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Michel-Edouard Leclerc
Le 30 mars, la cour d’appel de Colmar a rendu son verdict : les centres Leclerc ont le droit de poursuivre leur publicité sur les médicaments non remboursés. Douche écossaise pour la profession. Michel-Edouard Leclerc, lui, ne cache pas sa satisfaction. Et prépare déjà une nouvelle campagne de communication. Son objectif ? Interpeller politiques et grand public sur le prix des médicaments.
Vous gagnez en appel pour la deuxième fois contre les pharmaciens. Vous devez être satisfait ?
Michel-Edouard Leclerc : Je m’attendais à cette décision. C’est le deuxième épisode d’un feuilleton un peu pré-écrit. L’arrêt de la cour d’appel de Colmar a cependant deux mérites. Il rappelle le droit à la liberté d’expression pour une entreprise ou une personne morale, y compris les groupements de pharmaciens, et il met un terme à cette mauvaise polémique. On est, en effet, ramenés au vrai débat qui sort du corporatisme : les prix des médicaments non remboursés. C’est ce qui intéresse nos concitoyens. Quels sont les éléments qui composent les prix ? Qu’est-ce qui peut réguler ces prix ? Quel est le système économique qui peut les réduire ? Moi, je préconise une concurrence multiréseau dans le respect d’un même cahier des charges : présence des hommes de l’art, espace dédié, conseils. Il ne faut pas que le prix s’oppose à la qualité. Mais je comprends que cela soit un bouleversement conceptuel pour mes amis pharmaciens.
Allez-vous relancer votre campagne de publicité pour évoquer de nouveau les prix ?
M.-E. L. : Nous allons reprendre une campagne de publicité, mais en termes d’intérêt général. Encore une fois, je ne veux pas focaliser le débat sur l’intérêt corporatiste. Je veux interpeller les politiques : allez-vous continuer à dérembourser les médicaments ? Quelle autorité de régulation mettrez-vous en place ? Il faut aussi associer à ce débat les mutuelles et les associations de consommateurs. Il s’agit aussi d’un débat que les jeunes pharmaciens doivent aborder. Je veux interpeller tous les acteurs.
Quand lancerez-vous cette nouvelle campagne ?
M.-E. L. : Je ne répondrai pas à cette question !
Vous préconisez une concurrence multiréseau. Mais en affirmant, dans votre publicité de novembre 2009, que les prix varient de 1 à 3 dans les officines, vous reconnaissez que la concurrence s’exerce déjà dans le réseau pharmaceutique.
M.-E. L. : Je reconnais qu’il y a une concurrence entre les pharmacies, mais une concurrence inégale. Partout, en France, il y a des officines qui jouent le jeu. Je ne conteste pas la qualité des pharmaciens ni que le prix des médicaments non remboursés soit en France le moins cher d’Europe. Je ne conteste pas non plus toutes les avancées réalisées par la profession. Les officinaux doivent néanmoins accepter de dire que la concurrence n’est pas parfaite. Personne n’a contesté le relevé des prix que nous avons effectué pour notre campagne. Nous sommes partis de faits. Quand nous disons que les prix des centres Leclerc sont 4% moins chers que ceux de Système U, nous ne dénigrons pas notre concurrent. Nous constatons cette différence.
Lors de l’inauguration de Pharmagora, Roselyne Bachelot a réaffirmé la place du monopole pharmaceutique en faveur de la santé publique.
M.-E. L. : On peut être officinal mais pas naïf ! Le politique a toujours tenu deux discours. Roselyne Bachelot ne va pas être moteur dans la mutation de la pharmacie. Il s’agit d’un rapport de force entre les opinions publiques et des ministres de tutelle qui ne seront jamais moteurs dans les changements. Au-delà de la défense de l’officine, il faut demander aux politiques s’ils ne vont plus dérembourser. Je ne crois pas que la réponse soit positive.
Vous pensez donc gagner votre combat qui dure depuis plus de vingt ans, à savoir vendre des médicaments ?
M.-E. L. : J’ai gagné la bataille de la parapharmacie à coup de procès et non pas avec la puissance publique. Quand j’ai gagné, le marché de la parapharmacie a été boosté. On compte plus de parapharmacie en officine qu’en grande surface.
Vos adversaires expliquent justement que votre intérêt pour les médicaments est purement économique.
M.-E. L. : Cela fait trente ans que je travaille dans les centres Leclerc. J’ai une vision des blocages de la société française et des évolutions de la consommation. Les systèmes de régulation et de concurrence ne sont pas adaptés aux évolutions des modes de consommation. Mon apport, c’est d’avoir un coup d’avance. Le secteur de la santé va considérablement changer, notamment avec le développement de nouveaux services et prestations. Jacques Attali l’a dit : la santé est le grand marché porteur. Je ne suis pas contre la vente exclusive des médicaments au sens strict par les officines. Mais avec la multiplication des groupements, la vente sur Internet, il faut se poser la question de l’adaptation de nos réseaux de distribution. Sur le marché des médicaments non remboursés, il y a de la place pour tout le monde.
Mais surtout pour les pharmaciens, non ?
M.-E. L. : En Italie et en Pologne, ce sont les pharmaciens qui viennent voir les centres Leclerc pour travailler avec nous. En France, je travaille avec une quarantaine de jeunes pharmaciens intéressés par ce que nous faisons. Les pharmaciens qui partent à la retraite veulent céder leurs fonds de commerce sans se préoccuper des jeunes qui arrivent. Il y a un non-dit dans la profession sur ces jeunes qui se sont énormément endettés pour racheter une officine. Le costume de leurs pairs et de leurs pères est trop vieux pour que les jeunes pharmaciens y rentrent. Ils cherchent à adhérer à des groupements, à avoir un dialogue avec les consommateurs mieux marketé et mieux adapté.
En Italie, où les centres Leclerc vendent des médicaments non remboursés, vos adversaires affirment que les prix n’ont pas baissé.
M.-E. L. : Je peux vous affirmer que les prix ont baissé. Nous avons effectué des relevés de prix avant la libéralisation des prix par le gouvernement Prodi qui montrent un effet positif. Je ne suis pas un militant de l’automédication. Vendre des médicaments non remboursés, c’est ma manière de faire de la politique. Les corporations font trop la loi. Mais je veux dire que je ne fais pas une campagne contre les officinaux. Je ne cherche pas l’affrontement intercorporatiste. Je ne déglingue pas le système quand je dis que je suis moins cher. C’est une réalité.
Un deuxième arrêt en faveur de Leclerc
« Leclerc contre les pharmaciens ». Cela pourrait être le titre d’une série rocambolesque, si les enjeux n’étaient pas essentiels pour les officinaux.
Première saison. En 2008, les centres Leclerc lancent une campagne publicitaire qui demande que leurs « docteurs en pharmacie » puissent vendre les médicaments non remboursés « à prix E. Leclerc ». Tollé des pharmaciens d’autant plus vif que Leclerc compare les médicaments à des bijoux de luxe… Plainte de groupements professionnels (Univers Pharmacie, DirectLabo et Union des groupements de pharmaciens d’officine – UDGPO) qui estiment que les officinaux sont dénigrés. Les pharmaciens gagnent en première instance devant le tribunal de Colmar. Appel de Leclerc… qui gagne.
Deuxième saison. Fin novembre 2009, Leclerc relance une campagne. Plus de bijoux mais des comparaisons de prix entre officines. Les mêmes acteurs entrent en scène et la fin est identique : Leclerc gagne, en plaidant… le droit à la liberté d’expression !
Pour Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie et de l’UDGPO, le combat continue : « On a un intérêt économique et de défense de la profession. C’est un débat de société, une remise en question inacceptable. Nous avons un mois pour nous pourvoir en cassation. Pour l’instant, nous n’avons pas pris de décision. Mais ce qui est positif est que la campagne a cessé. » Yves Morvan, président de DirectLabo, avoue sa déception : « J’étais très optimiste sur l’issue. Les jugements du TGI et de la cour d’appel sont différents. C’est une question d’interprétation, car il s’agit d’une publicité d’opinion. C’est subjectif. Je suis content d’avoir mené ce combat. Plus on se battra, plus on aura de chances de retarder la vente par d’autres réseaux ».
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