Les GMS se disent prêtes à tout

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Publié le 30 novembre 2002
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Nul ne s’en étonnera, la règle de base des responsables des magasins visités à qui nous avons demandé une réaction aura été la loi du silence. Mais les plus bavards ne ménagent aucune ambiguïté : ils attendent le médicament de pied ferme.

Ils jouent souvent les ingénus, comme au Centre Leclerc de Limoges, dont le directeur, monsieur Landais, ne veut pas parler de sa parapharmacie et déclare qu’il ne pense pas avoir en rayon des produits réservés au monopole : « Je n’ai que des produits référencés nationalement [NdlR : par la centrale d’achats]. » « Nous ne vendons pas de médicaments dans nos espaces santé-beauté, même si nous y avons des docteurs en pharmacie recrutés pour répondre aux contrats d’agrément des laboratoires », explique Vincent Wanert, responsable de ces espaces chez Auchan (40 espaces en France d’un CA moyen de 1,52 MEuro(s) (2,29 MEuro(s) pour les plus importants) à 80 % en cosmétiques et 20 % en parapharmacie, produits de régime, compléments nutritionnels et vitamines.

Quant à savoir si ces derniers produits sont à classer dans les médicaments, Vincent Wanert fait le constat qu’en France, « c’est du ressort du juge ». « Si la loi nous interdit de vendre la vitamine C, nous ne vendons pas…, déclare-t-il [NdlR : une affirmation démentie par le revers subi en justice par Auchan Englos pour vente de produits à base de plantes et de vitamine C]. Pourtant, en Angleterre, Boots vend en libre-service des tests de grossesse, des tests de diagnostic, l’homéopathie, le paracétamol, l’aspirine ou des associations AINS-paracétamol !… »

Une demande de plus en plus forte du public.

Selon Vincent Wanert, le « lobby des pharmaciens » pour défendre le monopole est toujours aussi présent. « Mais si nous vendons ces produits, c’est que la demande est de plus en plus forte. Ils ont la caution de la pharmacie et nous les vendons 20 à 30 % moins chers. Si demain la loi nous autorise à vendre de l’aspirine, de la médication familiale, il faudra que nous soyons prêts. Sur les produits frontière, je ne reconnais pas le monopole. Il fut une époque où le Canderel, sucre de synthèse, ou les laits maternisés étaient du ressort du monopole des pharmaciens ! »

« Nous vendons de la vitamine C Cerola 500 mg, avoue un autre responsable des achats, sous couvert de l’anonymat. Mais elle est sécable en quatre. Si la loi nous interdit de vendre, nous ne vendons pas. Sauf si les concurrents en vendent… Ainsi en est-il de l’alcool à 90°, des tests de diagnostic… »

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« La législation est floue, commente de son côté le responsable de rayon d’un Centre Leclerc de l’agglomération nancéienne. Et compte tenu des nombreuses actions intentées contre nous au cours des dernières années, nous nous assurons toujours auprès de nos fournisseurs de la possibilité de commercialiser certains produits. » Il admet que « [ses] employés n’ont pas de formation spécifique pour diffuser ce type d’articles, mais en l’occurrence il ne s’agit pas d’achat d’impulsion. Les consommateurs savent exactement ce qu’ils viennent chercher ».

La Sécu sauvée par les GMS ?

Autre point litigieux : la loi impose la présence d’un pharmacien pour vendre de la parapharmacie, ce qui n’est manifestement pas toujours le cas. Comme à Limoges, où les responsables professionnels ont eu connaissance du fait que Leclerc cherchait à recruter un jeune pharmacien pour remplacer l’un des deux pharmaciens de son centre de para. Avec les 35 heures, le seul pharmacien restant actuellement peut-il être présent à toute heure ?

Dernier argument croustillant donné à la volée, le trou de la Sécu. La grande distribution serait tout à fait prête à venir au secours de l’assurance maladie ! Par exemple en prenant le relais sur les produits « un peu frontière comme les veinotoniques »

Point de vue

« Les laboratoires devraient comprendre qu’ils ont intérêt à ne pas se lier les mains à quelques centrales d’achats. Il vaut mieux avoir 23 000 clients différents. »

Stéphane Pichon, conseil de l’Ordre PACA.

-« Certains références de GMS m’agacent au plus haut point. Prenez le cas de Quies qui n’a toujours été vendu qu’en pharmacie. Aujourd’hui, ils déclinent des gammes de produits pour la grande distribution, notamment un spray qui ne contient que de l’eau purifiée et de l’eau de mer. La marque légitime le produit et, surtout, le fait passer pour un médicament. Incontestablement, Quies se sert de sa notoriété ».

Roger Grebert, président du syndicat du Vaucluse.

A noter

Casino et Auchan viennent de regrouper leurs directions d’achats internationales au sein de la société commune International Retail and Trade Service (IRTS). Histoire d’être encore plus puissants dans leurs négociations face aux grandes marques.