Comment adapter l’holacratie à l’officine

Réservé aux abonnés
Publié le 1 juillet 2017 | modifié le 26 mars 2025
Par Chloé Devis
Mettre en favori

Ce système de gouvernance venu d’outre-Atlantique abolit la hiérarchie au profit de l’autonomie et de la liberté de parole de chacun au sein de l’entreprise. Si ce modèle a convaincu de grands groupes et PME français, est-il transposable à l’officine ? Avis d’expert.

Alors que le management traditionnel s’appuie sur un modèle dual entre manager et collaborateur, l’holacratie est une façon d’organiser le travail basée sur l’autonomie : chaque collaborateur dit connaître ses propres limites. Les bénéfices revendiqués sont nombreux, tant du côté des équipes que de l’entreprise : libérer les énergies des collaborateurs, retrouver du sens, accroître la productivité… « Dans un modèle hiérarchique, quand le collaborateur du service X veut faire une demande à un collaborateur du service Y, il doit en référer à son chef, qui en réfère lui-même au chef du service Y. Au bout du compte, il n’est même pas certain que la demande aboutisse », explique Bernard-Marie Chiquet, fondateur du cabinet IGI Partners et importateur du concept d’holacratie en France. « Avec l’holacratie, les employés sont comme des joueurs sur un terrain de foot. Chacun assume son rôle, sans hiérarchie. Mais leur objectif est commun : gagner », poursuit l’expert. Autrement dit, l’entreprise a une « raison d’être ». C’est sur elle que s’alignent toutes les décisions, et c’est aussi ce qui permet de clarifier toute l’organisation et de la rendre plus performante.

Une boîte à outils à personnaliser

L’holacratie n’est pas taillée pour un profil-type d’entreprise dans la mesure où elle se présente comme une boîte à outils à adapter à chaque contexte. « Depuis que nous travaillons avec cette notion, nous avons accompagné aussi bien des grands groupes que des PME, organismes du secteur public, associations, coopératives…», fait valoir Bernard-Marie Chiquet. La démarche peut avoir du sens à partir de 3 ou 4 personnes. « Le seul prérequis est d’avoir une bonne raison pour le faire », souligne le dirigeant d’IGI Partners. Dans le secteur officinal, la nécessité de s’adapter à un certain nombre d’évolutions peut constituer un terreau favorable. Selon la priorité du titulaire – que ce soit la gestion des achats ou la motivation des collaborateurs –, l’holacratie peut apporter de la clarté et de la valeur ajoutée. A salaire et charge de travail égaux, l’initiative et la responsabilité sont développées.

Des étapes à respecter

Si l’on souhaite se lancer, la première chose est donc d’avoir mis à plat ses motivations. Ensuite, il s’agit d’expérimenter la démarche à travers des séminaires. L’holacratie repose sur des règles du jeu précises qu’on ne s’approprie qu’en s’y pliant. Convaincu ? Il est alors temps d’adopter une constitution qui stipule que celui qui a le pouvoir abdique au profit de l’ensemble des salariés. « Parce que nous avons profondément encodés en nous les réflexes hiérarchiques, il faut parfois plusieurs années pour que le système devienne pleinement opérationnel, mais quelques mois suffisent pour être autonome sur l’utilisation de l’outil et faire progresser ses équipes », conclut Bernard-Marie Chiquet. 

Publicité

L’éditeur de logiciels Winpharma est passé à l’holacratie depuis mars 2016. « Nous avons d’abord formé un tiers de notre centaine de salariés, eux-mêmes chargés ensuite de diffuser la démarche au sein de l’ensemble de nos équipes, explique Bénédicte Dekeister, dirigeante de l’entreprise. Le système repose sur des processus structurants, comme les réunions qui poussent à prendre de nouvelles habitudes. » Pari relevé : « Réinjecter du sens dans notre travail quotidien, tandis que la remise à plat en toute transparence des missions de chacun représente un gain considérable d’efficacité. Par ailleurs, la possibilité donnée à tous de s’exprimer accélère la prise de conscience des problèmes, d’autant que nous disposons d’un processus qui facilite leur résolution », poursuit-elle.Enfin, en termes de recrutement, l’holacratie attire les personnes dynamiques et autonomes qui veulent se réaliser dans leur travail. Aux yeux de la dirigeante, ce système pourrait aussi apporter des réponses aux officines : « Comme les équipes fonctionnent sur des plages horaires larges et distinctes, elles bénéficieraient d’une meilleure vision d’ensemble des tâches et projets de chacun, tandis que la libération de la parole pourrait permettre de gagner en réactivité face aux difficultés rencontrées », conclut Bénédicte Dekeister.