Bac pro commerce option officine : Un profil approuvé par les maîtres de stage

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Publié le 26 avril 2003
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Très décrié à sa création en août 2001, le « bac pro commerce option officine » n’a guère passionné les pharmaciens. Or plus de 200 apprentis de cette formation sont d’ores et déjà dans les officines. Comment les titulaires qui les accueillent voient-ils ces nouveaux diplômés ?

La pénurie de préparateurs, les 35 heures, la disparition des apprentis CAP, la contingence des contrats d’apprentissage par les régions et les listes d’attente pour certains CFA ont diminué de façon drastique le personnel à l’officine. Les nouveaux apprentis du bac pro arrivent donc à point nommé pour l’officine.

Sur le papier, les apprentis bac pro sont censés remplir de nombreuses tâches à l’officine, qu’il s’agisse de fonctions de déballage, de rayonniste voire de secrétaire. En cela, ils devraient permettre aux pharmaciens et aux préparateurs de se consacrer à la délivrance des ordonnances. Le hic, c’est que, à sa création, ce diplôme ne ressemblait à rien de connu, hormis un module optionnel « pharmacie d’officine » rattaché à l’obtention d’un bac professionnel commerce, d’où le peu d’emballement de la profession : réservé aux grosses pharmacies regorgeant de rayons de parapharmacie, ce nouveau diplôme ? Inutile dans la mesure où il interdit la délivrance de médicaments ?… La même question s’étant déjà posée pour l’ex-CAP d’employé en pharmacie. Toutefois, répondant à une longue tradition de l’apprentissage, des officines se sont lancées pour accueillir ces apprentis d’un nouveau genre. Chacune avec ses motivations.

Ouvrir l’officine.

« Je suis maître d’apprentissage et j’ai toujours formé des jeunes. Cherchant une apprentie, j’ai appelé le CFA en mai 2002 », raconte, amusée, Sylvaine Vary, titulaire de la pharmacie de Negreneys à Toulouse. Pour Stéphane Alalouf, lui aussi toulousain, recruter un apprenti bac pro permet à son épouse, également pharmacien, et à son adjointe de se consacrer entièrement au comptoir. Quant à Michèle Dubois, pharmacienne à Lourdes, elle a hésité entre un bac pro et une secrétaire : « A l’officine il y a le comptoir, qui nécessite du personnel qualifié, et l’arrière, consacré à la gestion des commandes et du tiers payant. »

Le manque de personnel n’est pas la seule motivation pour recruter de tels apprentis. Pour beaucoup, l’intérêt numéro un c’est la rencontre avec un jeune, motivé par la profession de préparateur, mais n’ayant pas le bac ou le BEP sanitaire et social pour entrer en BP. « On ne cherchait pas spécialement à former un bac pro, mais Stéphanie était tellement avenante et motivée par la profession que je me suis décidé à la former de A à Z », explique Georges Dahan, pharmacien à Colomiers (Haute-Garonne). Ouvrir l’officine à des jeunes, leur permettre d’accéder à un savoir-faire a poussé Jean Schies (Paris) à accepter Julien qui avait raté son bac. Peu ou pas renseignés sur ce diplôme que certains découvraient par l’intermédiaire du futur apprenti, tous ces pharmaciens ont contacté leur CFA pour prendre connaissance de l’enseignement et des modalités de cet apprentissage.

Le « plus » du marketing.

« Il y a longtemps que je pensais me mettre au goût du jour au niveau commercial. Cela m’intéresse, mais ni ma formation à la faculté de pharmacie, ni celle des préparateurs ou des anciens CAP ne préparent aux techniques commerciales et à la gestion des points de vente. J’ai constaté avec bonheur, en contactant le CFA, que ce bac pro comporte des enseignements de marketing, de commerce et de marchandisage. Pourquoi ne pas essayer ? », s’est dit Sylvaine Vary. Les devoirs à rendre comportent toujours des cas pratiques. Sylvaine Vary poursuit : « Céline, mon apprentie bac pro, a fait un sujet sur l’étude de la clientèle avec la détermination de la zone de chalandise. Je lui ai confié 300 chèques afin qu’elle analyse la provenance de mes clients. J’ai découvert, avec surprise, qu’une partie de ma clientèle venait du nord de Toulouse. Elle a aussi établi l’organigramme de l’officine avec la détermination des fonctions de chacun. »

David Guibert, titulaire à Bollène (Vaucluse), a quant à lui accepté la proposition d’Adrien, son nouvel apprenti : « Il s’occupe essentiellement des commandes et du rangement, mais, depuis peu, il est passé devant et m’a proposé d’inverser les rayons RoC et Vichy afin de mettre en pratique le marchandisage. Je lui ai donné carte blanche. Quand on parle vitrine et mise en place des rayons, il connaît car il les a vus en cours. Fixer un coefficient en fonction du taux de la TVA ne le surprend pas non plus. » L’enseignement du bac pro commerce est directement mis en pratique à la pharmacie durant les deux ans de leur apprentissage, depuis la gestion administrative des dossiers de tiers payant jusqu’à celle des stocks, en passant par le marchandisage de séduction ou l’étude de la concurrence et la segmentation de la clientèle, la construction des argumentaires de vente pour les produits non réglementés… (voir encadré ci-dessous). Ce dernier point apparaît comme le plus difficile à appréhender, aussi bien pour les pharmaciens que pour les apprentis et les CFA.

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Les limites du diplôme.

Il semble en effet que la partie de l’enseignement consacrée à la vente soit la plus délicate à mettre en pratique à l’officine. Car pour l’instant, les exemples sont pris dans la grande distribution ou autres commerces de proximité permettant aux élèves d’acquérir une ouverture d’esprit et de comprendre le monde de la concurrence. Mais comme le rappelle Jean-Marc Lozano, directeur du CFA de Drôme-Ardèche, « ce bac pro n’est pas un bac « vente » mais un bac pro commerce officine dédié à préparer à la vente et à la gérer ». Or les élèves du bac pro, emballés par les exercices de vente tel « Construire un argumentaire de vente pour un walkman », pensaient mettre en pratique cet enseignement à l’officine. Mais Stéphane Alalouf explique que les apprentis sont parachutés à l’officine en première année sans connaissance des produits hors monopole, comme d’ailleurs les anciens CAP : « Il faut freiner mon apprentie dans son enthousiasme et j’ai dû lui expliquer qu’elle ne vendra rien sans mon accord, même un shampooing. Elle ne doit pas banaliser l’acte de vente à la pharmacie. Toute vente implique notre notoriété et notre savoir-faire. » Le problème se pose aussi pour Sylvaine Vary : « Mon apprentie aimerait être à la vente, mais ce n’est pas possible pour l’instant. Même la vente d’un collant antifatigue nécessite des connaissances en physiopathologie. »

Quelques pharmaciens ont noté la rareté des matières scientifiques de l’option « officine » représentant 80 heures sur 675 par an. Ni cours de pathologie, de chimie ou de galénique. « Je découvre avec surprise que les matières enseignées concernent essentiellement le commerce. Ce diplôme est un bac avec beaucoup de matières générales dont le niveau est plus élevé que le CAP », observe Michèle Dubois (Lourdes). Mais en fait, ce sont surtout les apprentis qui réclament « plus de pharmacie » et des cours de biologie. Ils voudraient parfois être derrière le comptoir, délivrer des médicaments et conseiller les patients, ce que ne leur permet pas cette formation.

Autre critique : le nombre d’heures de présence à l’officine. En comparaison avec l’ex-CAP et ses 400 heures annuelles de cours, les 675 heures du bac pro monopolisent davantage l’élève à l’école. Phénomène aggravé par le passage aux 35 heures. « Le seul défaut de ce bac vient du fait que mon apprentie est deux semaines par mois en cours. C’est trop ! », conclut Georges Dahan (Colomiers). Malgré tout, sur deux ans, la présence à l’officine représente quinze mois à temps plein (voir entretien p. 28), et si ces jeunes bacheliers veulent prolonger leur formation par le BP de préparateur, ils auront déjà deux ans d’apprentissage dans une pharmacie. D’ailleurs, pour la grande majorité d’entre eux, la profession convoitée est celle de préparateur en pharmacie.

Bac pro + BP : une nouvelle filière officinale ?

Les pharmaciens auraient-ils engagé ces futurs bacheliers s’ils n’avaient pas souhaité devenir préparateurs par la suite ? « Pour moi c’est évident, elle fera le BP par la suite. Le bac pro, suivi du BP, peut déboucher sur de bons préparateurs », affirme Sylvaine Vary, qui pointe la différence entre son apprentie bac pro, Céline, et une apprentie BP de première année : « Céline est très orientée commerce, j’ai le temps de la faire participer à toutes les réceptions de commandes et au marchandisage. On s’occupera du médicament plus tard, en BP. » David Coudert (Vaucluse) précise que « le bac pro est impeccable. On prend un jeune sans bac, il va être deux ans derrière pendant le bac pro, deux ans devant durant le BP, et il deviendra préparateur en quatre ans. Un bac pro est formé pour la gestion du stock, pour fixer des prix. De plus, en manipulant des boîtes pendant deux ans, il apprend le nom des médicaments, le déballage et le pointage. Je l’initie même aux commandes en direct. J’ai quatre ans pour le former. »

Rien n’empêche en effet les plus curieux de ces apprentis de se renseigner sur le médicament, de poser des questions sur les pathologies. Muriel Verdier est apprentie en deuxième année de bac pro commerce officine à Toulouse et suit son apprentissage à la pharmacie du Jet d’Eau à Montauban (Tarn) : « Je ne suis pas à la délivrance car mon pharmacien attend que j’aie le BP. Il m’autorise à préparer les ordonnances derrière en m’expliquant beaucoup de choses. La préparatrice m’a prêté son Dorosz et le directeur du CFA de Toulouse, un Guide national de prescriptions. Le pharmacien répond à toutes mes questions et je participe aux réunions de notre répartiteur. Mon pharmacien et le CFA m’ont présentée au grand prix d’apprentissage du Sud-Ouest. » Avec bonheur puisqu’elle en a été la lauréate.

Les pharmaciens déjà directement concernés par l’intégration de ces jeunes ne s’y sont pas trompés, qui y voient une nouvelle filière de quatre ans pouvant remplacer l’ex-apprentissage en cinq ans. Ils jugent que la partie commerciale du bac pro commerce officine est un apport pour l’officine, que les matières enseignées donnent un côté dynamique à ce diplôme jugé plus intéressant que le CAP. Certains enseignants avouent d’ailleurs déjà commencer à peaufiner l’option officine en introduisant des notions de galénique et d’anatomie…

Repères : Baccalauréat professionnel commerce option officine (niveau IV)

– Modalités : préparé par la voie de l’apprentissage pour les 16-25 ans (à l’entrée de la formation) dans les CFA. Pour les plus âgés, le contrat de qualification est possible, mais non financé par l’OPCA-PL.

– Niveau d’entrée DES candidats :

– ayant un niveau de terminale ou de fin de première ;

– titulaires d’un diplôme de niveau V (CAP, BEP) ou plus ;

– justifiant de deux ans de pratique professionnelle après avoir arrêté les études.

– Durée des études : 2 ans dont 675 heures par an en CFA (contre 400 heures pour le BP et le défunt CAP).

– Présence à l’officine : certaines écoles proposent une semaine de cours pour une semaine à la pharmacie ; d’autres proposent 2,5 jours de cours (20 h/semaine) et 15 heures à l’officine.

Le contenu de l’enseignement

Les 675 heures annuelles sont découpées de la manière suivante.

– Enseignement général (40 % du temps)

Maths, français, histoire-géographie, langue vivante, arts plastiques et sport.

– Enseignement professionnel (48 %)

Marketing, marchandisage, économie-droit, gestion. Ces matières sont regroupées dans trois pôles :

– Pôle 1 = VENDRE

Contexte de l’activité commerciale : connaissance des produits et du marché, implantation de l’espace de vente, cadre juridique des échanges, circuit d’approvisionnement des achats et leur suivi, développement des ventes…

– Pôle 2 = GÉRER

Gestion commerciale (tableau de bord, gestion des produits et de l’espace de vente), gestion du personnel (réglementation, organisation du travail, communication interne…), gestion de la trésorerie (analyse et solution), gestion des équipements (besoins, critères et achats) et des tâches administratives, comptables et fiscales.

– Pôle 3 = ENTREPRENDRE

Recherche des informations et de partenaires afin d’élaborer un projet dans le contexte économique et juridique de l’entreprise, détermination des techniques de gestion, de financement et de communication.

– Module « pharmacie d’officine » (12 %)

Détermine le domaine d’activité commerciale dans lequel l’apprenti va mettre en pratique ses connaissances. L’enseignement porte sur :

– Les particularités de l’environnement juridique de l’officine : statuts, professionnels qualifiés, définition du médicament, du monopole, les règles publicitaires…

– L’administration et la gestion au sein de la pharmacie : organismes sociaux, tarification et suivi du tiers payant, fournisseurs, méthodes de rangement et de conservation des produits, gestion des périmés…

– La connaissance des produits non réglementés : la diététique (famille de produits, constituants alimentaires, besoins journaliers et rations alimentaires…), la dermocosmétique (produits cosmétiques et d’hygiène, structure et fonction de la peau…) et les accessoires d’hygiène (brosses à dents, biberons, protections…).

– L’épreuve orale du bac consiste à présenter trois travaux effectués à l’officine durant les deux ans d’apprentissage :

– Cinq fiches d’activité professionnelle : décorticage d’une tâche en analysant les objectifs, les moyens mis en oeuvre et les difficultés rencontrées.

Exemples : le rangement d’une commande, la télétransmission, la gestion des périmés, l’accueil téléphonique, la visite d’un représentant, l’implantation d’un produit à l’officine.

– Une fiche de conceptualisation pour présenter sa participation à une activité collective au sein de l’officine.

– Un mémoire : le projet professionnel officinal. Avec l’aide du pharmacien, élaborer un projet de A à Z, en termes de faisabilité et de financement. Exemples de thèmes : l’implantation d’une nouvelle gamme en dermocosmétique, l’agrandissement de la surface de vente, l’implantation d’une borne interactive, l’installation d’un automate…

A noter

Les aides à l’apprentissage pour le pharmacien : identiques à celles du BP (aide à l’embauche d’apprentis, indemnité de soutien à l’effort de formation de 1 525 à 1 830 Euro(s) et exonération des cotisations patronales et sociales). Pour toute demande, contactez votre CFA.