Le digital et l’humain peuvent s’allier

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Publié le 1 juillet 2019
Par Peggy Cardin-Changizi
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KARINE SCHRENZEL EST UNE ENTREPRENEUSE NÉE. CO-FONDATRICE DU GROUPE SHOPINVEST DEPUIS 2011, ELLE NOUS EXPLIQUE SA VOLONTÉ FAROUCHE QUI L’A CONDUITE, AVEC SON MARI, À REPRENDRE – ET À RELANCER – LES 3 SUISSES, MARQUE EMBLÉMATIQUE DU PATRIMOINE FRANÇAIS.

Après une première vie professionnelle dans le secteur de la finance, Karine Schrenzel devient entrepreneure et fonde le site de cosmétique masculine, MenCorner, en 2007. En 2011, elle lève 1,3 M d’€, s’associe avec Olivier Gensburger – également son mari – et démarre sous la bannière ShopInvest, qui rassemble différents sites de mode et de déco. En 2019, Karine et son associé se lancent un nouveau défi de taille : relancer les 3 Suisses.

« Pharmacien Manager ». Quelles ont été vos motivations pour entreprendre ?

Karine Schrenzel. D’abord, j’ai toujours eu l’envie d’entreprendre. Issue d’une famille d’entrepreneurs, la fibre entrepreneuriale m’a été transmise. Puis, j’ai passé les trois premières années de ma carrière professionnelle dans la finance, au contact d’entrepreneurs talentueux qui m’ont profondément inspirée.

P. M. Comment se porte, aujourd’hui, le marché des cosmétiques masculins ?

K. S. Lorsque j’ai lancé le site MenCorner en 2007, la cible masculine était mal identifiée et il n’existait pas de spécialiste de l’offre cosmétique pour homme sur le web. Ce contexte laissait entrevoir une belle opportunité de développement. Mais, plus de dix ans après, le marché des cosmétiques masculins demeure assez resserré en France. Pour autant, nous avons continué de l’investir, notamment en rachetant notre concurrent historique, Comptoir de l’Homme, qui nous a permis de conserver notre position de leader sur ce secteur.

P. M. Quels sont les secteurs sur lesquels vous êtes présents ?

K. S. Le groupe ShopInvest, que j’ai fondé en 2011, compte aujourd’hui dix sites spécialisés autour de la mode (prêt-à-porter, lingerie, bijoux), la maison (linge de maison, déco…) et les cosmétiques. C’est avant tout une aventure humaine, que nous avons construite à deux, avec mon mari, Olivier Gensburger. Notre pari ? Faire rimer rentabilité et e-commerce, avec une exigence à tous les niveaux : qualité de l’assortiment, des prix justes, service de haut niveau et un fort investissement dans la technologie et les synergies entre nos différentes activités.

P. M. Comment voyez-vous l’évolution du e-commerce ?

K. S. On assiste, aujourd’hui, à une grande tendance d’utilisation de la data et de l’intelligence artificielle dans le e-commerce. Selon moi, la personnalisation automatique rendue possible par ces outils n’est plus de la personnalisation, mais participe, au contraire, à une uniformisation des offres. Les consommateurs aspirent à un modèle qui serait une alternative à cette efficacité froide, pas uniquement fonctionnel mais humain, une sorte d’e-commerce à la française avec une véritable sélection éditoriale, une attention et un conseil en plus en faveur du client.

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P. M. Vous venez de racheter les 3 Suisses. Quelles ont été vos motivations ?

K. S. Nous rêvions de reprendre une belle marque patrimoniale, comme les 3 Suisses. Nous avions essayé de la racheter une première fois en 2016 et nous n’avons pas abandonné ! Notre principale motivation était de transformer cette marque chère au cœur des Françaises en une enseigne en phase avec son époque, à la fois digitale, moderne et humaine.

P. M. Comment allez-vous capitaliser sur cette marque forte ?

K. S. Les 3 Suisses bénéficient d’une notoriété, qui nous confère une certaine confiance de la part des consommatrices, mais aussi des fournisseurs qui croient au projet. Avec les 3 Suisses, nous voulons démontrer que le digital et l’humain peuvent parfaitement s’allier. A nous de proposer aux consommatrices un supplément d’âme, d’attention, de gentillesse, qui manque parfois cruellement au web.

P. M. A l’heure du digital, pourquoi maintenir le catalogue papier ?

K. S. C’est un objet emblématique des 3 Suisses, mais surtout un vecteur d’émotions et un important canal de communication avec nos clientes. Nous faisons le pari de conserver le catalogue, mais sous un format plus agile, plus dynamique, avec des cycles de vie plus courts, adaptés à notre nouvelle manière de consommer. C’est un outil important qu’il faudra apprendre à allier avec notre connaissance de la data, afin de déterminer les préférences de chacun pour un support papier ou plutôt digital.

P. M. Comment allez-vous créer une nouvelle relation client ?

K. S. Notre base de données compte 8 millions de clientes, dont 2 millions interagissent régulièrement avec la marque. Pour que les 3 Suisses redeviennent la marque « Chouchou » des Françaises, nous avons initié il y a quelques mois une grande conversation sur les réseaux sociaux. Ainsi, chaque Français a pu donner son avis et dessiner avec nous l’avenir de la marque. Parallèlement, nous souhaitons mettre en avant les clientes de la marque sur nos plateformes sociales. Chaque saison, six d’entre elles, aux styles différents, seront choisies pour partager leur sélection de pièces préférées.

P. M. Le made in France est-il devenu un critère d’achat ?

K. S. Les consommateurs sont en attente d’une alternative à un commerce désincarné et en quête d’un contact humain. On le ressent par la vague de sympathie et de confiance que nos clients nous ont témoigné, ravis de voir une marque française perdurer. Par ailleurs, je suis convaincue qu’une entreprise doit jouer un rôle sociétal, en participant à une consommation plus responsable.

P. M. Seriez-vous intéressée par la parapharmacie ?

K. S. Oui, mais c’est un secteur où les prix sont particulièrement challengés !

P. M. Certains de vos produits pourraient-ils être vendus en pharmacie ?

K. S. Oui, bien sûr ! Le réseau des pharmaciens est l’un des plus grands réseaux en France et c’est surtout un réseau de proximité qui allie l’humain et le conseil, à l’image de ce que nous proposons sur nos sites.

PDG DES 3 SUISSES