L’agencement au fil des ans
L’histoire de l’agencement des pharmacies est loin de se résumer à une affaire de goûts, de modes et de couleurs. Elle reflète avant tout les mutations de l’exercice professionnel, et en particulier la focalisation croissante sur la relation avec la patientèle, avec des conséquences sur l’organisation de l’espace et des flux comme sur le mobilier.
LA SURFACE DE VENTE
Longtemps réduit à la portion congrue, le front-office officinal ne va cesser de gagner du terrain sur la partie arrière à partir du début des années 1980. S’il ne représente qu’un quart de la surface totale avant cette époque, cette part passe à un tiers dans les années 1980, deux cinquièmes dans les années 1990 puis à la moitié dans les années 2000, pour devenir majoritaire aujourd’hui (deux tiers contre un tiers pour le back-office) dans des pharmacies globalement de plus en plus spacieuses. Ce basculement est étroitement lié à la forte progression de la parapharmacie dans le chiffre d’affaires. Une autre logique s’est inversée : autrefois, les choix en matière d’architecture intérieure intervenaient ex nihilo alors qu’aujourd’hui ils sont définis à partir de l’environnement et du projet d’entreprise. Les agenceurs se penchent désormais sur les flux et le merchandising. On parle de « parcours client » et de « scénarisation du point de vente ». Les évolutions réglementaires ont aussi un impact sur l’organisation de l’espace : la loi HPST (2009) incite à la création d’espaces de confidentialité, tandis que la loi ERP (2005) exige la mise en conformité des accès pour les personnes à mobilité réduite. Sur un plan économique, la nécessité de développer des relais de croissance pousse à créer des corners et autres shop-in-shop conçus pour des offres de services ou de produits spécifiques. Parallèlement, enseignes ou indépendants cultivent une image de marque déclinée visuellement de la vitrine jusqu’au comptoir en passant par un site internet. Toutes ces innovations s’inspirent souvent des tendances à l’œuvre dans les circuits sélectifs. C’est ainsi que pourraient se multiplier dans les années qui viennent des concepts axés sur l’« expérience d’achat », où l’effet de masse cède le pas à la théâtralisation du produit et à la qualité des matériaux et des ambiances…
LES COMPTOIRS
Dans les années 1960 et jusqu’au début des années 1980, les comptoirs forment encore une « barrière » en bois massif qui s’impose dès l’entrée dans l’officine.
Le début des années 1980 voit l’émergence des comptoirs individuels, liés au développement de l’acte marchand à l’officine. La médication officinale reste placée derrière les comptoirs, même si ces derniers commencent à être équipés de tablettes d’exposition.
A partir de 1990 et dans les années 2000, l’essor de l’OTC et du conseil associé entraîne l’éclatement des postes de vente, facilité par l’apparition des automates. L’arrivée de l’informatique permet de libérer de l’espace au comptoir, notamment pour y exposer la médication familiale.
Au tournant de la décennie suivante, la valorisation du libre accès passe par la création de postes avancés dévolus à l’accueil et au conseil. Avec le développement des outils digitaux, ils servent également au retrait des commandes passées à distance.
Les mobiliers de comptoir se font toujours plus design, ergonomiques, modulables, afin de présenter un maximum de produits, mais aussi d’être plus propices à la confidentialité.
LE BACK-OFFICE
Jusqu’au début des années 1980, la prééminence du back-office se justifie par l’importance de l’activité préparatoire des pharmaciens. Il fallait en outre héberger des stocks importants, dans des épis tout en hauteur qui nécessitaient l’utilisation d’échelles. Les années 1980 signent l’avènement des colonnes-tiroirs, créées dans les années 1960 en France. Pour s’adapter à une offre en forte augmentation l’organisation du back-office doit densifier le stockage, ce que permettent ces nouveaux mobiliers, équipés de moteurs. Signe de modernité, ils peuvent être visibles depuis le comptoir. Alors que les préparations ont cédé le terrain aux spécialités pharmaceutiques, la révolution, au début des années 1990, passe par la mécanisation des stocks, même si celle-ci ne s’impose que très lentement dans les officines. Les fabricants français conçoivent des modèles hybrides robots-automates pour gérer les fortes rotations. Ces appareils sont parfois délocalisés dans des mezzanines, à l’étage supérieur de la pharmacie ou à la cave. Ils sont aujourd’hui demandés dans la majorité des projets de réagencement. Depuis quelques années, le mobilier du back office met également l’accent sur l’ergonomie pour gagner en confort et performance.
LE MOBILIER
Avant l’ère du libre accès, les rares produits exposés dans l’officine le sont dans des placards vitrés, conçus sur mesure. Le matériau de prédilection est le bois, souvent du chêne. Côté couleurs, on s’en tient au vert et blanc. Au tournant des années 1980, des fabricants commencent à proposer du mobilier indépendant standard pour répondre à un besoin croissant d’attractivité. Les meubles sont alignés ou disposés en alcôve, pour créer, déjà, des espaces consacrés à des gammes spécifiques (hygiène, bébé…), osant parfois des teintes flashy.
Dans les années 1990, dans une conjoncture encore porteuse, l’investissement plaisir est de mise en matière d’agencement, quitte à verser dans l’excentricité. Les agenceurs s’entourent d’architectes, de bureaux d’études, pour développer linéaires et gondoles toujours plus adaptés aux besoins de l’officine et simples d’utilisation. Ils proposent également des éléments d’orientation et d’animation : hauts de rayon, bandeaux lumineux, signalétique…
Dans les années 2000, les effets de la crise commencent à se faire sentir avec une baisse des investissements et une inflation de courbes réconfortantes qui favorisent aussi la visibilité des produits. La couleur souffle le chaud et le froid, selon les goûts.
Tandis que la conjoncture s’installe dans le rouge et que les premières pharmacies low cost ouvrent leurs portes, des solutions émergent pour rationaliser les coûts au tournant des années 2010 : le mobilier métallique, emprunté à la GMS, permet ainsi de réaliser jusqu’à 40 % d’économies tout en offrant une modularité imbattable. L’épure s’inscrit également dans le registre esthétique, avec le recours au verre, à l’aluminium… sans oublier la notion d’éco-responsabilité qui conduit à privilégier les matériaux recyclables. Le relooking, apparu à la même époque, concilie les impératifs économiques et écologiques.
Depuis quelques années, le développement du merchandising et de la digitalisation donnent naissance à de nouveaux supports comme des bornes, des tables de démonstration… En parallèle, le mobilier stricto sensu se fait de plus en plus discret pour valoriser toujours plus le produit. Et comme pour boucler la boucle, un matériau fait son grand retour : le bois.
La devanture
Dans les années 1960-1970, la vitrine avait avant tout un rôle informatif et éducatif. Peu à peu, elle va être exploitée comme un outil de communication à part entière, l’un des rares autorisés aux pharmaciens. Dans les années 1990, on commence à oser l’affichage des prix et des promotions. Mais cet espace permet aussi de mettre en avant des compétences et offres spécifiques, par exemple avec l’exposition de matériel médical. Dans les années 2000, le discours s’anime, au sens propre, avec l’apparition d’écrans dont la technologie ne cesse de se perfectionner. Quant à la croix, qui servait au départ de simple repère, elle a fait l’objet d’un dépôt de marque professionnel en 1984 et, ces dernières années, est devenue également un support d’information.
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