- Accueil ›
- Business ›
- Retail ›
- E-commerce ›
- L’EXCEPTION FRANÇAISE
L’EXCEPTION FRANÇAISE
La majorité des pays européens autorisent la vente en ligne de médicaments OTC et le contexte juridique européen est favorable au commerce électronique. La France pourra-t-elle encore longtemps résister à ce qui apparaît de plus en plus comme une évolution inéluctable ?
Le 11 janvier dernier, en collaboration avec Le Moniteur des pharmacies et Pharmacien Manager, le cabinet d’avocats Ulys organisait une conférence « Pharmacie en ligne, une nouvelle législation pour une meilleure protection des officines et des consommateurs »*. L’objectif était de faire le point sur le contexte législatif et réglementaire français en matière de vente de médicaments sur Internet. Une question loin d’être réglée. Certes, la FSPF, l’UNPF et l’USPO y sont farouchement opposées. L’Ordre des pharmaciens aussi. Quant à Xavier Bertrand, ministre de la Santé, il a affirmé plusieurs fois que les médicaments n’étaient pas des « bonbons » et qu’ils ne pouvaient être vendus sur Internet. Pourtant, lors du Congrès des pharmaciens à Bordeaux, en octobre 2011, il a aussi reconnu que « le Code de la santé publique ne contient aucun principe d’interdiction ni d’autorisation » et a réclamé des textes précis. Cathie-Rosalie Joly et Thibault Verbiest, avocats du cabinet Ulys, partagent cette analyse et soulignent l’importance de la jurisprudence et des directives s’appliquant à tous les Etats membres de l’Union européenne, et par conséquent à la France.
Une législation européenne inspirée de l’arrêt « DocMorris »
L’arrêt « DocMorris » du 11 décembre 2003 constitue la première brèche en matière de vente par Internet. En juin 2000, cette pharmacie néerlandaise commence la commercialisation sur Internet des médicaments soumis ou non à prescription médicale, y compris en langue allemande, à un consommateur final qui réside en Allemagne. Ces médicaments sont autorisés soit en Allemagne soit aux Pays-Bas. Mais l’offre provoque la colère de la Bundesvereinigung Deutscher Apothekerverbände, association représentant les pharmaciens allemands, qui porte plainte. Le tribunal allemand transmet alors à la Cour de justice européenne trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation des textes européens sur la vente des médicaments. La Cour tranche. Elle estime qu’une interdiction nationale de vente par correspondance de médicaments autorisés mais non soumis à prescription médicale constitue une restriction de la libre circulation des marchandises. Pour la Cour, cette interdiction n’est donc pas justifiée. En revanche, elle peut l’être pour les médicaments soumis à prescription médicale. Concrètement, un Etat membre de l’Union européenne ne peut pas interdire la vente en ligne de médicaments mais ne peut pas non plus l’imposer.
Un arrêt plus récent, rendu le 2 décembre 2010, va dans le même sens que l’arrêt “DocMorris” (affaire C-108/09). L’affaire oppose le fabricant hongrois de lentilles de contact Ker-Optika à son pays, dont les autorités interdisent la commercialisation de ces produits par Internet. La Cour de justice européenne estime que cette interdiction est une entrave à la libre circulation des marchandises en Europe qui n’est pas justifiée. Un Etat membre peut demander que ces produits soient vendus par un personnel qualifié, mais si le site Internet du fournisseur permet de fournir aux consommateurs des informations et conseils supplémentaires par des éléments interactifs ou à distance par un opticien désigné, rien ne s’oppose à une telle vente.
La directive 2011/62/UE du 8 juin 2011, qui modifie la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire pour les médicaments à usage humain, spécifie que, « à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice, les Etats membres devraient pouvoir imposer des conditions justifiées par la protection de la santé publique lors de la délivrance au détail de médicaments offerts à la vente à distance au moyen de services de la société de l’information. Ces conditions ne devraient pas entraver indûment le fonctionnement du marché intérieur ». La directive 2001/83/CE acte par conséquent le commerce électronique des médicaments, même si les Etats peuvent l’encadrer, et précise les conditions de vente : identification par le grand public des sites Internet qui proposent légalement des médicaments offerts à la vente à distance au public, mise en place d’un logo commun à l’Union européenne, informations sur la personne ou la société qui vend en ligne, etc. La directive doit être transposée par les Etats membres d’ici le 2 janvier 2013.
« Une situation tout à fait inconfortable qui déstabilise le réseau officinal »
En France, la transposition de cette directive est prévue par l’article 38 de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cet article autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer la directive 2011/62/UE en droit national. Ce qui a apaisé les craintes de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine. Pour le syndicat, l’article 38 doit permettre au gouvernement d’interdire la vente sur Internet de médicaments. Ce qui est une interprétation. Cet article ne constitue en effet nullement une garantie que le gouvernement n’autorisera pas un tel commerce électronique. La réponse en février 2011 de Xavier Bertrand, en tant que ministre de la Santé, à une question parlementaire du député socialiste Pierre Moscovici est d’ailleurs claire : le gouvernement travaille – ou du moins a travaillé – sur le sujet (voir encadré page 25). « Les autorités sont persuadées que l’on peut vendre en ligne et nous sommes de plus en plus dans une harmonisation des pratiques au niveau européen », observe Alain Breckler, chargé de mission Internet au Conseil national de l’ordre des pharmaciens. L’Etat français va devoir prendre position. Nous ne pouvons pas rester dans l’incertitude. C’est une situation tout à fait inconfortable qui déstabilise le réseau officinal. Et si l’Etat ne fait rien, cela s’imposera à nous de façon autoritaire par un recours contre la France auprès de la Cour de justice européenne. »
Cathie-Rosalie Joly (Ulys) en appelle aussi aux officinaux : « Attention au risque parallèle de perte de monopole sur les médicaments OTC si les pharmaciens français n’adoptent pas une position claire sur leur vente en ligne ! »
* www.ulys.net/fr/potins-56/la-vente-de-medicaments-en-ligne-ulys-fait-sa-conference.html
Xavier Bertrand est-il vraiment contre ?
En février 2011, Xavier Bertrand fait une réponse écrite à une question parlementaire posée par Pierre Moscovici, député PS du Doubs, portant sur la possibilité de vente de médicaments sans ordonnance, évoquée notamment lorsque Roselyne Bachelot était ministre de la Santé : « L’arrêt “DocMorris” de la Cour de justice des communautés européennes du 11 décembre 2003 a précisé qu’un Etat membre ne peut prévoir de mesure d’interdiction générale de vente de médicaments par Internet. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire d’encadrer et de sécuriser le commerce électronique de médicaments en vue de permettre aux patients qui le souhaitent d’avoir accès à certains médicaments offrant toutes les garanties de qualité et de sécurité. A cette fin, la Direction générale de la santé poursuit les travaux qu’elle a engagés avec l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens visant à définir le cadre juridique sécurisant la vente de médicaments sur Internet. Aucune décision n’a été prise à ce stade, les difficultés identifiées étant nombreuses. En toute hypothèse, la vente sur Internet ne pourra être autorisée que pour des médicaments en libre accès, c’est-à-dire légalement autorisés et ne nécessitant pas de prescription médicale, et sous le contrôle d’un pharmacien. Le ministre […] souhaite, en outre, que la vente par correspondance soit réceptionnée, traitée et livrée par une […] officine en “dur”. »
Sondage
Sondage réalisé par téléphone les 16 et 17 janvier 2012 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.
Etes vous favorable à la vente de médicaments OTC sur internet ?
Certains de vos patients achètent-ils des médicaments sur des sites internet étranger ?
Si la vente en ligne de médicaments OTC était autorisée en france, quels seraient pour vous les garde-fous à mettre en place ? (Plusieurs réponses possibles)
- Pharma espagnole : 9 milliards d’investissements et une réforme en vue
- Réforme de la facture électronique, mode d’emploi
- Mon espace santé : un guide pour maîtriser l’accès et la consultation
- Fraude à la e-CPS : l’alerte discrète mais ferme de l’Agence du numérique en santé
- Pharmacie de Trémuson : une officine bretonne pionnière en RSE et qualité
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
