint les 38 jeunes de 6e année. La désaffection pour l’officine n’est pas si catastrophique ».
Faire que le métier redevienne attractif
Pour motiver les jeunes à opter pour l’officine, les deux doyens s’accordent à dire qu’il faut montrer la richesse du métier de pharmacien et anticiper sur les évolutions futures comme les nouvelles missions et l’interprofessionnalité. « Le métier de demain n’est pas celui des maîtres de stage d’aujourd’hui », insiste Brigitte Vennat. « Il faut valoriser le pharmacien dans ses actions : sortie d’hôpital et aide à domicile, observance… Les étudiants sont prêts à cela », estime Virginie Ferré. Donner des perspectives aux adjoints leur paraît aussi indispensable. « Le problème est de trouver un modèle économique », note avec objectivité Virginie Ferré.
C’est ce manque de visibilité qui pousse d’ailleurs Isabelle Adenot, président de l’Ordre, à réclamer la parution des textes notamment sur les bonnes pratiques, les missions de conseil en santé, l’entrée des adjoints dans le capital des officines. Hadrien Philippe se veut optimiste : « Le réseau officinal est en pleine restructuration. Après la transition, on retrouvera probablement un équilibre. »
(1) Rapport entre le nombre de nouveaux inscrits diplômés depuis moins de 3 ans et le nombre de postes ouverts au concours 6 ans plus tôt.
À RETENIR
• Les effectifs de l’Ordre ont augmenté de 0,35 % en 2015 mais les nouvelles inscriptions ont chuté de 6,1 %.
• Le taux d’évaporation des jeunes diplômés est ainsi passé de 27,8 % en 2014 à 32,8 % en 2015.
• Les étudiants étant moins nombreux à choisir la filière officine, les facultés de pharmacie lancent des enquêtes pour savoir ce que sont devenus les jeunes diplômés les trois dernières années.
REPÈRESInscription à l’ordre : les règles à connaître
1 Qui doit s’inscrire à l’Ordre des pharmaciens ?
Tous les pharmaciens qui veulent exercer leur profession doivent s’inscrire au tableau de l’Ordre. Cette obligation concerne aussi bien les pharmaciens en libéral que salariés (officine, industrie, PUI…). En revanche, pas d’inscription pour les pharmaciens inspecteurs de santé publique, ceux des agences régionales de santé, fonctionnaires ou du service de santé des armées.
Quant aux pharmaciens employés dans les parapharmacies ou la grande distribution, ils ne peuvent pas s’inscrire à l’Ordre.
2 Comment s’inscrire ?
Le pharmacien doit remplir un formulaire téléchargeable sur le site de l’Ordre en fonction de la section dont il dépend. Parmi les principaux renseignements demandés, il doit indiquer son état civil, ses diplômes et compétences, les expériences professionnelles, le lieu d’exercice et, pour les pharmaciens dépendant de la section D, leur fonction…
Les candidats doivent aussi fournir une photocopie de leur carte d’identité et une copie du ou des diplômes, ainsi que des pièces complémentaires selon leur activité. Par exemple, un titulaire exerçant dans une société d’exercice libéral doit remettre une copie de la licence.
Le dossier complet du titulaire doit être adressé par lettre recommandée avec accusé de réception au président du conseil régional de l’Ordre.
Les pharmaciens adjoints doivent envoyer leur dossier au président du conseil central de la section D.
3 Comment la demande est-elle examinée ?
Le conseil régional ou central examine les titres et qualités du candidat. Il vérifie que ce dernier remplit, selon l’Ordre, « les garanties de compétence, de moralité et d’indépendance professionnelle ou les autres conditions prévues par la loi ».
Si le conseil a un doute surla compétence professionnelle du pharmacien, il peut demanderune expertise.
Celle-ci est menée par trois pharmaciens de la section concernée. L’insuffisance professionnelle conduit à un refus d’inscription assorti d’obligations de formation.
Une nouvelle demande d’inscription sera possible en justifiant le suivi des formations.
4 Quels sont les délais nécessaires ?
Dès réception du dossier, le conseil régional ou central a trois mois (cinq mois en cas d’expertise) pour examiner la demande. Si elle est refusée, le pharmacien reçoit une lettre recommandée avec accusé de réception pour comparaître devant l’Ordre qui lui expliquera les raisons du refus.
Aucune réponse dans un délai de trois mois signifie un rejet de la demande avec possibilité de recours auprès du Conseil national de l’Ordre.
Attention ! Pour les pharmaciens d’outre-mer s’inscrivant à la section E, l’absence de réponse vaut acceptation du dossier.
M.C.
La cotisation à l’Ordre est-elle déductible des impôts ?
Pour le salarié et le titulaire, cette cotisation peut être déduite de leurs revenus et salaires s’ils optent pour les frais réels lors de leur déclaration de revenus. Toutefois, si le titulaire paye la cotisation d’un adjoint, ce dernier devra déclarer la somme sur sa déclaration au titre des avantages en nature.
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