CINQ CLÉS POUR ÊTRE CO-INTELLIGENTS

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Publié le 9 novembre 2013
Par Chloé Devis
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Management participatif, intelligence collective… Ces concepts en vogue recouvrent des principes qui peuvent être déclinés avec profit à l’officine. À la clé, un esprit d’équipe revivifié et de nouvelles ressources. Conseils d’experts et pistes d’action.

1 Miser sur un rapport « gagnant/gagnant »

« Le titulaire qui souhaite redynamiser son officine aujourd’hui ne pourra le faire sans l’implication de toute son équipe. » Brigitte Defoulny, présidente du cabinet de conseil Héliotrope, donne le ton : pour les experts, le management « à la papa » a vécu… vive le management participatif ! « Il s’agit de faire confiance à tous les acteurs de l’entreprise pour être, chacun à son échelle, des capteurs à même de proposer des microsolutions », explique Corinne Savignac, coach et formatrice en codéveloppement chez Cofab. Des salariés plus motivés, ce sont des salariés plus efficaces, mais aussi moins d’absentéisme et de turnover. « L’impact est sensible sur le service client, l’image de l’officine, et, à terme, sa performance économique », assure Florence Duriez, consultante chez Inergie, un cabinet de conseil en management.

2 Poser un cadre

La mise en œuvre de l’intelligence collective requiert des règles du jeu claires pour tous. « Il est indispensable de fédérer ses collaborateurs autour d’une vision à long terme. Qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs, ce sont les objectifs du titulaire qui vont créer une dynamique, assène Tony Jagu, dirigeant du cabinet de conseil Alizé. Encore faut-il les formuler explicitement, et, plus ­largement, communiquer régulièrement autour de l’activité de l’officine, chiffres compris, ce qui est aussi une manière de responsabiliser ses salariés », relève-t-il.

Autre prérequis à la mise en œuvre de l’intelligence collective : une bonne connaissance de ses collaborateurs. « On peut mettre à profit les entretiens individuels d’évaluation pour mieux cerner les attentes du salarié », pointe Nathalie Barth, consultante du cabinet de conseil CA+ Pharma. Enfin, l’élaboration d’un management participatif ne peut faire l’impasse sur « un système de reconnaissance des efforts accomplis », poursuit la consultante. Il s’agit non seulement de savoir féliciter les collaborateurs qui ont atteint les objectifs fixés mais aussi de « mettre en place des primes individuelles, déclenchées en fonction d’indicateurs préétablis ». Florence ­Duriez vante pour sa part le modèle canadien « où l’on lie une part importante de la prime à la performance collective, afin que chacun ait intérêt à ce que tout le monde réussisse ».

3 Donner régulièrement la parole

Mensuelles ou a minima trimestrielles, « les réunions d’équipe, en abordant tous les aspects de la vie de l’officine, fournissent à chacun l’occasion de s’exprimer autour de ses préoccupations », fait valoir Brigitte Defoulny. « C’est un moment propice pour identifier des dysfonctionnements et des axes de développement, et faire émerger idées et propositions », note Florence Duriez. Au titulaire de laisser de côté sa casquette de leader pour se faire l’animateur bienveillant de ces échanges. En complément, des tête-à-tête réguliers avec ses collaborateurs permettent à ces derniers de s’exprimer plus librement sur certains sujets. « Les desiderata personnels, notamment, se traitent de cette manière, mais en veillant à ne pas favoriser le premier qui aura parlé au détriment de l’intérêt de l’entreprise », avertit Brigitte Defoulny.

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4 Mobiliser autour d’un projet

La matière grise des collaborateurs peut aussi être sollicitée autour d’une problématique précise. Première étape : une réunion de projet, avec ordre du jour communiqué à l’avance. « Le titulaire aura préparé le terrain en listant les points positifs du projet, en particulier en termes d’opportunités pour l’équipe, et les points négatifs », indique Nathalie Barth. Le but de la discussion sera de parvenir à un consensus cohérent avec les objectifs du titulaire, formalisé dans un compte rendu. C’est sur cette base que pourra se construire un plan d’action articulé autour de différentes tâches réparties de manière individualisée (en prévoyant des suppléants) ou dans le cadre de groupes de travail. Là encore, on s’appuiera sur des supports écrits : « Les fiches de mission consigneront l’objectif, les moyens à mobiliser, les échéances, etc. », argue Nathalie Barth. Un pilote sera également désigné pour coordonner les collaborateurs et faire remonter l’information auprès du titulaire, ce qui permettra aussi de détecter à temps les difficultés éventuelles. En dernier ressort, « il faudra impérativement contrôler la réalisation des objectifs », rappelle l’experte.

5 Favoriser l’émulation au long cours

La routine est le pire ennemi d’un climat propice à la créativité. À ce titre, Tony Jagu rappelle qu’« il faut proposer des temps forts dans une carrière, à travers la formation, la mise en place de challenges commerciaux… ou encore la réorganisation de l’équipe à l’occasion d’une nouvelle embauche par exemple ». Au jour le jour, le principe de la « boîte à idées » reste un outil efficace en matière de pro-activité. « Chaque collaborateur peut avoir en permanence un bloc de post-it sous la main pour noter au fur et à mesure les idées qui lui viennent, à traiter par la suite en réunion », suggère Florence Duriez. Didier Maarek, dirigeant du groupement Pharmadom et titulai­re de la pharmacie de l’Hôtel de Ville à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) a fait le choix des nouvelles technologies afin d’être en phase avec « les jeunes collaborateurs, qui ont l’habitude d’être connectés 24 heures sur 24 » : « Nous utilisons le logiciel Evernote comme une base de données autour de tous les aspects de notre activité et du métier, que chacun peut alimenter et consulter », témoigne-t-il.

Dans cette veine, « une fois bien engagé dans une démarche d’intelligence collective, pourquoi ne pas envisager de la mettre au service d’une vision plus axée sur l’innovation, en confiant à ses collaborateurs des veilles thématiques ? », propose Florence Duriez.

TÉMOIGNAGE

« Nous avons l’impression de progresser en permanence »

Une situation financière critique, il y a cinq ans, a été le déclic pour Maud et Laurent Mingeau, à la tête de la pharmacie du Bien-Être, à Pouilly-sur-Loire (Nièvre). Ils ont alors imaginé une nouvelle manière de travailler avec leur équipe (cinq préparatrices, une assistante, une réceptionniste et une secrétaire). « Plutôt que de baisser les bras, nous nous sommes appuyés sur notre groupement, Giphar, pour développer de nouvelles compétences sur un mode participatif », explique la titulaire. À l’occasion d’une certification ISO 9001, chaque membre de l’équipe s’est vu assigner un domaine de référence. L’interactivité fait désormais partie de l’ADN de l’officine : lors des réunions d’équipe toutes les six semaines, « nous laissons les collaboratrices chercher des solutions, et nous faisons le point la fois d’après », indique Maud Mingeau. « Par ailleurs, j’essaie autant que possible de consacrer cinq minutes à chaque collaborateur tous les quinze jours. » Les salariés peuvent proposer des sujets à aborder lors des réunions à venir via un tableau dédié, et suivent aussi des séances hebdomadaires d’e-learning. Résultat, « une équipe hyperstable, très impliquée et prête à faire des heures supplémentaires bien évidemment rémunérées », se réjouit Maud Mingeau. Les remplacements s’en trouvent également facilités grâce à un bouche-à-oreille positif. Et, financièrement, « si notre chiffre d’affaires reste en baisse, notre marge est stable ».