Un conseil associé parfaitement huilé
Florence Normand a fait de l’aromathérapie, de la phytothérapie et des médecines naturelles l’image de marque de son officine. Plus de 80 % de son conseil associé fait appel aux huiles essentielles. Toute l’équipe s’est formée, et des médecins lui envoient des patients. Une spécialisation qui lui a valu le prix Initiatives 2009 du « Moniteur ».
Associer Spasfon avec de l’huile essentielle de basilic, Smecta avec de la cannelle, traiter une cystite en ajoutant à la prescription du médecin de l’huile essentielle de monnaie-du-pape et des probiotiques, associer du Tea Tree à Ketoderm, du Ravinsara à Activir ou de l’hélichryse (immortelle) à un traitement antihémorroïdaire… Les solutions aroma et phyto que Florence Normand propose depuis trois ans et demi à ses patients ont fait florès : 70 % de ses nouveaux clients sont entrés dans son officine pour cette spécialisation. « Le travail du pharmacien est d’analyser l’ordonnance du médecin, qui donne des informations sur la maladie du patient. A partir de là, on peut faire du conseil associé », estime la titulaire. Le pari de la spécialisation n’était pourtant pas gagné : cette petite pharmacie d’à peine 85 m2, dont 30 m2 d’espace de vente, est installée dans une rue peu passante, sans visibilité et sans parking, dans une petite ville de 7 500 âmes qui comptait déjà deux grosses officines bien implantées.
Avant de revenir à Céret (Pyrénées-Orientales) il y a cinq ans, commune où elle a grandi, Florence Normand exerçait comme assistante depuis une quinzaine d’années, au gré des mutations d’un mari fonctionnaire. Elle n’avait jamais pu mettre en pratique son intérêt de longue date pour la médecine chinoise, la phyto, l’aromathérapie et les plantes en général. « Ce n’était pas l’optique de mes employeurs successifs », regrette-t-elle. A la quarantaine, elle a même songé à quitter l’officine pour changer de cap. Mais elle a finalement décidé de s’installer il y a trois ans et demi. Il ne lui a alors pas fallu trois mois pour vendre la maison qu’elle restaurait à Céret, acheter sa propre officine et mettre enfin ses principes et envies de médecine naturelle en application. « Je crois en une médecine réaliste qui ne se contente pas de soigner le seul symptôme mais aide la tête à dire au corps comment on peut s’aider à mieux guérir, voire à ne pas tomber malade. Les plantes peuvent contribuer efficacement à ce bien-être. » .
Familiariser la clientèle à l’aromathérapie
La pharmacienne met des huiles essentielles ou des plantes partout ! Dans ses conseils associés comme dans la publicité « faite maison ». Florence Normand n’a pas hésité à communiquer sur sa spécialisation en concoctant un mélange d’huiles essentielles pour desserts (six exactement, dont la fleur d’oranger) baptisé « Les secrets de Monique », en hommage à sa mère. Au début, deux fois par semaine, elle préparait un gâteau aromatisé à déguster au comptoir. Elle continue d’offrir des recettes de cuisine intégrant des huiles essentielles enregistrées dans le système informatique de l’officine. « C’était une façon de faire connaître notre spécialisation dans ce secteur, d’amorcer le dialogue et de familiariser les clients sur les possibilités de l’aromathérapie. Et ça a très bien fonctionné », note la titulaire.
Pour ses conseils en phytothérapie par exemple, la « maison » ne fait aucune préparation. Elle préfère travailler avec des laboratoires comme Santé Verte qui commercialisent des mélanges de plantes sous forme de comprimés. Mais pour les huiles essentielles, elle fait appel au Comptoir des pharmaciens ou à Phytosun Arôms qui propose de grands conditionnements. « Pour des traitements de courte durée à quelques gouttes par jour, cela nous permet de détailler au millilitre dans des petits flacons. Deux millilitres (= 30 gouttes) peuvent suffire pour multiplier par deux ou trois la rapidité de guérison des petites pathologies », précise la pharmacienne. A 2,50 Û le flacon, les clients adhèrent. Afin de faciliter l’administration, l’officine propose aussi au même prix des sticks imbibés d’huiles essentielles. C’est le principe de l’olfactothérapie que la pharmacie veut également développer, notamment comme complément de confort aux soins palliatifs et aux traitements de fin de vie. « Il existe des huiles essentielles spécifiques telles que la pruche ou la marjolaine très utiles pour les phobies, la verveine et la mandarine pour apaiser ou la cannelle qui, en olfactothérapie, aide en cas de dépression », explique Florence Normand, qui ajoute : « Les propriétés ne sont pas les mêmes selon que l’on diffuse du sec ou de l’humide ». Tour à tour, toute l’équipe se forme, à raison d’une session par an à Toulouse.
Un plan de formation sur deux ans
Dès l’achat de l’officine, la pharmacienne et toute l’équipe sans exception (une adjointe et deux préparatrices) se sont d’ailleurs formées pendant deux ans à différentes médecines naturelles. « Nous avons mis en place un travail de fond car il n’était pas question que l’on démarre quoi que ce soit tant qu’une seule d’entre nous n’était pas formée », résume la titulaire qui a établi un plan de formation au semestre. Au minimum deux jours par mois et par personne avec différents organismes (Form’utip, Axiopharm…) pour des sessions en aromathérapie, phytothérapie, homéopathie, olfactothérapie ou sur les probiotiques, très utilisés ici. Toute l’équipe va bientôt se former en chronobiologie.
Lors du point mensuel sur l’activité et les chiffres, un temps est consacré à l’autoformation : « A tour de rôle, l’une de nous forme les trois autres sur une huile essentielle qu’elle a étudiée ou résume une formation qu’elle a suivie », raconte la pharmacienne. Des formations dispensées sur place par les laboratoires, à l’heure du déjeuner, complètent le dispositif. Quant au e-learning, il a fait son entrée à la pharmacie Normand il y a six mois (merchandising, accueil client, conseil par pathologie, politique d’achat, de prix…).
Oubliés les sacs en plastique !
Dans cette officine, le système de management est très participatif. « La pharmacie, c’est une équipe. Si l’ensemble n’adhère pas au projet, ça ne sert à rien. Nous sommes très soudées. » Tout ce que la pharmacie Normand a mis en place a donc été discuté collégialement. Depuis le fond jusqu’à la forme : la couleur blanche de l’espace de vente venue remplacer les anciennes moquettes marron sur les murs et le bleu roi des sols et des plafonds, le papier à motif bulle plutôt zen de l’arrière des meubles et du comptoir, le bouquet de fleurs renouvelé tous les mardis, les diffuseurs répartis dans l’espace de vente, les vitrines qui sortent de l’ordinaire… Autre caractéristique : le choix de produits bio ou issus du commerce équitable. « Des gammes qui collent à notre image », insiste la titulaire. Depuis trois ans, les sacs en plastique ont été remplacés par des sacs en papier recyclable ou des sacs en toile de jute pour emballer les eaux de toilettes et les achats destinés à des cadeaux.
« Nous avons d’abord vu venir les 30-50 ans. Maintenant nous accueillons des personnes de 70 à 80 ans. » Le message auprès de certains médecins est aussi bien passé, avec un retour gratifiant.
« Nous récoltons les fruits de nos efforts depuis tout juste un an. » Un effort collectif récompensé par le prix Initiatives 2009 du « Moniteur » que la titulaire n’a pas voulu recevoir seule. « J’ai postulé pour l’équipe, pour les remercier de m’avoir suivie », précise-t-elle. Dans le droit fil de la « zen attitude » que veut promouvoir son officine.
Envie d’essayer ?
Les avantages
– C’est un service de plus apporté au patient.
– Une spécialisation développée avec sérieux permet à une pharmacie de se faire connaître et de gagner en notoriété.
– A terme, cette spécificité peut se traduire par une reconnaissance du corps médical.
– Cela permet aussi de développer une activité pour laquelle le pharmacien a de l’intérêt, si ce n’est une passion. Et de rendre plaisant l’exercice de son métier.
– Cette spécialisation contribue à « soigner l’âme et le corps ».
Les difficultés
– Une telle initiative est difficile à mettre en place.
– Elle représente un travail énorme et beaucoup de sacrifices. Réfléchir à tout ce qu’il faut mettre en place dans les moindres détails est chronophage.
– Cela ne peut fonctionner sans l’adhésion de l’équipe. Il faut donc prendre le temps de transmettre sa passion.
– Les formations, indispensables, impliquent l’absence régulière d’une ou deux collaboratrices, ce qui ne facilite pas l’organisation du travail dans une petite équipe.
Les conseils de florence normand
– Réfléchissez beaucoup au projet avant de vous lancer, pesez le pour et le contre. Prenez le temps nécessaire pour établir un plan d’action sur deux ans.
– Intégrez l’idée que le développement de l’activité sera long.
– Faites un bilan de son évolution tous les trois mois, seul, et avec l’équipe.
– Préparez-vous à un effort continuel.
– Ne montez ce projet que parce que vous y croyez, et non pas uniquement pour gagner de l’argent. Sinon, cela ne fonctionnera pas.
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