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De la pâte dentifrice al dente
Seul un Italien pouvait créer une ligne de vêtements ultrachic et un dentifrice à l’intention des gourmets. Egalement passionné de vin et de cuisine, cet inventeur se nomme Andrea Nicola, est pharmacien à Aoste et son officine attire de nombreux touristes. Suivez le cicérone !
Une pâte verdâtre jaillit du tube blanc tandis qu’une légère odeur de clou de girofle envahit la pièce. En bouche, une sensation crémeuse émoustille la langue. Il ne reste plus qu’à se brosser les dents, comme on le ferait avec n’importe quel dentifrice. Au final, l’haleine est fraîche et, comme le vante le produit, aucun goût de menthe ne reste. A défaut d’un verre de vin, on avale un thé pour vérifier que rien ne vient en altérer la saveur. Oui, le dentifrice pour « oenogastronomes » – comme on dit chez les Italiens – fonctionne !
C’est Andrea Nicola, pharmacien de 39 ans installé à Aoste, ville italienne enclavée par les plus hauts massifs alpins d’Europe, qui est l’inventeur de ce dentifrice pour gourmets. Un dentifrice qui respecte les papilles et ne laisse pas de goût en bouche. Chemise rayée et col ouvert, il accueille le visiteur dans son petit bureau situé au-dessus de son officine. « Un de mes hobbies est le vin et la cuisine. Je suis d’ailleurs membre de l’Académie italienne de la cuisine et j’écris dans des revues oenogastronomiques, explique-t-il. Il y a trois ans, j’ai eu l’idée de créer un dentifrice qui respecterait au maximum les papilles gustatives et l’équilibre de la bouche. La plupart des dentifrices sont à base de menthe ou fortement salés, ce qui est très mauvais pour la dégustation. Je voulais, au contraire, concevoir un produit délicat. » C’est lors d’une garde dans la pharmacie qu’Andrea Nicola a trouvé la recette secrète. « De la sauge, une pointe d’argile et des arômes naturels, énumère-t-il. J’ai fait de nombreuses recherches pour trouver une formule qui n’irrite pas les muqueuses. »
Les touristes font le détour pour visiter l’officine
Après la création, tout est allé très vite. Pour la fabrication, le pharmacien décide de s’adresser à un laboratoire implanté dans une ville voisine : « Techniquement, il fallait peaufiner le dosage. Et puis, le laboratoire était la meilleure solution d’un point de vue logistique et fiscal », précise Andrea Nicola. Le brevet est déposé auprès de la chambre de commerce d’Aoste en mai 2005. Quelques mois après, le « dentifrice pour gourmets » est lancé sur le marché. Le succès est immédiat. Deux des plus grands restaurateurs italiens, Antonello Colonna et Davide Scabin, affirment l’utiliser. La presse, inévitablement, en parle. Aujourd’hui, les touristes amateurs de bonne chère font le détour par l’officine pour acquérir le fameux tube de 100 g (au prix de 9,90 euros). Le dentifrice est également en vente dans des restaurants de prestige, type Relais & Châteaux, ainsi que dans certaines pharmacies du Piémont et du Val d’Aoste. Andrea Nicola souhaite même le comercialiser partout dans le monde. « Il suffit de contacter mon distributeur et d’acheter au minimum douze dentifrices », indique-t-il de sa voix grave.
Le pharmacien d’Aoste se serait-il transformé en businessman ? Il affirme que non et que cela reste avant tout un jeu. Pour preuve, il met en avant le faible montant de son investissement financier : « Ma mise de départ n’atteignait même pas 1 000 euros ! Je n’avais pas la prétention de faire un dentifrice de la dimension de Colgate mais je voulais offrir quelque chose à mes amis, aux producteurs de la vallée qui me laissent souvent leurs produits comme cadeaux. Ce dentifrice est né comme ça, sans intention de faire du business. Cela reste avant tout un hommage à ces personnes avec qui je partage cette passion de la bonne chère. »
Il n’empêche, grâce à son invention Andrea Nicola a gagné en notoriété. « Cela m’a donné l’opportunité de connaître des personnes du monde culinaire », admet-il. Tel le célèbre affineur de fromages italiens Guffanti qui, séduit par ce dentifrice, envisagerait de le distribuer dans le monde entier. Andrea Nicola pourrait donc un jour faire partie de cette lignée de « pharmaciens inventeurs » dont le plus célèbre reste sans doute l’Américain John Pemberton. Au XIXe siècle à Atlanta, il inventa le Coca-Cola ! Une comparaison qui pourrait toutefois donner des aigreurs à plus d’un gastronome…
Fondateur d’une ligne de vêtements
Mais ce destin n’intéresse pas le pharmacien italien. Car cet amoureux du Val d’Aoste, très bon joueur de golf (handicap 7), donne la priorité à une autre passion. « J’ai toujours adoré les vêtements, la mode classique, dans le style british, livre-t-il. Quand j’ai fait mes études de pharmacie, à Gènes, se trouvait la boutique d’un des cravatiers les plus importants d’Italie. Je me rappelle qu’à chaque examen réussi mes parents m’en offraient une. » Et, de cravate en cravate, le pharmacien-golfeur-oenogastronome a fondé il y a quatre ans, avec son épouse et des amis, la griffe Valgrisa. « Mon invention du dentifrice est intéressante, mais le plus important, pour moi, c’est cette ligne de vêtements. Je passe toutes mes heures après le travail à m’en occuper. »
Ne tenant plus, Andrea Nicola nous entraîne dans les petites rues d’Aoste, entre ruines romaines et tour médiévale, pour présenter son show-room. « Notre marque propose des habits aux formes et matières inspirées du style alpin ancestral, mais relookés et modernisés par le styliste Luciano Barbera », résume-t-il. Elle est distribuée dans quarante points de vente dans le monde, dont un à Val-d’Isère. Le pape Benoit XVI possède lui-même une veste Valgrisa, offerte lors de ses vacances dans le Val d’Aoste, en 2006, par l’épouse d’Andrea Nicola.
Dans son officine de 300 mètres carrés située en plein centre-ville face à un pré où paissent des vaches, Andrea Nicola rêve aujourd’hui de faire la une des magazines de mode. Même s’il trouve encore le temps de jouer les Archimède pendant ses tours de garde. Son projet du moment ? Créer un dépuratif naturel pour ceux qui, comme lui, « aiment un peu trop les plaisirs du vin et de la table ».
Les pharmaciens italiens définissent la pharmacie comme « la casa della salute » (« la maison de la santé »). Andrea Nicola pourrait y ajouter : « et du bien-être ».
Envie d’essayer ?
Les avantages
– Des touristes font désormais le déplacement pour découvrir l’officine dans laquelle le dentifrice pour gourmets a vu le jour !
– Au-delà de cet épiphénomène touristique, Andrea Nicola estime que cette invention lui a apporté une certaine reconnaissance dans le monde des produits naturels.
Les inconvénients
– La fabrication d’un dentifrice en petite quantité n’est pas si simple et il est difficile de s’en sortir seul. D’où la nécessité de se tourner vers un laboratoire partenaire pour la production.
– Créer est une chose. Reste ensuite à surmonter certaines formalités administratives, qui peuvent être différentes d’un pays à l’autre et qui n’ont parfois aucun sens. La créativité d’Andrea Nicola est bridée par les normes italiennes qui rendent les préparations quasi impossibles dans les officines.
Les conseils d’Andrea Nicola
– « Je conseille d’inventer un produit qui a un sens par rapport à ses passions ou sa culture. Il ne faut pas oublier que ce dentifrice, par exemple, est certes un objet sans grande valeur, mais il représente l’image de notre pharmacie. »
– Une nécessité impérieuse : l’organisation ! Aussi bien à l’officine que pour le développement du produit proprement dit (conception, production, commercialisation). Les conseils de la chambre de commerce sont un atout. « Il faut toutefois être très attentif, en amont, à la législation de chaque pays », insiste le pharmacien.
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