Ma vie dans une para de GMS

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Publié le 11 avril 2009
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Les ouvertures de parapharmacies s’accélèrent en GMS. Leclerc compte aujourd’hui 120 points de vente, Système U teste un concept pilote tandis qu’Intermarché planche sur le sujet. Témoignages de docteurs en pharmacie, salariés de la GMS, sur leur exercice professionnel. Des diplômés plus sollicités que jamais par les enseignes.

Leclerc est bien décidé à devenir le leader de la parapharmacie. Aujourd’hui, 120 hypermarchés sur un total de 500 disposent d’un point de vente spécialisé. 200 docteurs en pharmacie y exercent. On y trouve également depuis quelque temps des préparateurs. « La présence de préparateurs aux côtés de docteurs en pharmacie vise à accentuer l’image santé pour la vente en particulier des compléments alimentaires et de produits spécifiques santé. Une vingtaine de nouvelles parapharmacies sont prévues en 2009 ainsi qu’en 2010 », précise Laurence Dubois, responsable du concept parapharmacie chez Leclerc.

La plupart des challengers de Leclerc préfèrent rester discrets sur leur stratégie. Même s’il est clair qu’ils accélèrent leurs prises de position sur ce marché. Carrefour, qui a ouvert sa première parapharmacie en 1995 à Nice-Lingostière, affiche aujourd’hui 82 parapharmacies et un total de 85 docteurs en pharmacie. Il n’est prévu cette année qu’une ouverture, réalisée en mars dernier à Auteuil. En France, fin 2007, quelque 70 magasins Auchan disposaient d’un espace santé beauté avec 13 créations en 2007. Outre ses espaces de para inclus au sein de ses magasins, le groupe Monoprix a lancé en 2005 le concept Beauty Monop’, un « cosmétiques-store ». Cinq magasins d’une surface de 140m2 et contenant 3 400 références ont ouvert à ce jour. Autres indicateurs : l’expérimentation par Système U d’une parapharmacie pilote dans l’Hyper U des Arcs (83), qui servira de modèle à une quarantaine d’autre et le recrutement récent, par le groupe d’indépendants Intermarché, d’un docteur en pharmacie chargé de réfléchir à un concept de para.

L’OTC en ligne de mire

Faut-il voir dans cet intérêt l’attrait généré par une possible sortie des médicaments OTC du monopole de la pharmacie d’officine ? Celle-ci est en tout cas dans tous les esprits des « pharmaciens de paras » que nous avons interrogés et qui trouvent la perspective intéressante. « Nous lançons un nouveau concept pour augmenter l’assortiment des parapharmacies de 4 000 à 6 000 références en moyenne et préparer l’arrivée des OTC. Un espace de 40 mètres linéaires environ, soit environ 15 m2, est prévu à cet effet », précise Laurence Dubois. Chez Carrefour, « l’OTC est en vente libre dans plusieurs pays d’Europe, rappelle de son côté Mirela Coadou, pharmacienne, responsable de la para de Chambourcy. Nous étudions cette possibilité mais tout se fera dans un cadre légal », insiste-t-elle.

L’attrait des responsabilités

Du coup, les enseignes sont aussi parties en chasse de diplômés. 60 à 80 postes seront ouverts à des pharmaciens chez Leclerc. 25 recrutements sont prévus d’ici à 2 ans afin de renforcer les équipes chez Carrefour tandis que Cora veut étoffer les siennes. Mais la grande distribution connaît, à l’instar de l’officine, des difficultés de recrutement. C’est souvent l’attrait des responsabilités qui a poussé nos témoins, en général anciens adjoints en officine ou cadres dans l’industrie, à suivre les sirènes de la GMS. Avec les contraintes qui incombent à ceux qui se définissent comme des chefs de rayon : un suivi journalier du chiffre d’affaires, un objectif de CA hebdomadaire, mensuel voire journalier, l’obligation pour certains d’ouvrir les jours fériés pour suivre l’animation de la galerie commerciale… tâches auxquelles il ne faut pas oublier d’ajouter l’inventaire et les jours fériés.

36 à 55 000 Euro(s) de salaire fixe

Pour attirer les recrues, les enseignes proposent une part fixe et une part variable en fonction d’objectifs. On nous annonce une part fixe de 2 300 euros brut chez Auchan avec un treizième mois, une prime individuelle, une prime annuelle, un intéressement et une participation aux bénéfices. Le pharmacien bénéficie d’un statut cadre à temps complet (214 jours travaillés par an) ou éventuellement d’un temps partiel.

Chez Leclerc, selon l’expérience, le cadre à mission qui travaille en forfait jours touche 2 600 à 2 800 euros brut sur 12 mois accompagnés d’un mois de participation, un intéressement et une participation variable selon les magasins, nous informe-t-on.

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Chez Carrefour, le salaire est basé sur 13,5 mois et un bonus, lié aux résultats, qui peut aller jusqu’à 3 mois liés, une participation et un intéressement. Un pharmacien junior gagnerait 38 500 euros brut par an à son embauche et 41 000 euros brut au bout d’un an. Le gestionnaire de la parapharmacie gagne, selon la taille, de 42 à 55 000 euros.

Frédéric Lespinet, responsable de la parapharmacie Leclerc à la Roche-sur-Yon (85)

Bientôt un espace de confidentialité

« Notre métier devrait être reconnu par l’ordre des pharmaciens. Il faudrait également modifier le cursus pharmaceutique pour inclure une spécialisation en 6e année. Je me définis comme le spécialiste de la cosmétique et du bien-être. J’ai travaillé au sein de l’industrie, en assurance qualité. Dans des missions courtes sur 2 à 3 ans. Faute de débouchés, j’ai voulu me diriger vers le commerce. La meilleure manière était d’intégrer une entreprise car je ne souhaitais pas faire d’école de commerce. Chez Auchan, j’ai pu devenir responsable d’une parapharmacie qui s’ouvrait en pays de Loire durant 7 ans. J’y ai effectué également des missions de formation. Depuis 4 ans, je gère une parapharmacie Leclerc de 120 m2 à la Roche-sur-Yon, qui est située dans la galerie commerciale. J’ai mis l’accent sur la formation de mon équipe, un pharmacien et trois esthéticiennes avec, une fois par mois, une demi-journée organisée par des laboratoires sur des produits. Et chaque semaine, j’anime une réunion pour rappeler les produits à conseiller. La motivation de l’équipe passe aussi par la culture d’entreprise. En tant que responsable d’un centre de profit, je dispose d’indicateurs à l’année, j’ai des objectifs en terme de chiffre, de marge, de frais de personnel, de stock, de rentabilité, qui sont fixés mensuellement, voire quotidiennement. Mes collaborateurs connaissent le chiffre d’affaires réalisé, la progression ainsi que la marge, ce qui n’est pas souvent le cas à l’officine. Nous pouvons choisir nos assortiments parmi ceux référencés par la centrale d’achats. Nous allons bientôt mettre en place le nouveau concept qui prévoit un espace de confidentialité et prépare l’arrivée de l’OTC. Nos clients ne trouvent d’ailleurs pas logique que ces produits ne soient pas déjà disponibles. Selon eux, le médicament qui n’est pas remboursé devrait être en vente libre. En 1988, on a dit que Leclerc allait faire perdre le marché de la parapharmacie à l’officine. Il n’en a rien été. Au contraire, cela a permis de développer le marché. Ce sera le même schéma pour le médicament OTC. »

Gilles chazeau, responsable de la parapharmacie Carrefour à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)

La GMS préférée à une reprise d’officine

« Mon équipe est constituée d’un pharmacien adjoint et de 5 esthéticiennes. J’ai été auparavant à la parapharmacie de Marseille durant 5 ans. C’est la revente de la pharmacie où je travaillais à Aubagne comme adjoint qui m’a amené à évoluer. Je n’avais pas envie de la reprendre. Je n’ai pas non plus recherché un nouveau poste d’adjoint car je n’étais pas sûr de retrouver un coefficient 500. J’ai donc suivi un DESS CAE, répondu à une annonce chez Géant Casino à Plan-de-Campagne (13), puis je suis venu à Carrefour en février 2001. Le travail consiste vraiment à gérer une petite entreprise, avec une centrale de référencement et des livraisons en direct, les négociations avec les commerciaux, la mise en rayon et la mise en place d’opérations promotionnelles, le travail avec les collaborateurs et le contact avec les clients. Nous avons développé des gammes de produits bio et de cosmétiques naturels pour suivre la demande depuis l’an dernier. Les ventes de compléments alimentaires représentent aujourd’hui le double de celles du bio. Nous proposons également des tensiomètres. Je ne verrais pas d’inconvénients à proposer également des médicaments OTC. J’ai un diplôme de docteur en pharmacie, j’ai exercé en officine. Il suffit de s’y préparer. »

Eric debusschere, responsable de la parapharmacie leclerc à Saintes (Charente-Maritime)

Il y avait trop de paperasse à l’officine

« J’ai été titulaire d’officine, en centre-ville puis en galerie commerciale, pendant 10 ans. Je l’ai vendue il y a 5 ans. Le métier a changé : j’avais l’impression de ne faire que de l’administratif. Je connaissais déjà l’univers des parapharmacies car j’étais également propriétaire d’une para. J’ai commencé par travailler au Leclerc de Bernay, un an. Je suis venu à Saintes plus près de ma famille. La moitié de mon temps est aujourd’hui consacrée au conseil au comptoir. Cela me permet de voir les rotations dans les rayons, d’entendre les remarques des clients sur les produits. Le reste du temps, je le passe entre les commandes et la mise en rayon. Le travail administratif est réalisé par le comptable du magasin. Chaque matin, je regarde le chiffre d’affaires réalisé la veille. C’est stimulant. Depuis janvier, les ventes connaissent une forte progression. Nous proposons sur 120 m2, 6 000 références, de la cosmétique classique au bio, en passant par les compléments alimentaires qui représentent 30 % des volumes, et la coloration, un petit marché en plein essor. Nous nous appuyons sur les plannings de programmation publicitaire pour la mise en avant des produits ainsi que les promotions proposées par notre centrale d’achats Le Galec. Les animations faites par les laboratoires le vendredi et le samedi boostent aussi les ventes. Le rythme est intensif même avec une équipe composée d’un pharmacien à mi-temps, de 2 esthéticiennes et d’une préparatrice en pharmacie mais, pour moi, le travail y est plus intéressant qu’en officine. »

Lucie pauchet, responsable de la parapharmacie auchan à Viry-Noureuil (Aisne)

Pour avoir des responsabilités

« J’ai participé à l’ouverture de la parapharmacie Auchan de Viry-Noureuil et j’en ai eu la responsabilité en novembre 2007. L’expérience du management a été une nouveauté pour moi. J’ai recruté moi-même mes collaborateurs : 2 esthéticiennes et 2 conseillères de vente. Les esthéticiennes s’occupent notamment du point rencontre beauté, ou sont proposés du maquillage et l’épilation des sourcils. J’ai délégué le suivi et la réception de certaines commandes aux membres de mon équipe sur les 3 000 références proposées par la centrale d’achats Auchan. Je sais que certaines officines responsabilisent également leurs collaborateurs mais je n’ai pas eu cette expérience quand j’étais assistante.

J’ai mis notamment l’accent sur les gammes bébés et les compléments alimentaires, surtout les produits minceur. Les promotions sont un outil de vente efficace, surtout les formats économiques ou les lots (3 produits pour 2). En revanche, je fais peu de promotions fortes sur les prix. Mais nous sommes situés en campagne et nous ne sommes guère confrontés à la concurrence directe de parapharmacies ou de pharmacies. Malgré le contexte économique, nos ventes n’ont d’ailleurs pas chuté. Notre clientèle revient toujours aussi régulièrement. »

Dominique catalano, responsable de la parapharmacie U aux Arcs-sur-Argens (Var)

Développer la phyto, l’aromathérapie, l’homéo… en attendant l’OTC

« Participer au lancement du concept  » U parapharmacie  » est un nouveau challenge pour moi qui exerce dans l’univers de la parapharmacie depuis une dizaine d’années. Outre les fonctions de conseil et de vente, je veille à la gestion du stock, à l’animation du point de vente, à la formation et au management de l’équipe de conseillères. Ce travail représente moins de responsabilités sur le plan thérapeutique que la gestion d’une officine et surtout moins de contraintes administratives liées aux organismes sociaux et mutualistes. Je pense que la place des parapharmacies va être amenée à évoluer dans les prochaines années. D’abord commercialement, car elles constituent un véritable service de proximité dans lequel le consommateur pourra trouver, pour un prix moindre, une alternative et un complément au réseau existant de pharmacies. Ensuite techniquement, car quand les parapharmacies seront amenées à délivrer des produits avec AMM, leurs clients auront encore plus besoin de la compétence d’un pharmacien. Pour moi, c’est hautement souhaitable : il faut exploiter l’opportunité de la présence de pharmaciens dans les parapharmacies. Les clients ne comprennent pas que ce ne soit pas déjà le cas ; ce d’autant plus que nombre de ces médicaments sont en accès libre dans les pharmacies, et qu’en raison de reportages télévisés parfois approximatif et surtout exagérés, ils sont persuadés, que l’Europe et la déréglementation le permettent partout ailleurs. Je pense qu’il serait également intéressant de donner une plus grande place qu’actuellement dans nos linéaires aux médecines alternatives : phytothérapie, aromathérapie, mais aussi homéopathie. Par ailleurs, il existe une demande importante pour le vétérinaire. La diététique est également très recherchée, mais ce type de produits génère un volume de stockage important et des problèmes de péremption rapide. »

Mirela coadou, responsable de la parapharmacie carrefour à Chambourcy (yvelines)

Reconnus par les laboratoires

« Je prépare la mise en place du nouveau concept de la parapharmacie pour le mois de juillet. La surface de vente passera de 120 à 200 m2. J’ai réalisé un chiffre d’affaires d’environ 1,4 million d’euros et une progression de 5 % en 2008. Pour continuer à progresser, il était nécessaire d’agrandir la surface et puis d’en faciliter l’accès. Un accès direct sera prévu de l’allée centrale, même si la parapharmacie restera un espace différencié, avec des meubles, un carrelage et une signalétique différents du reste de la grande surface. Le nombre de références proposées passera de 3 000 à 4 000 dont un grand linéaire de produits bio pour répondre à une forte demande de nos clients. Je passe les commandes en direct auprès des fournisseurs d’après un catalogue préétabli par la centrale d’achats du groupe et je fixe moi-même les prix. Les marques présentes en officine nous reconnaissent au même titre que nos confrères pharmaciens d’officine : nous vendons le maquillage La Roche-Posay, le dernier produit de Neutrogena qui est sorti en parfumerie et en pharmacie… Pour faire face à notre développement, nous allons embaucher un autre pharmacien. Tous ceux que j’ai formés ont évolué vers des postes à responsabilité. Cela a été mon cas. Je suis venue de Croatie en 1997. J’ai rejoint le groupe Carrefour en tant que junior en 1997. Six mois après, je suis devenue responsable de la parapharmacie de Chambourcy à la suite du changement de poste du responsable. J’ai la possibilité d’évoluer vers d’autres métiers comme celui de chef de secteur au sein du magasin ou de travailler au siège. Mais je préfère continuer à exercer mon métier. »

Marion ferrer, responsable de la parapharmacie Leclerc à Rouffiac (Charente-Maritime)

Le matériel médical devrait être une priorité, avant l’OTC

« J’ai fait des remplacements en officine de 2003 à 2007 en Haute-Garonne et dans l’Ariège. En tant que jeune pharmacien, il est difficile de s’installer et les responsabilités sont limitées. L’expérience acquise désormais chez Leclerc me permettrait de gérer une officine, si je devais m’installer dans un avenir proche. Lors des études de pharmacie, nous ne sommes pas du tout formés à des compétences comme la gestion ou le management.

Mon équipe est composée d’une esthéticienne, de deux conseillères que j’ai formées à la dermocosmétique, ainsi qu’une préparatrice qui est présente depuis un an dans l’optique d’un élargissement de nos produits à l’OTC. Mettre certains médicaments en libre accès à l’officine était une bonne idée (le but étant d’en faciliter l’accès aux clients et de baisser les prix). Malheureusement l’objectif n’a pas été atteint puisque ceux-ci n’ont pas vraiment diminué. Le prix est devenu un facteur important. Il devient même pour nous difficile de suivre la concurrence de certaines pharmacies toulousaines qui les cassent.

Il serait également intéressant de proposer du matériel médical, ce serait même une priorité avant l’OTC. Le petit matériel comme les colliers cervicaux, chevillères, coudières, ceintures lombaires, etc., reste cher et de moins en moins bien remboursé par la Sécurité sociale. L’homéopathie serait aussi une piste intéressante. Nous développons déjà l’aromathérapie, la phytothérapie et les Fleurs de Bach dans le cadre des médecines douces. Une des conseillères ainsi que la préparatrice suivront prochainement une formation sur les huiles essentielles. »

Retour à l’officine

« Travailler comme pharmacien responsable de la deuxième plus importante parapharmacie du groupe Carrefour [dans le centre commercial de Lyon Part-Dieu] était un défi. Cette embauche m’a donné l’opportunité, à 25 ans, d’encadrer une équipe de cinq personnes et de gérer un point de vente de plus de 100 mètres carrés, raconte Peggy Roy. La pression est énorme car il faut dégager un maximum de rentabilité. Mon responsable, chef de secteur alimentaire, suivait le chiffre d’affaires heure par heure, sans comprendre qu’un produit de parapharmacie n’est pas une boîte de conserve et qu’il était incongru de placer les packs de Coca-Cola à proximité des gammes de dermocosmétologie. Pour le reste, j’étais complètement autonome (commandes, ouverture du point de vente, stocks, management, fournisseurs, négociations…). Même si on ne dispense aucun médicament, je n’ai pas eu l’impression de galvauder mon diplôme. Au contraire, j’ai acquis de nouvelles compétences. Tout ce qui a fait le succès de la GMS, et que l’on n’apprend pas à la fac, est applicable à la pharmacie : merchandising, gestion des stocks, négociation commerciale… Aujourd’hui, je valorise cette expérience dans une pharmacie où j’exerce comme adjointe. Je gagne le même salaire qu’en GMS sans travailler 45 heures. Fabienne Rizos

« En GMS, le pharmacien n’est pas toujours présent »

Après 15 années d’officine comme adjointe, Mathilde* devint responsable de la parapharmacie d’un grand magasin à Marseille. « On était au début des années 1990 et je passais pour un pharmacien félon. » Mais en officine, « les titulaires ne savent pas utiliser le potentiel des assistants. Ils veulent tout gérer seuls. C’est dommage pour eux et pour leurs collaborateurs ». Les premières années, son nouveau cadre de travail lui aura donné satisfaction. Salaire de base identique à celui de l’officine, treizième mois, chèques cadeaux, pourcentage sur les ventes… : les conditions financières étaient convenables et Mathilde ne comptait pas ses heures, ayant carte blanche pour les promotions, les commandes, la gestion des stocks, le merchandising, etc. « L’acheteuse du groupe me faisait confiance, d’autant que les outils très pointus dont nous disposions permettaient de gérer finement les stocks. » Elle doublera le nombre de marques et le CA se développera, dans un contexte où la concurrence faisait rage sur les prix. « Mais le magasin n’a pas voulu entrer dans ce jeu. Nous avions préféré nous positionner sur le nombre de gammes et leur profondeur. » « Le pharmacien de parapharmacie n’est pas un vendeur d’épicerie », tient-elle à préciser.

Après le rêve… le cauchemar

Mais après quelques années « de rêve », la situation se gâtera : rachat du groupe, impression de reculer dans la hiérarchie sous une pyramide de chefs. Elle doit aussi faire avec des acheteurs « incompétents dans le domaine. Tout d’un coup, on me prenait pour une demeurée ». Elle trouvera une porte de sortie… au moment du passage aux 35 heures. La direction demandait de choisir entre le forfait + jours de congé ou 35 heures (payées 39) sans congé. Elle sera l’une des rares à choisir la seconde solution… à la désapprobation générale. Ce qui lui permettra de tenir bon jusqu’à la retraite, prise récemment. Et de ne pas voir l’OTC en GMS… « J’espère qu’on n’en arrivera pas là. Je pense qu’il n’y aura pas toujours de diplômés pour alerter les clients sur les risques liés à un médicament pris en libre accès, contrairement à ce que garantit l’officine. En GMS, le pharmacien n’est pas toujours présent, pour cause d’absence, déballage, administration… »

Dominique Fonsèque-Nathan * Prénom changé à la demande de la pharmacienne