[Vidéo] Vente en pharmacie : pourquoi les codes vont être bouleversés

[Vidéo] Vente en pharmacie : pourquoi les codes vont être bouleversés

Publié le 22 juin 2023
Par Magali Clausener
Mettre en favori

Le deuxième débat 2023 du Moniteur des pharmacies s’est déroulé à Paris le 1er juin, dans le cadre du prestigieux hôtel Shangri-La Paris. Le thème ? Les tendances retail qui pourraient bien révolutionner la vente en pharmacie. Plus de 200 titulaires, adjoints, préparateurs et étudiants ont assisté à cet échange qui a souvent mis à mal leurs idées reçues.

Quelles sont les évolutions qui vont bouleverser le monde de l’officine ? Quelles sont les grandes tendances de consommation que les pharmaciens doivent prendre en compte ? Quelle stratégie adopter pour séduire et fidéliser les clients-patients ? Autant de questions posées lors du deuxième débat du Moniteur des pharmacies, organisé le 1er juin à l’hôtel Shangri-La Paris, et auxquelles ont répondu trois experts : Olivier Babeau, fondateur et président de l’Institut Sapiens, Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights à l’agence Nelly Rodi, et Aurélie Paquier, directrice générale de Vu merchandising identitaire.

Tout s’accélère 

Premier constat : le numérique et l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) marquent un nouveau tournant dans l’évolution de nos sociétés. Olivier Babeau a largement insisté sur le phénomène d’accélération. « L’âge de pierre a duré trois millions d’années, le passage entre l’âge de bronze et l’âge de fer deux millions d’années. Soixante-six ans se sont écoulés entre le premier vol des frères Wright en 1903 et le moment où l’on a marché sur la Lune. Combien de temps a-t-il fallu à Netflix pour avoir un million d’utilisateurs ? Trois ans et demi. Et pour ChatGPT : cinq jours, a-t-il observé. Cela s’accélère parce que les pratiques sont de plus en plus virales, les informations s’échangent en permanence dans le monde entier. »

Pour Olivier Babeau, ChatGPT est une technologie à usage général comme l’écriture, l’imprimerie ou l’électricité. « Elle va toucher tous les secteurs. Toutes les activités vont être impactées, plus ou moins vite. Nous allons avoir un robinet d’intelligence pour un coût global par mois équivalent quasiment à celui de Netflix. En fait, personne n’a jamais vécu cette situation », a-t-il relevé. « Le numérique est une lame de fond et il n’y a pas de raison qu’elle ne touche pas les pharmaciens, a abondé Aurélie Paquier. En revanche, restez vigilants et gardez le contrôle. Servez-vous de ces outils comme des outils et non comme la solution magique qui va complètement changer l’officine. » De fait, selon Olivier Babeau, le pharmacien ne va pas être remplacé par l’IA, mais par un pharmacien qui va utiliser l’IA et qui sera capable, dans un monde où les informations, vraies et fausses, ne cessent de circuler, d’être un tiers de confiance auprès de ses patients. « Ceux qui ont la couche de séniorité vont pouvoir utiliser à leur profit et au profit des étudiants et des patients cette IA qui va leur permettre d’être plus rapides, plus exacts, et de fournir une information de meilleure qualité, plus large. Ils vont pouvoir apporter un service de santé publique de meilleure qualité », estime le président de l’Institut Sapiens.

Publicité

Un monde fracturé

Si l’utilisation des outils digitaux et de l’IA devient une réalité incontournable, les pharmaciens doivent aussi tenir compte de l’évolution des consommateurs qui sont aussi des patients. « En ce moment, nous sommes tous perdus. Personne ne sait plus dans quel sens il faut aller. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Il y a une perte de confiance, les gens sont dans le doute, l’insécurité. C’est assez schizophrène, quand une tendance émerge, on a aussi son contraire et c’est ce qui nous déstabilise. Il y a aussi un état d’esprit à la radicalisation », a expliqué Vincent Grégoire avant d’évoquer les nombreuses fractures qui traversent nos sociétés : entre l’Ouest et l’Est, entre les riches et les pauvres, entre les générations, entre ceux qui croient et ceux qui se fabriquent des croyances…

Dans ce contexte, il identifie quatre types d’individus. « Les éducateurs veulent être en symbiose avec leurs interlocuteurs, la nature, les éléments, avec eux-mêmes. Ils recherchent de la sollicitude, du soin, de la bienveillance, de l’attention. Il faut leur donner de l’engagement, du sens », a-t-il détaillé. Deuxième profil : les simulateurs. Ces derniers sont baroques et superstitieux. Ils s’intéressent aux choses irrationnelles, incroyables, merveilleuses. Ils peuvent dans le même temps mélanger le réel et le virtuel et aller plus loin dans l’exploration des nouveaux mondes. Il s’agit à la fois des jeunes issus de la génération Z et des baby-boomers. Troisième typologie : les instinctifs. « Ce sont des clients en attente d’engagement, sensibles à des valeurs morales : RSE [responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, NdlR], droits sociaux, droits humains, traçabilité des produits. Il leur faut du spectaculaire, de la solidarité, de la synergie, de l’horizontalité. Ils sont aussi dans la sécession, les ruptures », a résumé le chasseur de tendances. Dernier profil : les performants. Ceux-ci sont en attente de reprendre le contrôle, en particulier sur leur santé, leur intelligence, la production. Ils sont très attirés par la science, l’écologie positive, le développement durable. Ils ne sont pas dans la punition et le coercitif, mais dans la récompense. La démocratie, le confort, le bien-être et la santé mentale font partie de leurs valeurs. Quel que soit le profil de leur patientèle-clientèle, les pharmaciens ont tout intérêt à ne pas être dans la banalisation et la standardisation. « Si vous avez une idée, un message, une identité forte, claire, lisible, et que vous y allez à fond, vous êtes plus facilement identifiable, a lancé Vincent Grégoire. Quelle est votre identité ? Votre personnalité ? Quelle est l’histoire que vous avez envie de raconter ? Quel message souhaitez-vous faire passer ? On parle de territoire de marque, vous êtes une marque. »

La différenciation : un avantage concurrentiel

Un discours largement étayé par Aurélie Paquier. « Le contexte économique vous accule à prendre des décisions vite pour regagner de l’argent et, malheureusement, lorsque vous visez la grande distribution comme modèle, vous nivelez la qualité du conseil par le bas, vous reniez votre identité. Il y a une dilution complète de l’identité des pharmacies », a-t-elle commenté. Or, pour la directrice générale de Vu merchandising identitaire, il faut arrêter de croire qu’un seul modèle d’officine peut être gagnant : « Nous avons des profils de consommateurs différents, ainsi que des profils de pharmaciens différents. Il y a donc plusieurs typologies de pharmacies. L’enjeu est de ne pas laisser le marché choisir pour vous. Ne banalisez pas votre officine. La qualité de conseil a un prix. Ne tombez pas dans la guerre des prix. Revalorisez, donnez du sens, et la question du prix sera éliminée ».

Deuxième idée forte d’Aurélie Paquier : la clé de l’efficacité est d’avoir une stratégie. Les pharmaciens doivent se questionner sur ce qu’ils veulent être. « Soyez cohérent sur votre stratégie et votre identité », a-t-elle conseillé, avant de citer des exemples de pharmacies ayant assis une stratégie autour d’une identité claire comme une officine du groupement Happy Pharmacie de 200 m² qui a opté pour la « shopping expérience » avec une aromathèque, un bar beauté et un assortiment restreint. Ou encore cette petite pharmacie d’un village de 300 habitants qui a misé sur la naturalité. Dans les deux cas, leur chiffre d’affaires a augmenté. Et de conclure : « Les stratégies de différenciation sont les plus payantes. Choisissez vos expertises et remédicalisez vos pharmacies, c’est là que vous allez gagner de l’argent. »